Pas moins de six amendements ont été déposés par l'Ordre des architectes pour demander que soient supprimés certains articles de la loi sur la transition énergétique relatifs aux nouvelles règles sur l'isolation des bâtiments, ou que soit introduite l'obligation d'effectuer un diagnostic préalable avant toute rénovation. Décryptage avec Catherine Jacquot, présidente du Cnoa.

Après les Architectes du Patrimoine et le Sénat, c'est au tour de l'Ordre des Architectes de clamer sa colère contre certains articles de la loi sur la transition énergétique, qui sera examinée à partir de février prochain.

 

Le combat est le même, notamment autour des articles 3 et 5 du texte qui introduisent de nouvelles règles concernant les travaux de rénovation importants, en imposant notamment l'isolation thermique par l'extérieur en façade et en toiture. "C'est fort dommageable pour le patrimoine, s'insurge d'emblée Catherine Jacquot, et aussi contraire à l'esprit du gouvernement dans ses efforts de simplification des normes". Pour elle, pas de doute, l'isolation thermique par l'extérieur n'est pas "pertinente" car il n'y a pas de catégories de bâtiment, mais des bâtiments particuliers. Loin de dénigrer l'ITE, "appropriée dans certains cas", elle souhaite que l'on "laisse les professionnels de la maîtrise d'œuvre être juges de son utilisation selon l'aspect, l'usage, l'occupation ou la disposition du bâtiment dans le site". Comprenant l'objectif d'améliorer la performance énergétique des bâtiments - priorité de la loi portée par Ségolène Royal - elle ne souhaite pas que l'on systématise une solution unique lorsqu'il s'agit d'isolation. "Autant on peut assouplir les textes en matière d'urbanisme pour permettre à toutes les techniques de se développer et d'être autorisées, mais il est dommageable de lier le code de l'urbanisme à une seule solution technique", poursuit la présidente.

Par d'ersatz en architecture !

Sans détour, elle évoque un important lobby de professionnels du ravalement, ainsi que des associations écologistes puissantes qui auraient un rôle non négligeable dans la rédaction de cette loi. "Faire de l'ersatz architectural, en remplaçant une modénature ou autres corniches sur de l'ITE, ce n'est pas pensable !", s'indigne-t-elle.

 

Autre sujet qui a donné lieu à un amendement : le diagnostic préalable. "Aucune règle générale définie par le code de la construction et de l'habitation n'aborde une opération de construction ou de réhabilitation dans sa globalité", indique le Cnoa dans une lettre ouverte. "Il est nécessaire d'effectuer un diagnostic préalable (…) dans le but de proposer des solutions de rénovation performantes visant à améliorer la valeur patrimoniale du bâtiment", poursuit-il. Et Catherine Jacquot d'asséner : "Il faut que ce diagnostic soit réalisé par des professionnels, et notamment par des personnes qui ne sont pas partie prenante comme la maîtrise d'œuvre et pas par un employé de La Poste (cf. encadré, ndlr) !". Et de nous confier que le Cnoa travaille en ce moment à une proposition d'offre globale qui inclurait maîtrise d'œuvre et artisans. Elle rappelle également qui mieux que l'architecte, de par sa formation, a les compétences pour faire un diagnostic avant rénovation. Et notamment grâce à OSCAR, le logiciel thermique propre à l'Ordre qui permet de réaliser des diagnostics sans aucun problème… D'ici au mois de mars, l'Ordre sera même en mesure de proposer un modèle type de diagnostic, nous confie Catherine Jacquot.

Mise en cause de la loi Spinetta

Parmi les autres amendements, figure celui relatif à l'extension du champ d'application de la responsabilité décennale. Le texte nomme ainsi "responsable de plein droit tout constructeur d'un ouvrage de rénovation énergétique du respect de la réglementation thermique en vigueur", précise le Cnoa. En d'autres termes, cela signifie que le texte crée une responsabilité autonome avec pour seul élément déclencheur le non-respect d'une réglementation technique spécifique, remettant en cause la loi Spinetta qui instaure la présomption de responsabilité décennale. Pour un simple écart de consommation - dû à un probable mauvais comportement de l'occupant - l'architecte ou le constructeur pourrait être mis en cause. Cette nouvelle obligation va peser de manière anormale sur le régime de l'assurance obligatoire, conduisant à une augmentation significative des primes tant pour les particuliers que pour les professionnels. "Cela va conduire à l'augmentation des primes, mais aussi du coût du bâtiment", souligne la présidente du Cnoa.

 

Le sujet de la cotraitance a suscité aussi la colère des Architectes, qui propose une réécriture de l'article. En effet, celui-ci n'obligerait plus les artisans à être solidaires dans le cas de travaux inférieurs à 100.000 euros. "Nous demandons que cela soit possible, car le fait d'être solidaire est une garantie pour le maître d'ouvrage", explique Catherine Jacquot. Qui ajoute : "La solidarité ne doit pas être considérée comme un frein".

 

Et de conclure : "L'Ordre a une délégation de service public. Entendons-nous bien, notre intérêt premier est celui de l'usager. Tous nos amendements servent cet intérêt-là".

 


La Poste, acteur de la transition énergétique ?
Surprenant ! La Poste et le Conseil général de Vendée ont signé un accord de partenariat dans le cadre du Plan Vendée Energies Nouvelles. Objectif annoncé : réduire les consommations d'énergie. Mais que viennent donc faire les postiers dans cette affaire ?, s'interroge Catherine Jacquot, qui nous a dévoilé cette information. Article de presse à l'appui, on apprend que 1.000 facteurs seraient formés au diagnostic "selon les recommandations de l'Ademe", explique La Poste dans un communiqué. Une opération qui viserait à mobiliser les artisans, semble-t-il.
Qui financera ? Les postiers marcheront-ils sur les plates-bandes des artisans ? Quelle formation recevront les postiers ? Quelles seront leurs préconisations ? Autant de questions sans réponse !
Des accords du même genre ont déjà signés avec deux autres conseils généraux, lequel accord auraient eu l'appui de fournisseurs d'énergie type GDF-Suez et EDF. "Nous sommes consternés", lâche Catherine Jacquot.

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