Réélu le 14 avril dernier à la présidence de la Capeb, Jean Lardin revient sur les enjeux du maintien de la TVA à taux réduit. Et réaffirme les axes stratégiques de la Confédération. Interview.




Batiactu : Vous venez d’être réélu président de la Capeb pour 3 ans, quel bilan tirez-vous de votre précédent mandat ?
Jean-Lardin : La politique de la Capeb ne se fait pas au rythme des changements de président. Les premières années de mon mandat étaient dans le droit fil d’une trajectoire que nous avions construite au sein de notre conseil d’administration : permettre à toutes les entreprises d’accéder à tous les marchés. Nos enjeux sont de permettre de garder un contact direct et privilégié avec la clientèle, situation assez particulière au sein de l’Union européenne. Nous devons nous battre pour cela !
Néanmoins, cela se passe dans un contexte général de la construction tout à fait favorable, puisque le rythme de l’activité augmente depuis 1999, année où nous avons bénéficié d’une économique française qui montrait des signes encourageants et de la TVA à taux réduit.

Batiactu : Justement, où en sont les négociations pour le maintien de la TVA à 5,5% ?
Jean-Lardin : Le prolongement de cette expérience prend son terme au 31 décembre de cette année. Si nous avons un soutien inconditionnel de l’Etat pour la pérennisation de cette mesure, la décision ne se prend pas dans l’Hexagone mais au niveau du conseil des ministres de l’économie et des finances de l’Union européenne : l’Ecofin.
Pour cela, nous rencontrons différents députés européens. L’enjeu est de tout faire pour que l’on bascule d’une expérience à une pérennisation. Si nous avons beaucoup de supporters, comme l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Hollande, la Belgique…, nous avons un grand opposant : l’Allemagne. Nous avons essayé de convaincre le gouvernement allemand mais, visiblement, il est arc-bouté sur ses convictions. Nous pensons que l’issue de cette question majeure pour nos activités, ce sera la décision que prendront, bilatéralement le chancelier Gerhard Shröder et le président de la république Jacques Chirac. Car à chaque fois qu’il y a eu des opérations de cette envergure, c’est souvent les yeux dans les yeux que la situation était débloquée.

Batiactu : Quels sont les enjeux de cette pérennisation ?
Jean-Lardin : La non reconduction de la mesure aurait des conséquences terribles puisque des études montrent que si jamais on revient à la situation antérieure, c’est-à-dire TVA à taux plein pour l’ensemble des travaux, entre 65.000 et 70.000 postes de travail seraient immédiatement supprimés en France et entre 250.000 et 300.000 pour l’ensemble de l’Union européenne.
Je ne peux donc concevoir que les hommes politiques responsables prennent le risque de supprimer 70.000 emplois comme cela. Donc même si cela se passe aux forceps, je ne peux pas imaginer une autre issue qu’une issue positive. A la Capeb, on se battra pour atteindre cet objectif.

Batiactu : Les Français ont voté « non » au référendum pour le Traité constitutionnel européen, quelle stratégie allez-vous désormais adopter ?
Jean-Lardin : Plus que jamais, nous devons argumenter et convaincre tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir de décision.

Batiactu : Qu’attendez-vous du nouveau gouvernement ?
Jean-Lardin : Nous attendons qu’il reste fidèle à ses engagements et qu’à son tour, il entreprenne une démarche d’explication. Comme le Premier Ministre s’y est engagé (dans le cadre d'une rencontre lundi, au sein de la délégation de l’UPA, ndlr), il est indispensable que la France jette tout son poids dans la balance pour obtenir rapidement l’accord européen et éviter les incertitudes de fin d’année désastreuse pour la conjoncture du bâtiment.

Batiactu : En cas de non pérennisation de la TVA à 5,5%, avez-vous déjà réfléchi aux mesures qui pourraient la substituer ?
Jean-Lardin : Je n’envisage pas la non reconduction de la TVA à taux réduit. Cette mesure a été mise en œuvre facilement, nos clients se la sont appropriée, elle a créé de l’emploi, elle a réduit le coût des prestations … Tout le monde y gagné. Je ne vois pas ce qui pourrait justifier une renoncement à sa pérennisation. Quant aux mesures de substitution, il n’en manque pas - et elles existaient avant - mais elles n’ont pas produit les effets escomptés. Le crédit d’impôts est une solution mais il faut payer des impôts et tout le monde n’en paie pas. Quant à la déduction fiscale, c’est quelque-chose qui n’est pas bien utilisée par la population.
Donc la TVA à 5,5% est la mesure qui convient parfaitement. Pour une fois que l’on a un « truc » qui marche, on ne va quand même pas y renoncer.

Batiactu : Depuis plusieurs années, la Capeb s’attache à valoriser les métiers du BTP, quels sont aujourd’hui les résultats ?
Jean-Lardin : Tout cela est en train de donner à notre profession une image et un look résolument modernes, ce qui est indispensable pour attirer vers nous des publics qui ne s’orientaient pas vers les métiers du bâtiment. Depuis une dizaine d’années, le secteur crée régulièrement des emplois, sans discontinuer. Le solde net pour l’an dernier était de 30.000 salariés de plus. Pourtant, 58% des entreprises qui cherchent à embaucher ont des difficultés. Cela signifie que si parmi les chômeurs, nous avions des candidats, nous aurions pu créer d’avantage d’emplois.

Batiactu : La signature de l’accord-cadre avec le Ministère de l’emploi pour les CI-RMA s’inscrit-elle dans ce cadre ?
Jean-Lardin : Nous avons signé l’accord-cadre sur le Revenu Minimum d’activité avec Gérard Larcher pour donner des possibilités supplémentaires de recrutement pour nos entreprises et bien évidemment pour résorber les chiffres du chômage.

Batiactu : Quels sont les métiers les plus touchés par la pénurie d’emploi ?
Jean-Lardin : Si toutes les professions ont des besoins énormes, il s’agit surtout des professions du gros-œuvre, des métiers de la serrurerie, de la menuiserie aluminium et de la métallerie. Tout cela est dû essentiellement à une adéquation entre les besoins réels des entreprises et à un manque dans tous les centres de formations confondus... Tous les formateurs réunis forment à peine 50% des besoins annuels de la profession. Donc la marge de progression est extraordinaire.

Batiactu : Après la création d’entreprise, vous vous attachez aujourd’hui davantage à la transmission d’entreprise, pourquoi ?
Jean-Lardin : Vu le nombre d’entreprises à reprendre (50% dans les 10 prochaines années, ndlr), travailler uniquement sur la création d’entreprise n’est pas suffisant. En termes qualitatif, il vaut mieux reprendre une entreprise encore en activité et qui a fait ses preuves, un peu comme une course de relais ou le repreneur prend le témoin dans de bonnes conditions. Or, vous ne pouvez pas courir un relais avec des chances de gagner si vous ne vous êtes pas entraîné et si vous n’avez pas bien étudié le parcours. C’est là-dessus que nous mettons l’essentiel de nos efforts. Et nous reconnaissons que le gouvernement a compris l’intérêt. Néanmoins, la création reste indispensable car il peut y avoir des candidats à la vie d’entreprise qui ne trouvent pas le bon cédant.

Batiactu : Vous venez de refuser de signer la réforme de Qualibat, pourquoi ?
Jean-Lardin : Nous sommes très favorables à la réforme de Qualibat, mais nous n’avons pas signé le protocole d’accord parce qu’il nous demandait de renoncer au CIP qui n’est pas une qualification mais un certificat d’identité professionnelle. Cette demande démesurée est pour nous déplacée et inacceptable.

Batiactu : L’essor des GSB menace-t-il la profession ?
Jean-Lardin : La montée en puissance du phénomène d’auto-construction ou de travail au noir est un phénomène qui est observé et analysé souvent avec crainte par la Capeb. L’augmentation de l’activité des GSB, qui se développent de façon constante, montre bien qu’il peut y avoir un déplacement, une réorientation d’une partie du marché de la construction qui échapperait aux entreprises, et notamment aux entreprises artisanales. Nous évitons de tout mélanger, mais plusieurs phénomènes différents doivent être pris en considération.
Le cas du travail au noir est un cas bien précis auquel les pouvoirs publics savent qu’ils doivent s’attaquer et sans le moindre état d’âme car cela fait partie de cette économie souterraine qui doit être combattue.
Ensuite, il est clair que le maintien à un taux réduit de TVA pour les travaux d’entretien/réhabilitation limiterait le recours des candidats à l’aménagement des logements à vouloir le faire par eux-mêmes sur leur temps-libre ou à vouloir le confier à des travailleurs au noir.

Batiactu : Comment voyez-vous l’avenir du marché ?
Jean-Lardin : Lorsque l’on s’appuie sur les chiffres du premier trimestre, nous pouvons penser a priori que le niveau d’activité en 2005 sera satisfaisant. Il serait quand même important que les pouvoirs publics prennent les dispositions qui permettent aux entreprises de pouvoir répercuter les hausses des coûts des matières premières et notamment de l’énergie.
Car sinon, nous risquons de nous trouver dans le paradoxe d’avoir un niveau d’activité satisfaisant mais des marges qui se réduisent par l’impact négatif des hausses des matériaux et du prix de l’énergie.
Mais un autre phénomène peut également venir influencer l’activité d’ici à la fin de l’année : si les consommateurs potentiels se disaient, dès la fin de l’été, qu’il y a des incertitudes sur le niveau de TVA, des investissements projetés pourraient être stoppés voire abandonnés. Cela aurait un effet désastreux pour l’activité de la fin de l’année et du début de l’année prochaine.

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