POINTS DE VUE. Les exemples de construction en impression 3D se multiplient. Si les réalisations utilisant cette nouvelle technologie restent encore confidentielles, qu'en pensent les architectes et les constructeurs ?

L'impression 3D dans la construction intéresse de nombreux acteurs de l'acte de bâtir. Pour le moment, les réalisations utilisant ce procédé sont peu nombreuses. Nous avons interrogés un architecte et un constructeur de maison individuelle pour connaître leur point de vue sur cette nouvelle technologie. Une chose ressort, nous n'en sommes qu'aux balbutiements selon eux. En attendant que cela se développe, Julien Vincent, architecte et conseiller national de l'ordre des architectes (CNOA) nous confie que la profession est "en veille sur tout ce qui concerne le numérique pour anticiper et pour rester dans l'intérêt de l'architecture et de l'intérêt public".

 

"Nous ne sommes qu'au début de l'histoire", estime aussi Hervé Chavet, Directeur technique et R&D Maisons France Confort. Mais si l'aventure ne fait que commencer, le constructeur s'est tout de même lancé dans un projet faisant appel à l'impression 3D : sa maison Yrys. Hervé Chavet tient cependant à préciser que cette technique n'a été utilisée que pour une partie de la structure : les quatre poutres extérieures aux formes d'arbre installées sur le devant de la façade (voir notre article), contrairement au projet de Nantes Habitat pour lequel toute la structure de l'enveloppe a été imprimée par un robot. "Ce sont deux approches différentes", poursuit-il expliquant que Maison France Confort cherche avant tout à "voir l'intérêt de cette solution du point de vue de l'esthétisme et du matériaux utilisé.

 

Matériau utilisé pour l'impression et la question de l'environnement

 

Si l'impression 3D offre des possibilités de création plus grande, avec des formes difficiles à réaliser avec les modes constructifs traditionnels, Julien Vincent, en tant qu'architecte s'interroge toutefois sur les matériaux utilisés en impression 3D. "Tout d'abord parce qu'il me semble que les précédés ne vont pas forcément dans le sens des matériaux responsables, car les impressions se font avec du ciment", explique le Conseiller national de l'Ordre des architectes qui rappelle qu'aujourd'hui, la tendance est à la construction "avec des matériaux responsables qui répondent à des enjeux environnementaux". Julien Vincent est réservé sur la question et ne voudrait pas que cela soit un retour en arrière.

 

La question du matériau n'est pas perçue de la même manière par Hervé Chavet qui nous rappelle que les poteaux imprimés de la maison Yrys sont le fruit d'un long travail de collaboration avec les équipes de Lafarge et de la start-up X-TreeE. Sur l'aspect environnemental, il nous explique que le choix s'est porté sur du Ductal. Ce matériau, reconnu pour sa résistance mécanique, a permis d'utiliser deux à trois fois moins de matière, tient-il à indiquer. Reste à "attendre la fiche FDES (Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire)", nous dit-il l'air confiant.

 

Une technologie à rentabiliser

 

Cette technologie pose aussi la question de sa rentabilité et de son industrialisation. Julien Vincent se demande si c'est "vraiment intéressant ?" évoquant l'investissement conséquent de la machine. De plus, il considère que cette technologie ne peut gérer qu'un tiers de la construction, c'est-à-dire les murs. Or, "ce n'est pas ce qui est le plus long à monter", rappelle-t-il. Selon l'architecte, "ce n'est pas une solution en or" à ce stade. En revanche, il estime que l'impression 3D, si elle était faite à l'échelle industrielle pourrait être une bonne chose pour construire des logements d'urgence avec des matériaux temporaires dans des zones ayant subi des catastrophes naturelle : "Un robot vendrait sur place et pourrait construire des logements en seulement quelques heures", avant d'ajouter un bémol "mais cela reste de la science-fiction" pour le moment. Concernant l'impression sur chantier, Hervé Chavet est prudent et rappelle l'importance d'avoir des fondations parfaitement plates. Il s'interroge aussi sur le déplacement de la machine qui peut être un frein.

 

La question du coût et de la rentabilité se pose aussi pour le constructeur de maison individuelle. Hervé Chavet le sait bien : "Quel client serait prêt à payer plus cher une construction standard ?". C'est pourquoi, il "ne faut pas griller les étapes". "Pour l'instant, on en est qu'au début de ce mode de fabrication", explique-t-il précisant que l'idée de la maison Yrys est avant tout d'apprendre et de tester. "Avec Lafarge et Xtree, nous avons pris beaucoup de temps pour développer les poteaux. Pour industrialiser cette technique, il faudra faire tomber les coûts. Il faut aussi que la filière se mette en place. Nous n'en sommes pas encore à l'étape d'industrialisation", nous confie le responsable de Maison France Confort. Il faudra aussi "voir comment nous pouvons adapter cette technique sur un vrai chantier". Mais il prévient : il "ne faut pas aller trop vite et donc tester l'impression 3D dans les conditions réelles".

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