Sous l'impulsion de ses propriétaires, le zoo de Thoiry a lancé les travaux d'un havre de paix pour les amphibiens et les invertébrés, baptisé l'arche des petites bêtes. Implanté en plein cœur du parc, ce bâtiment se veut pionnier en matière environnementale testant des savoir-faire rares et audacieux. Sa particularité principale : son isolation en béton de chanvre. Explications.
C'est un bateau ou plutôt une véritable arche de Noé qui est en train de sortir de terre au zoo de Thoiry. Baptisée l'arche des petites bêtes, cette éco-construction imaginée et soutenue par les propriétaires, accueillera courant juillet des invertébrés et des amphibiens. Et là est bien toute la contrainte de la construction, implantée sur un périmètre classé «site pittoresque», puisque ces animaux ont besoin de certaines conditions atmosphériques pour vivre.
«Dans le pire des scénarios, la température ne doit pas descendre en dessous de 26° ni être en surchauffe l'été, pour cela différentes zones doivent être aménagées et adaptées aux types de bêtes, c'est pourquoi un éclairage spécifique et des lampes chauffantes seront disposés dans certains espaces qui leur sont dédiés», précise l'architecte du projet, Pascal Bas. Outre ces contraintes, il a fallu également tenir compte d'un parti pris non négociable avec la directrice zoologique des Parcs du Groupe Thoiry : l'engagement environnemental. Une démarche normale pour la jeune femme qui est fortement attachée aux valeurs écologiques : «Nous avons cherché une architecture intuitive, qui parle d'elle-même d'éco-construction sans avoir à l'expliquer aux visiteurs et aux enfants», explique Colomba de La Palouse-Turnbull. Avant d'ajouter : «Une opération qui s'inscrit dans notre implication globale de sensibilisation au développement durable». C'est donc logiquement que l'architecture et l'éco-construction devaient s'unir et ne faire plus qu'une afin que le message puisse passer auprès du public. Une idée qui se prolonge jusque dans le choix des matériaux. Tout naturellement, il s'est dirigé vers le bois pour faire la coque du bateau. Avec le temps, elle grisera et répondra à la chaux aérienne de couleur sable qui recouvre le bâtiment.
Le béton de chanvre, un choix durable
Côté isolation, le choix s'est porté sur le béton de chanvre : «Au début, on pensait à la paille mais pour la mise en œuvre, il y avait peu d'entreprises excepté des associations et des sociétés anglaises», confie Colomba de La Palouse-Turnbull. Le béton de chanvre Tradical®, fabriqué par BCB, du groupe Lhoist, a donc été projeté dans l'ossature secondaire. Au total, ce sont plus de 150 m3 qui ont été nécessaires sur 500 m2. De plus, l'entreprise de mise en œuvre, Bati Ethic, devait relever le défi des murs bombés et incurvés dus à l'architecture contemporaine de l'arche mais également s'adapter aux parois dont la hauteur atteint 5,20 mètres. Pour parvenir au résultat, LM ingénieur a réalisé une étude d'exécution pour mettre au point le dispositif structurel et a conseillé la mise en place d'un système d'ossature secondaire, inséré dans la coque de l'arche, qui prendrait appui sur le soubassement et en partie haute, l'installation d'une panne de sablière, l'ossature bois se fixant dessus.
Des équipements verts
Si l'isolation joue un rôle d'inertie et d'isolation thermique et présente un avantage hygrothermique pour réguler l'humidité, le dispositif est complété par un système de climatisation en cas de canicule, mais aussi d'une VMC double et une simple flux (pour réguler la température la nuit). Pour le chauffage, le projet s'appuie sur une chaudière à gaz et un plancher chauffant : «Ce dernier pourrait disparaître dans les années à venir car il est prévu de raccorder le chauffage à la biométallisation du parc», précise l'architecte. Résultat : la consommation de climatisation devrait avoisiner 1000 kWh sur un scénario type canicule de 2003 et celle du chauffage 28.000 kWh pour une consigne de 20°C. Enfin, touche finale au programme : la toiture végétalisée qui fait partie intégrante du souci paysager. L'Arche devrait donc permettre à l'ensemble de ses occupants de profiter d'un environnement agréable et pour ceux qui en auraient besoin... de reprendre du poil de la bête !
Trois questions à...
Benjamin Leroux dirige Bati Ethic, entreprise spécialisée dans l'isolation et le béton de chanvre. Il a dirigé le chantier de Thoiry et nous explique les particularités du projet.
Batiactu : Pouvez-vous nous expliquer le procédé utilisé pour la projection du béton de chanvre ?
Benjamin Leroux : Le coffrage a été réalisé en deux temps. En premier la partie basse : celle-ci correspond à la moitié du bâtiment et elle est courbe. Nous avons calé l'ensemble par l'extérieur et projeté la matière de l'intérieur. Ensuite, nous avons retourné le coffrage courbe pour effectuer la même chose en partie haute. En quelque sorte, nous avons inversé le procédé avec un coffrage à l'intérieur et un projeté à l'extérieur en touche de piano.
Benjamin Leroux : Le coffrage a été réalisé en deux temps. En premier la partie basse : celle-ci correspond à la moitié du bâtiment et elle est courbe. Nous avons calé l'ensemble par l'extérieur et projeté la matière de l'intérieur. Ensuite, nous avons retourné le coffrage courbe pour effectuer la même chose en partie haute. En quelque sorte, nous avons inversé le procédé avec un coffrage à l'intérieur et un projeté à l'extérieur en touche de piano.
Batiactu : En quoi ce chantier vous a-t-il étonné ?
B.L : Le coffrage courbe extérieur qu'on avait imaginé a bien fonctionné. Pour les murs courbes, la solution «touche de piano», c'est-à-dire un remplissage en alternance, a bien marché et c'était une première !
Batiactu : Quels sont les atouts et les contrainte du béton de chanvre ?
B. L : Le béton de chanvre est un matériau avec une résistance thermique. Il a également des capacités d'inertie, de flexibilité, et d'adaptabilité. De plus, il est respirant et sain. Bien souvent, l'ensemble de ces qualités ne sont pas pris en compte. Du côté des contraintes, on peut évoquer les calculs de performance qui ne sont pas adaptés au matériau. En outre, c'est un matériau humide dans sa mise en œuvre, il faut donc prendre des précautions lors de la pose, notamment mettre en place des protections.
Propos recueillis par Céline Galoffre
Ossature bois
L'arche des petites bêtes de Thoiry vise une qualité environnementale. Le travail de charpente a été confié à DBS - Doré Bâtiment Services.
Isolation en béton de chanvre
Pour l'isolation, le choix s'est porté sur le béton de chanvre. Celui-ci a été choisi pour son isolation très performante et son inertie thermique.
Détail ossature
Trois ossatures structurent le projet : une ossature principale (35 m x 20 m), une ossature de la coque (50 m x 20 m) et une ossature secondaire (27 m x 5,20 m de hauteur x 17 m de largeur). Le béton de chanvre est utilisé pour l'ossature secondaire conçue avec les calculs de LM Ingénieur (voir paragraphe plus loin) projeté en remplissage et une ossature bois réalisée par l'entreprise DBS, Doré Bâtiment Services
Projection du béton de chanvre
Le béton de chanvre est un couple chaux aérienne-chanvre, réunissant les propriétés intrinsèques de chaque matériau, explique la société BCB, qui fourni le matériau au chantier.
Détail projection
Chantier et savoir-faire
L'entreprise de mise en oeuvre a fait preuve de savoir-faire pour la réalisation des murs bombés mais aussi pour la réalisation des parties incurvées et la régularité surfacique.
Machine
Arrivée du chanvre sur le chantier.
Isolation béton de chanvre extérieur achevée
L'arche des petites bêtes
L'architecture de l'arche des petites bêtes est inspirée de l'arche de Noé. Une idée qui a conduit à la forme de bateau.
L'arche au coeur de la nature
Une synergie entre le maître d'œuvre Pascal Bas, architecte, et Philippe Peiger, paysagiste a été nécessaire pour créer l'arche des petites bêtes.
Toiture
'L'Arche des Petites Bêtes est accessible par un cheminement dédié qui conduit directement le visiteur à l'arrière d'une coque entièrement fermée, dans un écrin de végétaux et entourée de « vagues », formées par des mouvements de terre, la terre provenant du château et ne nécessitant pas de transport'.
Maîtrise d'ouvrage : Par zoologique de Thoiry
Maîtrise d'œuvre : Pascal Bas
Début des travaux : 2011
Fin des travaux : juillet 2012
Montant des travaux : Gros œuvre et aménagement paysager : 1.200.000 euros
Aménagement intérieur : 600.000 euros
Superficie au sol : 500 m2