Infrastructures de transport, villes nouvelles, énergie… A cinq mois de la tenue du salon Intermat, les organisateurs publient un Observatoire de la Construction qui prouve que les marchés français et internationaux sont riches en opportunités. Les auteurs ont identifié pas moins d'une centaine de grands projets qui mobiliseront 1.600 Mrds € d'investissements dans les années qui viennent. Détails.
"Le contexte marché est très favorable en France, porté par le Grand Paris et les Jeux Olympiques", annonce d'emblée Isabelle Alfano, directrice du salon Intermat. Un optimisme de rigueur qui est renforcé par la situation de nombreux marchés à l'export. Avec le concours de Business France, l'organisation du salon a d'ailleurs souhaité publier un premier Observatoire de la Construction, pensé comme un indicateur servant au travail des professionnels du secteur afin de leur permettre d'identifier toutes les opportunités de contrats de façon prospective. En se concentrant sur une douzaine de pays de la zone Europe-Moyen Orient-Afrique (*) il est estimé que 105 grands projets seront lancés d'ici à 2030 représentant des investissements de 1.600 milliards d'euros !
A eux seuls, les principaux marchés du Vieux continent totalisent pour 925 Mrds € de projets. L'Allemagne arrive en tête (287 Mrds €), devant l'Italie (223 Mrds €), le Royaume-Uni (167 Mrds €) et la France (139 Mrds €). Mais quels sont les secteurs à plus fort potentiel ? Principalement le ferroviaire, qui totalisera 300 Mrds € d'investissements, soit presque autant que les projets routiers (215 Mrds €) et du bâtiment (120 Mrds €) additionnés. Des chantiers d'envergure qui nécessiteront à la fois matériaux et matériels. Riccardo Viaggi, secrétaire général du Comité européen pour les équipements de construction (CECE), confirme : "C'est une reprise durable et pas une nouvelle bulle spéculative, ce qui est rassurant pour les fabricants d'engins et les producteurs de matériaux". Jean-Louis Marchand, le président de la Fédération européenne de l'industrie de la construction, renchérit : "Le secteur de la construction représente 15 millions de salariés et 9 % du PIB européen. Et il est aujourd'hui porté par deux grandes tendances : l'efficacité énergétique - qu'il s'agisse de construction neuve ou de rénovation - et la création ou l'entretien d'infrastructures". Selon les deux spécialistes, le potentiel est donc bien là, même si tout n'est pas financé, à l'image des projets "mis en pause" en France, qui nécessiteront une volonté politique renouvelée.
Le Grand Paris, locomotive de l'activité ?
Spécifiquement sur ce marché français, l'Observatoire de la Construction liste 109 Mrds € de projets pour le Grand Paris, avec le Grand Paris Express et sa soixantaine de nouvelles gares, ainsi que les quartiers qui se bâtiront autour. Des travaux d'une ampleur immense qui mobiliseront des capacités de travaux souterrains, de fondations spéciales ou de modélisation numérique. Gérard Chérel, le directeur du programme à la Société du Grand Paris, raconte : "Le projet est déjà très concret pour la ligne 15 sud qui s'étendra sur 32 km avec 16 gares. Tous les marchés de génie civil ont été attribués et démarrés". Du côté des habitations, Philippe Servalli, de la FFB Grand Paris, annonce que pas moins de 15.000 logements sortiront de terre chaque année : "C'est une bouffée d'oxygène énorme avec des emplois à la clef", déclare-t-il. Même satisfaction affichée pour les fabricants de machines de chantier, qui s'expriment à travers la voix de Jean-Marie Osdoit, président du Seimat : "En 2018, le marché français sera le second d'Europe, derrière l'Allemagne et devant le Royaume-Uni. Le retournement de marché auquel nous assistons depuis 2016 se poursuivra en 2018 et même 2019. France is back !". Il annonce toutefois rester attentif à la question du financement des collectivités locales qui représentent 60 % de l'activité des adhérents du Seimat. Questionnés sur l'évolution technique des engins, les experts dessinent plusieurs tendances : d'abord une demande accrue pour des machines compactes destinées aux opérations en milieu urbain. Ensuite, une transition énergétique des matériels pour répondre aux questions environnementales (hybride, hydrogène, électrique). Ils n'entrevoient pas l'automatisation totale avant 5 ou 10 ans.
La révolution numérique est en marche
Technologiquement, le secteur évolue donc à grands pas. Pour les acteurs, le BIM n'est déjà plus un sujet brûlant, puisqu'ils le considèrent comme un élément d'un ensemble plus grand, la construction 4.0. Sur ce sujet Jean-Louis Marchand envisage "l'utilisation de robots et de drones sur les chantiers, la mise en œuvre de matériaux de plus en plus sophistiqués, le déploiement de matériels de plus en plus performants et de systèmes de plus en plus intégrés". Ce qui permettra, selon lui, de changer l'image des métiers de la construction et d'attirer de nouveaux profils, comme le confirme Riccardo Viaggi : "Le secteur est moins dangereux, moins poussiéreux, il s'ouvre à la diversité des genres et des profils grâce à l'autonomisation et la numérisation des machines". Les spécialistes ne semblent pas craindre cette tendance par rapport à d'éventuels remplacements de postes par des machines, et y voient au contraire une opportunité.
* (Allemagne, Belgique, France, Italie, Pays Bas, Royaume-Uni, Algérie, Maroc, Côte d'Ivoire, Kenya)
L'Observatoire de la Construction s'est également intéressé à l'activité future de l'autre côté de la Méditerranée, et au-delà, au cœur de l'Afrique. Grâce à un échantillon de pays aux profils différents*, les analystes dressent le tableau suivant. Le secteur ferroviaire représentera un investissement potentiel de 58 Mrds € d'ici à 2030, ce qui ne le placera que faiblement devant le bâtiment (55 Mrds €). Suivront les projets d'infrastructures routières et portuaires. Les investisseurs étrangers se concentreront sur les pays riches en ressources minérales, au grand dam d'autres zones qui seront délaissées. Arthur Minsat, de l'OCDE, avance que 93 Mrds € manquent chaque année en termes d'investissements dans le continent. Le défi de la modernisation de l'Afrique reste donc colossal.