Ils s'appellent Blackstone, Fortress, Cerberus ou Terra Firma et s'affirment comme des prédateurs à l'appétit insatiable sur le marché immobilier allemand. Ces fonds d'investissement anglo-saxons multiplient les achats à coups de milliards et ne comptent pas s'arrêter là.

Prochaine victime annoncée, la Nileg. La banque publique NordLB veut vendre au premier semestre cette filiale immobilière, gérant 30.000 appartements et évaluée à plus d'un milliard d'euros. Le fonds américain Fortress parle déjà de faire une offre.
Autre proie possible, le portefeuille immobilier du groupe de distribution en crise KarstadtQuelle, évalué à 2,8 mds EUR et sur lequel lorgne au moins un autre américain, Blackstone.
Mais le morceau de choix, c'est Viterra, que le groupe d'énergie EON doit bientôt mettre en vente. Le premier propriétaire privé du pays, lourd d'un portefeuille de plus de 150.000 appartements, pèse selon les sources entre 3 et 6 mds EUR.

De quoi aiguiser les appétits, d'autant que si EON n'écarte pas une mise en Bourse, celle-ci reste aléatoire vu la lenteur du redémarrage du marché boursier primaire en Allemagne.Fortress a qualifié les actifs de Viterra de "très intéressants".
Terra Firma, véhicule financier de l'homme d'affaires britannique Guy Hands, laisse aussi pointer son intérêt.
La presse suspecte encore Cerberus, société de participations américaine, ou Whitehall, fonds immobilier de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs.

Les fonds anglo-saxons sont actifs aussi dans d'autres pays. Témoin la polémique en France sur leurs rachats d'immeubles entiers dans les grandes villes en vue de reventes à la découpe avec force plus-values.
Mais l'accélération est particulièrement nette en Allemagne. 2004 y a vu une pluie d'annonces de transactions, dépassant plusieurs fois le milliard d'euros.

L'offensive touche jusqu'au marché des créances douteuses. L'américain Lone Star a racheté 3,6 mds EUR de crédits immobiliers à une filiale de HypoVereinsbank en 2004 et vise désormais un portefeuille de 15 mds EUR que la banque vient d'annoncer vouloir céder.

Le secteur est pourtant morose depuis la réunification du pays en 1990: les loyers baissent, les locaux restent vides. Mais du coup, il est sous-évalué comparé à d'autres pays européens, France, Espagne ou Irlande, où les économistes commencent à craindre une bulle immobilière.
Une bonne affaire pour les fonds, surtout qu'en cas de reprise, la revente aux locataires offre des perspectives intéressantes dans un pays où seulement 2 ménages sur 5 possèdent leur logement, selon l'Office des statistiques, à comparer avec 2 sur 3 aux Etats-Unis.

La tâche est facilitée par la déprime économique. L'Etat et les collectivités locales privatisent pour renflouer leurs caisses vides. Fortress a ainsi racheté l'été dernier 80.000 appartements à la caisse de retraite publique BfA pour 3,7 mds EUR, reprise de dette incluse.
Les entreprises aussi se délestent pour redresser leurs bilans. ThyssenKrupp a cédé pour 2,1 mds EUR de logements ouvriers à la banque américaine Morgan Stanley alliée au groupe immobilier allemand Corpus. Le conglomérat a fait un trait sur l'époque du patronat paternaliste, mais réduit sa dette et amélioré sa notation financière.

La soudaine montée en puissance des fonds étrangers en Allemagne, qui, outre l'immobilier, s'étend aux participations industrielles, reflète par ailleurs le délitement des liens croisés entre entreprises et banques nationales qui ont longtemps verrouillé l'économie.
"L'Allemagne se rattrape simplement et remonte vers la moyenne européenne", relevait lundi dans une interview Johannes Huth, responsable des activités européennes du fonds américain KKR.

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