Des opérateurs de réseaux électriques allemand, danois et néerlandais ont signé un accord visant à développer un vaste projet en mer du Nord, qui comprend la réalisation d'une (voire plusieurs) île artificielle qui servirait de hub à des parcs éoliens offshore. Ils espèrent être capables d'alimenter des millions de foyers européens à l'horizon de 2030-2050.
Neuf pays européens, dont la France, s'étaient déjà engagés à renforcer leur coopération dans le domaine de l'éolien en mer du Nord, afin de mieux planifier l'exploitation de la zone, d'harmoniser leurs réglementations et soutiens des énergies renouvelables, et d'assurer l'interconnexion des réseaux électriques. Aujourd'hui, des gestionnaires de ces réseaux, TenneT (Allemagne et Pays-Bas) et Energinet (Danemark), font un pas de plus en signant un accord pour développer une vision commune, "North Sea Wind Power Hub", dévoilée en 2016 : la construction d'îles artificielles sur le Dogger Bank, à 100 km de tout littoral, qui permettraient de réduire les coûts de l'électricité éolienne offshore de parcs de 7.000 turbines. Les porteurs du projet évoquent des puissances pouvant aller de 70 à 100 GW, qui seraient capables d'alimenter des pays entiers.
La zone n'a pas été choisie au hasard : le Dogger Bank est un vaste banc de sable qui s'étend sur 17.600 km² en plein cœur de la mer du Nord. La profondeur y est particulièrement faible, oscillant entre 15 et 36 mètres, ce qui facilitera grandement l'implantation d'éoliennes avec fondations et la construction des îles elles-mêmes. Les concepteurs notent : "Un grand nombre de fermes offshore, d'une capacité de plus de 30 GW, peuvent être connectées à une île d'environ 6 km²". Le coût de construction de cette île serait amorti par des économies d'échelle et des frais de raccordement amoindris. Le document de TenneT fait valoir que les câbles actuellement utilisés pour relier un parc offshore à la côte ne sont utilisés que 40 % du temps, en raison de la variation du vent et de l'indisponibilité des machines qui subissent des visites d'entretien obligeant à les stopper périodiquement. Un taux qui pourrait être porté à 100 % grâce à l'implantation de l'île située au cœur du réseau sous-marin : "L'utilisation de la capacité doit être grandement augmentée en donnant à la connexion à courant continu le rôle d'inter-connecteur. La capacité de transmission de cette connexion sera alors utilisée non seulement pour le courant descendant depuis les éoliennes, mais aussi pour le commerce d'électricité entre les pays connectés". L'île jouera alors le rôle de "connecteur des vents" et de base logistique pour les équipes techniques.
La position centrale de ce hub, dans une zone particulièrement ventée, permettra à la fois de garantir une bonne rentabilité des éoliennes implantées autour, mais également de pouvoir approvisionner les différents pays alentours, Norvège, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Belgique et Royaume-Uni, selon la demande. L'investissement est estimé à 1,35 Mrd €, un montant à rapprocher de la possibilité de fournir en électricité décarbonée, 80 millions d'européens. Pour l'heure, le plus grand projet éolien offshore au monde est britannique : il s'agit du parc Hornsea, lui aussi situé en mer du Nord, à une trentaine de kilomètres au large de l'estuaire du Humber (entre Yorkshire et Lincolnshire). Il regroupera près de 500 turbines pour une puissance cumulée de 3 GW. Mais, tout comme North Sea Power Hub, l'ensemble ne sera pas opérationnel avant la prochaine décennie.
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La pionnière des fermes éoliennes offshore, "Vindeby", mise en service en 1991, est en cours de démantèlement. Située en eaux peu profondes à 3 km de l'île de Lolland (Danemark), cette première installation en mer regroupait 11 turbines d'une capacité totale de "seulement" 5 MW, la puissance unitaire des machines ayant bien augmenté depuis, pour atteindre aujourd'hui de 6 à 8 MW par éolienne ! Le parc, exploité par Dong Energy, aura fourni 243 GWh sur l'ensemble de sa durée de vie. Une période de 25 ans mise à profit pour améliorer les connaissances sur cette énergie. Le Danemark est aujourd'hui alimenté à plus de 42 % par de l'électricité éolienne marine.