Le Conseil des prud'hommes de Cherbourg a été saisi sur un dossier concernant la pratique abusive de la directive européenne sur le détachement impliquant des ouvriers intérimaires polonais travaillant pour Bouygues sur le chantier de l'EPR de Flamanville. Les résultats de cette affaire pourraient accélérer la mise en place d'un nouveau projet de directive. Explications.
Le chantier de l'EPR de Flamanville connaît son lot de complexités : alors que des travailleurs étrangers dénonçaient, début janvier, leurs conditions de travail, aujourd'hui ce sont des ouvriers intérimaires polonais qui ont saisi le conseil des Prud'hommes de Cherbourg.
Dans le viseur : Bouygues et son agence d'intérim Atlanco Rimec. En effet, il semblerait que la directive européenne sur le détachement* intercommunautaire des ouvriers pose problème, notamment concernant les cotisations sociales. Ainsi, le quotidien Les Echos révèle que «l'agence chypriote Atlanco a retenu jusqu'à 30% du salaire de ces ouvriers au titre des impôts et de la sécurité sociale». Ce qui fait rétorquer à l'agence d'Interim, toujours selon Les Echos, «qu'elle a payé les cotisations à Chypre à une assurance privée». Un caisse privée au rabais, selon un représentant CGT cité dans le quotidien.
Vers une simplification de la directive européenne
Au cœur de cette polémique, se trouve bien la directive européenne sur le détachement. Celle-ci prévoit l'application du droit du pays d'accueil en matière de temps de travail, temps de repos, congés payés, taux de salaire minimum, sécurité, santé et hygiène. Mais que ce soit du côté de l'Europe ou des entreprises, tous s'accordent à réclamer une clarification du dispositif. Ainsi, Bouygues Travaux Publics, via Philippe Amequin, son directeur général délégué, déclare dans Les Echos : «La directive européenne sur le détachement est ambiguë sur le pays de paiement des cotisations sociales (…)». En effet, un salarié détaché peut rester sous le régime de sécurité sociale du pays d'origine pendant un an, renouvelable une fois. Reste des contours flous. De son côté, le Parlement européen semble conscient du problème puisqu'un nouveau projet de directive serait en préparation, selon la présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales interrogée dans Les Echos.
C'est aussi pourquoi, les conclusions des prud'hommes de Cherbourg sur le dossier des ouvriers polonais travaillant sur le chantier de l'EPR seront scrutées avec attention. Elles pourraient en effet donner un coup d'accélérateur à des améliorations du dispositif. Affaire à suivre…
Découvrez la directive sur le détachement ici
* Travailleur détaché : selon la directive, il s'agit de tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d'un État membre autre que l'État sur le territoire duquel il travaille habituellement.