Le Président des Architectes de l'Urgence, Patrick Coulombel, qui a été parmi les tout premiers humanitaires à rejoindre Haïti à la suite du séisme, se montre très inquiet par la réalité des financements qui se mettent lentement en place pour faire face à une tragédie qui demande la mobilisation d'énormes moyens. Fort de son expérience d'architecte sur les théâtres des catastrophes qui se sont produites dans le monde depuis 8 ans, il est l'un des rares spécialistes à pouvoir donner la mesure de la tâche à accomplir en Haïti. Extrait de l'interview donnée au cours d'une conférence au Pavillon de l'Arsenal, le 8 février dernier.

Quelles sont les grandes leçons que retient l'architecte de cette catastrophe ?
Patrick Coulombel : Il faut reconstruire dans les règles de l'art. Nos anciens avaient de bonnes techniques ; nous devons reprendre certaines techniques ancestrales de construction pour bien faire aujourd'hui.

 

ll va falloir déblayer puis reconstruire. Peux-t-on reconstruire sur les ruines ?
P.C. : Il le faut, parce que la problématique du foncier est essentielle. S'il y a un propriétaire, on reconstruira. Il n'est pas possible de déplacer des populations, les projets en ce sens ne sont pas réalistes.
De plus l'histoire du lieu de vie est très importante, c'est l'histoire des gens, c'est l'histoire des hommes, on ne change pas tout cela d'un trait de crayon, à condition de ne pas reconstruire sur les zones de failles identifiées.

 

Doit-on et peux-t-on reloger provisoirement dans les alentours les habitants des villes détruites?
P.C. : Non, je pense qu'il faut stabiliser les populations là où elles vivaient dans toute la mesure du possible. Seule la problématique des bidonvilles doit nous inciter à proposer d'autres solutions pour dé-densifier et rendre plus « vivable » cet habitat de misère(assainissement, eau potable, évacuation et traitement des ordures, élargissement des voies, acheminement de l'électricité….).

 

Comment loger les victimes dignement rapidement ?
P.C. : Il faut traiter le problème des haïtiens les plus pauvres en priorité, ceux des bidonvilles. Nous devons les aider à construire de manière pérenne, parasismique, des habitations capables de supporter les cyclones et les fortes pluies.
Sur la base d'un foncier à leur attribuer impérativement, il est possible de construire des cellules de vie de 20 m² minimum, beaucoup plus si on a les moyens, et prévoir que les occupants puissent agrandir ultérieurement en fonction de leurs moyens. Cette reconstruction doit se faire en concertation avec les habitants et être accompagnée d'une formation technique, d'une distribution de matériaux, d'un programme financier pour relancer l'économie locale et subvenir aux besoins vitaux de ces familles durant la construction.

 

Comment organiser le relogement provisoire ?
P.C. : Par des tentes ou des solutions équivalentes, je ne crois pas à l'abri en dur temporaire. Le climat permet de vivre dehors pendant quelques mois encore. Si les tentes ou abris légers sont de qualité, cela suffira, à condition de mettre des moyens tout de suite dans la reconstruction d'urgence durable !

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