Véritable serpent de mer, la crainte d’une bulle immobilière en Europe refait surface. Alors que le marché s’apaise en Grande Bretagne, plusieurs banques centrales, dont la banque de France, tirent la sonnette d'alarme face au dérapage des prix.

Cette fois, le message se veut clair. Dans son rapport mensuel de janvier, la Banque centrale européenne (BCE) met en garde, pour la première fois en des termes aussi forts, contre des "hausses insoutenables des prix de l'immobilier" dans "certains pays".
Parmi les pays jugés à risque: l'Espagne, les Pays-Bas et l'Irlande où les prix ont doublé entre 1995 et 2003, et dans une moindre mesure la France et l'Italie où ils ont progressé de quelque 50%.
Ce phénomène s'explique notamment par les taux d'intérêt actuellement très bas en zone euro, qui incitent les ménages à s'endetter pour accéder à la propriété.

Certains économistes interrogés par l'AFP, redoutent un scénario de bulle immobilière, c'est à dire une hausse de prix spéculative et déconnectée de l'économie réelle (salaires et taux d'intérêt), qui risque de finir en krach immobilier. Avec des conséquences graves pour les ménages, dont le patrimoine se déprécie, et pour les banques qui utilisent les biens immobiliers comme garanties.
"On ne peut pas parler de bulle pour l'ensemble de la zone euro", tempère toutefois Lorenzo Codogno, économiste de Bank of America qui rappelle qu'en Allemagne par exemple, le marché immobilier est déprimé depuis de nombreuses années.
Tout le contraire de l'Espagne, où le gouvernement doit mettre la main à la pâte pour enrayer l'inflation. Il va céder des terrains de l'armée, près de 9 millions de mètres carrés au total, pour la construction de logements neufs à Madrid, a-t-il annoncé la semaine dernière.

En Irlande, la banque centrale s'inquiète surtout du niveau d'endettement des ménages. La dette moyenne des foyers irlandais, constituée aujourd'hui à 80% d'emprunts immobiliers, a doublé au cours des dix dernières années.
Le gouverneur de la Banque centrale irlandaise, John Hurley, a averti dès l'automne dernier que si les prix continuent de connaître des rythmes de croissance à deux chiffres, "le risque d'une correction sévère sera plus important".

En Angleterre, cette correction semble s’effectuer en douceur. Pour la première fois, la Banque d'Angleterre affirme clairement que les prix de l'immobilier, facteur très important dans l'économie britannique, sont orientés à la baisse.
"La probabilité pour que les prix de l'immobilier baissent l'emporte nettement désormais sur la probabilité pour que les prix progressent", a déclaré Kate Barker, l'un des membres du comité de politique monétaire de la Banque d'Angleterre, lors d'un discours à l'Institut des affaires économiques à Londres.
Aux Pays-Bas aussi l'inflation des prix de l'immobilier marque un net ralentissement, mais cette tendance est vraie depuis 2001.

En ce qui concerne la France, la banque centrale nationale juge, dans une étude parue lundi, que le rythme de progression des prix de l'immobilier est "peu soutenable."
"Depuis le début des années 2000, la croissance annuelle des prix réels des logements s'est accélérée, faisant naître des interrogations sur la soutenabilité des rythmes de progression observés dans plusieurs pays, notamment la France", écrit-elle.
La banque centrale rappelle qu'entre 1995 et 2003, "les prix des logements ont plus que doublé dans une demi-douzaine de pays et crû de plus de 50% dans une demi-douzaine d'autres, dont la France".
"En termes réels, c'est à dire corrigés des prix à la consommation, la progression s'établit à 50% ou plus dans près d'une dizaine de pays", précise-t-elle.
Les professionnels français de l’immobilier ne partagent toutefois pas tous ces inquiétudes. Ainsi, la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) compte plutôt sur "un atterrissage en douceur des prix".

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