ENTRETIEN EXCLUSIF. Le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard a reçu Batiactu pour défendre la cohérence de sa stratégie logement. L'occasion aussi d'annoncer la nomination de Thierry Repentin à la tête du Conseil supérieur de la construction, ainsi que d'évoquer une éventuelle RT2018, et le travail de simplificiation des normes sismiques et d'accessibilité.
Batiactu : Dans le contexte d'une reprise économique encore fragile du secteur, une crise du logement toujours prégnante, des collectivités locales et un monde HLM inquiets ou en colère, un budget du logement à la baisse... Cette rentrée est très mouvementée pour votre ministère. Face à tous ces défis, comment allez-vous ?
Jacques Mézard : Je vais bien, je vous remercie. J'ai appris, que ce soit dans ma carrière professionnelle ou politique, qu'il fallait garder patience et avoir la volonté de ne jamais interrompre le dialogue.
Jacques Mézard : Je vais bien, je vous remercie. J'ai appris, que ce soit dans ma carrière professionnelle ou politique, qu'il fallait garder patience et avoir la volonté de ne jamais interrompre le dialogue.
Batiactu : Le dialogue est fondamental pour vous ?
Jacques Mézard : Oui, car quels que soient les acteurs concernés, les difficultés rencontrées, si on ne dialogue pas, s'il n'y a pas de concertation, on a du mal à avancer. Mais écouter et échanger ne doit pas nous empêcher, à la fin, d'arbitrer et d'avancer, c'est le rôle de l'exécutif. J'ai été durant dix ans adjoint à l'urbanisme et au logement, j'ai présidé mon agglomération pendant seize ans, jusqu'au mois de juin dernier. Depuis que je suis ministre, je n'ai jamais interrompu le dialogue, en respectant par ailleurs la solidarité gouvernementale. Même à Strasbourg, lors du congrès de l'USH, le dialogue n'a pas été interrompu. J'ai pu parler. Je ne suis d'ailleurs pas le premier ministre à avoir été chahuté lors du congrès HLM, et il était important de rappeler que l'Etat souhaite instaurer ce dialogue pour co-construire des solutions.
Batiactu : Concernant justement la baisse des APL, un collectif en a appelé à la mobilisation dans la rue. Comment réagissez-vous ?
Jacques Mézard : Nous sommes en démocratie. Cela ne me choque pas que des structures, des associations manifestent et fassent état de leur désaccord. On a la chance en France de pouvoir le faire.
"Même à Strasbourg, lors du congrès de l'USH, le dialogue n'a pas été interrompu. J'ai pu parler."
Batiactu : Les recevrez-vous pour entendre leur vision des choses ?
Jacques Mézard : Nous n'avons jamais cessé d'avoir un dialogue et des relations avec l'USH et ses partenaires, jamais. Et il en sera ainsi jusqu'au bout, quelle que soit l'issue de la loi de finances. Nous devons continuer à travailler ensemble.
Batiactu : Selon vous, l'organisation du mouvement HLM doit être revue, notamment en réduisant le nombre d'acteurs...
Jacques Mézard : Je ne leur dis pas : "Vous êtes 750 aujourd'hui et vous devez passer à 300, ou moins." Cela n'aurait pas de sens. Par contre, qu'il y ait des évolutions structurelles à faire dans ce secteur, je crois qu'eux-mêmes en sont conscients. Je crois pouvoir dire, d'après les contacts que j'ai, que chaque acteur partage ce sentiment. Qu'ils n'aient pas envie que l'évolution soit trop rapide et brutale, et bouleverse un certain nombre d'habitudes, je l'entends. Je remarque toutefois qu'Action logement s'est réformé rapidement, avec un certain nombre de résultats et une certaine efficacité - même si les deux situations ne sont pas tout à fait comparables. Et je pense qu'au sein du secteur du logement social, ils ont déjà ce débat entre eux. Mais nous ne leur demandons pas d'accoucher d'une restructuration dans les deux mois qui viennent. Il faut un cap clair et une progressivité dans la mise en œuvre.
"Que le secteur HLM ait besoin d'évoluer, je pense qu'il n'y a pas grand monde aujourd'hui qui le conteste."
Batiactu : Quel est le calendrier ?
Jacques Mézard : Le président de la République a dit que cela pourrait se faire en deux ou trois ans. Je suis convaincu que c'est un bon objectif. Et que c'est l'intérêt de tous les acteurs du secteur : logement social, bailleurs sociaux, locataires et collectivités locales. Certains d'entre eux sont d'ailleurs déjà entrés dans une voie de péréquation. Que le secteur ait besoin d'évoluer, je pense qu'il n'y a pas grand monde aujourd'hui qui le conteste.
Batiactu : Vous comprenez toutefois qu'il puisse y avoir des inquiétudes ?
Jacques Mézard : Il y a des sujets sur lesquels nous pensons qu'il faut mettre davantage l'accent, et je l'assume. Quand on parle d'augmenter les ventes de logements dans le secteur social, ce n'est pas pour chasser les locataires. Et j'ai toujours mis comme préalable dans les discussions qu'on a pu avoir avec les différents intervenants de préserver les droits des locataires. Mais il fallait trouver les solutions, certainement nouvelles, notamment pour éviter le mitage des copropriétés. J'ai siégé un certain nombre d'années dans l'office public HLM de mon département, et une solution que j'ai évoquée - même si elle ne satisfait pas toutes les associations de locataires - est celle de permettre à des locataires d'accéder à la propriété dans de bonnes conditions. C'est répondre au souhait de certains locataires de devenir propriétaires mais aussi utile pour le monde des bailleurs sociaux, parce que c'est un réel moyen d'apporter de nouveaux financements pour construire de nouveaux logements. Un logement vendu permet d'en construire au moins deux, quand ce n'est pas plus. En France, 2% des logements sociaux sont considérés comme pouvant être mis sur le marché et chaque année seulement 0,2% sont vendus. Nous pourrions faire beaucoup mieux, et nous devons faire beaucoup mieux. C'est un moyen d'assurer un financement aux bailleurs sociaux, et c'est un moyen d'assurer un financement d'aide à la pierre. Sur ce volet-là, je pense qu'il ne faut pas s'accrocher à des habitudes et ne pas avoir peur du changement parce que cela relève de l'intérêt général.