INNOVATION. S'il y a bien une start-up qui est constamment citée comme menaçant la position des acteurs classiques du bâtiment, dont les plus importants, c'est bien la société américaine Katerra. Qui est-elle et qu'apporte-t-elle exactement ? Explications.
Katerra est, d'une certaine manière, la terreur des entreprises "classiques" de bâtiment. Cette start up, qui connaît une croissance exponentielle depuis sa création il y a seulement quatre ans, a été fondée par de jeunes ingénieurs issus du secteur de la "Tech". Il en a été question lors d'une conférence qui s'est tenue à Batimat, le 5 novembre 2019. "Les créateurs de Katerra ont estimé qu'il y avait des marges à gagner dans le secteur de la construction", a expliqué Pascal Chazal, fondateur d'Ossabois et spécialiste de la construction hors-site (ou préfabrication). "Ils ont donc réinventé le schéma de construction de A à Z en intégrant totalement l'ensemble des étapes, de la conception à la production, en passant pas l'ingénierie : le bâtiment est ainsi livré clé en main au maître d'ouvrage." Autrement dit, au lieu du modèle classique partant d'une collaboration entre toute une série d'acteurs indépendants de l'amont à l'aval, Katerra maîtrise toute la chaîne et en tire assez logiquement des gains en terme d'efficacité et de logistique.
Plus d'un milliard de dollars levés
Si cette start up s'est spécialisée dans la construction hors-site, il serait faux de dire qu'elle est hors-sol. Katerra a levé plus d'un milliard de dollars, et a d'ores et déjà investi dans six usines (neuf sont en cours de développement). La société a embauché des ingénieurs, des architectes et des spécialistes de l'entreprise générale - 8.000 collaborateurs en tout. Le mode constructif choisi, notamment pour des raisons environnementales, est celui du bois lamellé-croisé (CLT). Sa valorisation boursière, d'après Pascal Chazal, équivaut à la moitié de celle du groupe Bouygues.
Les chiffres témoignant de sa croissance donnent le tournis : de 15 projets en 2017, Katerra est passé à 700 aujourd'hui. Et vient d'ouvrir la plus grande usine de production de CLT des États-Unis.
Katerra s'oppose à l'idée fréquente selon laquelle dans la construction, chaque bâtiment serait un prototype. "Pour les dirigeants de cette jeune pousse, disposer d'une infinité de choix pour construire est une hérésie", détaille Pascal Chazal. "Car cela créé des problèmes d'interconnexion sur le chantier." Katerra estime par ailleurs qu'il vaut mieux créer ses propres produits que d'utiliser des produits existants manufacturés, qui ne correspondent manifestement pas aux quatre critères qui lui paraissent indispensables : qualité du design, fiabilité, ergonomie et aspect économique.
Des salles de bains en kit, montées en quatre heures
"Katerra est également en mesure de livrer sur site des salles de bains en kit qui sont déployées en quatre heures par deux opérateurs", explique Pascal Chazal. Un autre atout d'avoir la main sur toute la chaîne est d'assurer un apport de matériaux optimal. Le chantier n'est plus dépendant d'autres sociétés ou de partenaires, tout est maîtrisé à 100%, et tous les composants sont suivis à la trace à l'aide de flash codes. Des facteurs qui séduisent visiblement de nombreux maîtres d'ouvrage : Katerra disposerait de sept milliards de dollars de commandes...