Contesté sur le front social, Jean-Pierre Raffarin a fait un geste significatif en direction de la " France d'en bas ", en soutenant l'ambitieux projet de rénovation urbaine de son ministre de la Ville, Jean-Louis Borloo.

Vous verrez des grues partout", a promis le ministre délégué à la Ville Jean-Louis Borloo mercredi, à l'issue du conseil des ministres où il présentait son projet de loi d'orientation et de programmation pour la rénovation urbaine, "le premier de la Vème République".

En effet, le déblocage de 30 milliards d'euros sur cinq ans pour la reconstruction urbaine et la généralisation de la "faillite civile" - une mesure que la gauche a souvent évoquée sans jamais la réaliser - constituent les principales mesures du projet de loi que M. Borloo a finalement réussi à élaborer après bien des péripéties et malgré de nombreuses réticences.

Outre qu'il constitue une victoire personnelle pour l'ancien maire UDF de Valenciennes, longtemps proche de François Bayrou et éloigné des thèses de la droite libérale, ce texte permet au Premier ministre, grâce à un heureux hasard du calendrier, d'apporter une touche sociale à son action, après les déboires rencontrés sur le dossier des retraites et la grogne des enseignants.

L'objectif du bouillonnant ministre de la Ville est de grande ampleur: il s'agit de démolir et reconstruire 200.000 logements sociaux, en réhabiliter 200.000 autres, réaménager voiries et espaces verts.
Le programme représente 30 milliards d'euros d'investissements sur cinq ans, et l'Etat s'engage à hauteur de 2,5 milliards d'euros. L'ensemble des financements nationaux (Etat, Caisse des dépôts, 1% logement, Agence nationale pour la réhabilitation de l'habitat) s'élèveront à 1,2 milliard par an, soit 6 milliards sur cinq ans. Pour le reste, "on compte sur l'effet-levier", a affirmé M. Borloo, convaincu que les collectivités locales, les Offices HLM ne rechigneront pas à accompagner ce chantier "exceptionnel".

"Révolté" par la situation de quelque 165 quartiers en France, "plus 600 autres très fragiles", où les "conditions de vie ne sont pas acceptables", Jean-Louis Borloo a rappelé mercredi les "42% en moyenne de chômage, le taux d'échec scolaire, les commerces qui ferment".
"C'est inacceptable"
, dit-il, "la laïcité peut être un débat théorique intéressant, mais il n'y a pas laïcité sans égalité sociale".

Pour témoigner des progrès qui seront réalisés, le ministre entend filmer, "dès cet après-midi", des sites en difficulté et présenter "chaque année, le 18 juin, les progrès réalisés".

L'outil essentiel de la rénovation urbaine sera la nouvelle Agence nationale de rénovation urbaine, établissement autonome qui globalisera et pérennisera les financements nationaux. Elle sera l'interlocuteur unique des élus locaux, qui lui présenteront leurs projets, quartier par quartier.

L'Agence pourra accorder de 10 à 50% du montant des projets. La Seine-Saint-Denis, a souligné le ministre, "qui cumule la plus grande partie des handicaps", devrait à elle seule recevoir 1 milliard d'euros sur les six milliards à la disposition de l'agence.

D'ici la fin de l'année, 50 à 80 conventions auront été signés, a estimé le ministre, et l'ensemble des dossiers devraient être conclus en 2004.
Une évaluation sera faite chaque année, sur la base de 43 indicateurs (chômage, éducation, accès aux soins, sécurité ...)

Par ailleurs, les pouvoirs des préfets et des maires seront renforcés pour traiter définitivement les immeubles très dégradés et les copropriétés à l'abandon. Le projet de loi prend également en compte la situation personnelle des familles les plus fragilisées par le surendettement.

Enfin, le projet de loi, qui sera discuté à l'Assemblée les 3 ou 4 juillet, crée 41 nouvelles zones franches urbaines, qui bénéficieront d'exonération fiscale et sociale.

Ce projet a été obtenu a l'arraché par Jean-Louis Borloo qui a dû batailler ferme pour obtenir, après plusieurs mois de forcing, le feu vert définitif de Matignon sur son texte. Le tandem de Bercy militait en effet contre cette mesure jugée trop coûteuse, et qualifiée de dangereuse par certains au sein de la majorité.

Il y a quelques mois, le ministre de la Ville reconnaissait d'ailleurs s'être retrouvé "isolé sur ce dossier". En remportant son bras de fer, Jean-Louis Borloo risque de mettre les socialistes dans l'embarras vis-à-vis d'une mesure dont tout le monde attendait plutôt qu'elle émane de la gauche.

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