RELANCE. La fédération professionnelle Syntec-Ingénierie met en garde contre un ralentissement durable de l'activité de ses entreprises, qui s'étendra au moins sur le deuxième semestre 2020, et s'inquiète plus largement de l'effondrement possible de l'ensemble des filières économiques du pays.
"Quand le bâtiment va, tout va. Qui n'a jamais entendu cette phrase ? Ce que l'on sait moins, en revanche, c'est que quand l'ingénierie ne va pas, c'est l'économie toute entière qui n'ira pas, à moyen et long terme." S'appuyant sur ce constat, Pierre Verzat, président de la fédération Syntec-Ingénierie, n'est pas très optimiste.
La crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 touche sévèrement les entreprises qu'il représente. Or, selon lui, "notre secteur est un indicateur avancé de tendance de l'activité économique et du monde de demain". Car l'ingénierie intervient dans de très nombreux secteurs d'activité - aéronautique, automobile, environnement, construction, BTP, infrastructures, industrie, énergie, chimie, numérique… - dès les phases de conception et d'études. Ce qui signifie que, "50% de projets d'ingénierie en moins aujourd'hui, c'est 50% de construction et d'installations en moins demain", argumente le président de l'organisation professionnelle.
Des baisses de commandes généralisées
La fédération a interrogé ses adhérents concernant les impacts de la crise sanitaire. Les enseignements qu'elle en tire montrent une inquiétude partagée par la majorité des acteurs. Ainsi, 90% des entreprises d'ingénierie anticipent une baisse de leur activité au second semestre 2020. Pour une entreprise sur deux, cette contraction excèdera 50% rapporte Syntec Ingénierie.
Principale raison de ce ralentissement : la baisse des commandes, publiques comme privées, qu'observent 70% des répondants. Gels des contrats, suspension des appels d'offres en cours, report du second tour des élections municipales et report de l'installation des conseils municipaux d'ores et déjà élus n'aident pas non plus à croire à un redressement rapide.
Les risques d'une reprise lente
Alors que 54% des collaborateurs sont en télétravail, et 30% en chômage partiel, les entreprises d'ingénierie s'inquiètent de cette reprise qui s'annonce trop lente. Pour plus d'un tiers des entreprises, le redémarrage pourrait s'étaler sur au moins une année.
Et cela pourrait mettre en péril l'ensemble des filières économiques, alerte la fédération. Pierre Verzat demande ainsi aux maîtres d'ouvrage et industriels de "maintenir leurs projets d'investissements, sous peine d'asphyxier l'ensemble du tissu économique de nos territoires et d'entraîner la disparition de beaucoup d'entreprises, souvent des PME, qui créent de l'emploi au niveau local".
Tension sur la trésorerie des entreprises
Dans ce contexte, le baromètre de l'organisation professionnelle montre également que les ingénieristes subissent des tensions sur leur trésorerie. De ce fait, 6 entreprises sur 10 ont demandé des délais de paiement pour les échéances sociales et/ou fiscales. Un tiers a eu recours aux fonds de solidarité. Environ un quart a demandé un prêt garanti par l'État.
Le coût des nouvelles mesures sanitaires à mettre en place pour garantir la sécurité des collaborateurs pèse également. Il peut atteindre jusqu'à 200 euros par salarié et par mois, selon la fédération. En prenant en compte tous ces éléments, et si la reprise de l'activité n'intervient pas rapidement, plus de la moitié des sociétés d'ingénierie anticipe des difficultés de trésorerie dans les six mois à venir. Elles se mobilisent néanmoins pour préparer l'après-crise, et 60% ont déjà préparé un plan de relance malgré les incertitudes.
Propositions pour un plan de relance de l'économie