ENTRETIEN CROISÉ. A contrevent des prises de positions ministérielles sur la maison individuelle et l'étalement urbain, LCA-FFB tente de défendre ce modèle d'habitat, qui commence à souffrir de la fin des dispositifs d'accession sociale à la propriété. Pour son président Grégory Monod et son délégué général Christophe Boucaux, la maison individuelle n'est pas incompatible avec les besoins de rénovation et de densification, à condition de donner "de l'agilité" aux professionnels.
BATIACTU: Les arbitrages budgétaires pour l'année 2020 seront rendus la semaine prochaine. Le PTZ en zones B2 et C pourrait ne pas être reconduit, faut-il en faire le deuil ?
Grégory Monod : Absolument pas. Nous y croyons encore beaucoup d'autant plus que nous constatons bien la hausse des demandes à l'approche de la fin du dispositif. Nous continuerons de nous battre pour que ce financement perdure, tout en sachant que la chute risque d'être un peu brutale au 1er janvier 2020. Le surcoût pour l'Etat en cas de prolongation serait de 31 millions d'euros, mais c'est oublier le fait que les propriétaires, les constructeurs participent à l'effort général qui génère 400 millions de recettes de TVA. Le logement a quand même été l'un des premiers contributeurs en termes d'économie budgétaire.
Christophe Boucaux : Les dispositifs d'accession à la propriété sont renouvelés pour deux à trois ans, et à chaque projet de loi de finances, on a toujours des stress dans un sens ou dans l'autre liés à la reconduction ou non de ces dispositifs.
Le gouvernement évoque de plus en plus le problème de l'étalement urbain. Le ministre du Logement a même assumé la chute du marché individuel. Comment prenez-vous ces propos ?
CB: Il faut tout de même poser la question de la pression démographique. Nous trouvons des difficultés à densifier là où on pourrait le faire, et à côté, on voudrait fermer nos secteurs à l'urbanisation. Il va falloir trouver une solution pour loger l'ensemble des ménages.GM: Nous n'avons pas su anticiper la croissance démographique dans notre politique du logement, et ce devrait être plus prégnant. Le sujet de l'objectif de zéro artificialisation nette est un peu schizophrène notamment sur la question du foncier dont il faut vraiment s'emparer. Nous avons été auditionnés dans le cadre de la mission du député Jean-Luc Lagleize et espérons qu'elle débouchera sur un projet de loi. Il n'y a pas de vision prospective sur les territoires pour savoir comment aménager la commune, mais plutôt une vision courtermiste même si cela part d'un bon sentiment des élus pour leurs administrés.
La volonté de freiner l'étalement urbain amène l'Etat à promouvoir davantage la rénovation et la densification. Cela est-il compatible avec vos cœurs de métiers ?
CB: Nous n'avons pu que constater les évolutions architecturales de la maison individuelle qui est bourrée de stigmates. Ce n'est ni l'habitat dans le champ de patates, ni le cube posé et répliqué à l'envi. Si l'on regarde avec objectivité ce qui est produit, on constate des formes d'habitat très contemporaines qui s'insèrent très bien au tissu existant. Beaucoup d'interventions se font aujourd'hui en continuité du bâti existant, sur des surfaces connectées aux centres d'activité, des dents creuses, des espaces bâtis. La maison individuelle répond aussi à une aspiration à un mode de vie différent, elle renforce le lien avec la nature parce qu'elle est souvent entourée d'un espace vert perméable, réversible. Dépassons les dogmes et l'idéologie et travaillons sur l'habitat, la sobriété de consommation de l'espace, les questions énergétiques et d'émission de carbone. Ces réflexions sont en cours.
LCA-FFB appelle à une réflexion sur le zonage
Le président de la fédération des constructeurs, promoteurs et aménageurs a appelé à prolonger le PTZ neuf en zones B2 et C jusqu'en 2021 et de mener, en parallèle, une concertation sur le zonage. "Nous aimerions voir des comités territoriaux dédiés à la définition du zonage, en concertation avec les élus locaux, les chambres consulaires", précise Grégory Monod auprès de Batiactu. Il appelle par ailleurs à un zonage plus souple, qui puisse être régulièrement actualisé.
Faut-il, selon vous, une remise à plat de la chaîne de l'aménagement et de la construction pour accélérer cette densification ?
GM: Elle me semble inévitable car il nous faut observer finement ce qui se passe dans les territoires et remettre tous les acteurs et types d'habitat sur la table. Dans le parcours résidentiel, nous avons besoin de l'existant, du logement collectif, de la maison individuelle et de la rénovation. On doit aller vers un urbanisme de projet où l'on échange avec toutes les parties prenantes dès le départ.Se pose également la question de la rigidité des documents et règlements d'urbanisme qui n'est pas toujours en phase avec ce qui peut être construit. Le cahier des charges des lotissements est le plus insidieux car il ne peut être levé qu'avec l'accord à l'unanimité des colotisseurs. Nous pourrions par exemple diviser une emprise de 1.000 m² pour construire un logement à côté de la maison initialement construit. Il nous faut plus d'agilité.
Croyez-vous à l'atteinte d'un objectif zéro artificialisation nette à long terme?
GM: Je ne vois pas comment on pourrait répondre aux besoins en termes de logement, sachant que tout le monde ne voudra pas habiter dans du logement collectif. Il nous faut travailler tous ensemble à des systèmes de compensation, nous pourrions participer à une compensation de nos émissions de carbone à travers les forêts qui sont de véritables pièges à carbone, notamment les arbres en phase de développement. Nous voulons aussi faire évoluer nos modèles constructifs, trouver des solutions pour l'avenir. Mais il faut garder à l'esprit qu'on ne pourra pas loger tout le monde dans des tours.