Les professionnels de l'ingénierie sont confrontés à une multiplication des contentieux associée à une hausse régulière des prix d'assurance. Une situation inquiétante révélée dernièrement par un livre blanc publié par Syntec-Ingénierie sur «les responsabilités et les assurances».

Dans son livre blanc, la fédération des professionnels de l'ingénierie : Syntec-Ingénierie, dresse un bilan alarmant des dérives du système de responsabilité. Cette situation critique arrive à un point où les sociétés du secteur, qui conçoivent les deux tiers des équipements d'infrastructure en France, ont de plus en plus de mal à s'assurer pour leur responsabilité civile professionnelle (RCP).

La fédération constate que les mises en cause sont non seulement plus fréquentes, mais aussi de plus en plus lourdes financièrement. La garantie décennale, conçue pour protéger les particuliers, est en effet de plus en plus souvent étendue par la jurisprudence aux constructions importantes et même aux ouvrages d'infrastructure. Syntec dénonce à la fois la flambée des cotisations de responsabilité civile professionnelle pour les sociétés d'ingénierie travaillant dans le BTP (plus de 30 % d'augmentation, en moyenne, chaque année depuis cinq ans), la hausse des franchises, passées de 10 % à 30 % du coût du sinistre, et la réduction des garanties consenties. Si les grandes sociétés ont les reins assez solides pour supporter ces chocs, les entreprises de moins de 20 salariés n'arrivent souvent plus à s'assurer. Selon le Syntec, pour une société travaillant dans le secteur de la construction, les frais d'assurance représentent de 5% à 10% du montant des honoraires. «Sachant que nos marges ne dépassent pas 4 à 5%, le coût de l'assurance devient insupportable pour une multitude de petites structures, qui risquent de ne plus pouvoir exercer ou doivent puiser sur les fonds propres», dénonce Yann Leblais, président de Syntec-Ingénierie.

Parallèlement, le nombre de compagnies d'assurance présentes sur ce secteur s'est fortement réduit. «Elles étaient une dizaine, voici quelques années, et on compte aujourd'hui sur les doigts de la main les acteurs importants, ce qui ne facilite pas les négociations», déplore Jacques Robert, président du groupe responsabilité-assurances de Syntec. Aux côtés de SMA BTP d'AXA ou des AGF, figurent Aviva, le GAN et Gerling. Selon le Syntec, le défaut des assureurs est de refuser désormais de mutualiser l'ensemble des risques comme ils le faisaient par le passé. Désormais, chaque risque doit être rentable séparément.

Face à cette situation, le syndicat patronal souhaite, dans le cadre de négociations contractuelles avec les maîtres d'ouvrage et les assureurs, que les responsabilités soient mieux cadrées, et surtout, que s'applique un principe de proportionnalité afin qu'une société d'ingénierie, dont les honoraires ne représentent que 10% du montant du projet ne puisse voir réclamer des sommes largement supérieures à ses revenus. Le Syntec propose également la tenue d'un carnet de suivi et de maintenance, le maintien de la garantie décennale aux seuls particuliers et une franchise en assurance-dommages ouvrage pour limiter les procédures.

De leur côté, les assureurs se veulent sereins. Selon eux, le réajustement des contrats serait terminé. En ce qui concerne la responsabilité civile, 2005 sera la dernière année de majoration à deux chiffres des cotisations, à moins d'une catastrophe», estime Patrick Fossey, directeur technique chargé de la responsabilité civile et des risques spéciaux chez Axa France. «Les hausses resteront plus importantes pour les assurances concernant les préjudices corporels que pour celles couvrant les dégâts matériels».

L'ingénierie dans la construction représente en France un total de 16,3 milliards d'euros, dont 12,1 milliards d'euros pour la maîtrise d'oeuvre (7,9 mds d'euros : ingénierie professionnelle ; 4,2 mds d'euros : architectes) et 4,2 milliards d'euros pour la maîtrise d'ouvrage (études intégrées aux travaux).

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