ENQUÊTE. Les préconisations covid du guide de l'Organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP) sont-elles bien appliquées sur le terrain ? Batiactu a sollicité plusieurs acteurs du secteur pour évaluer la situation.
La reprise d'activité du secteur du BTP en avril 2020, puis la continuation de celle-ci lors du deuxième confinement, à l'automne, a pu se faire grâce à l'existence du guide spécifique de l'organisme professionnel de prévention de la branche (OPPBTP). Parmi les principales préconisations de ce document mis à jour à de nombreuses reprises, le port du masque quand nécessaire, la désinfection des outils ou encore la réorganisation des bases-vie. Qu'en est-il de l'application réelle de ces mesures et de la protection des équipes sur le terrain ? Dans un communiqué de presse du 2 novembre dernier, signifiant l'implication de chaque acteur du secteur pour continuer l'activité en toute sécurité pendant la deuxième vague, les professionnels, dont la Fédération française du bâtiment (FFB), assurait que "les artisans et les entrepreneurs [allaient] continuer à travailler, dans le respect bien sûr du guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction en période d'épidémie de coronavirus rédigé par l'OPPBTP".
"On reste dans l'incantatoire"
Toutefois, du côté de la CGT construction, contactée par nos soins, on nous assure que, si le guide donne un "blanc-seing" pour la continuation de l'activité, on reste dans "l'incantatoire". "Dans la vraie vie, les choses ne sont pas toujours telles qu'indiquées dans le guide", nous explique le syndicaliste Frédéric Mau. Qui pointe de nombreuses situations, notamment des interventions dans des pièces exiguës, où le respect des consignes n'est pas toujours au rendez-vous, parce que parfois il ne semble pas possible. "Les salariés mettent le masque autant qu'ils le peuvent, mais quand vous devez porter des dizaines de kilos de matériels dans une petite chambre électrique en présence de quatre compagnons, les limites sont vite trouvées." Par ailleurs, en cette période de reprise d'activité et alors que les acteurs tentent de rattraper le retard accumulé par le mois d'arrêt de mars-avril, la priorité serait mise sur la productivité, plus que sur la sécurité : "On a des contraintes économiques beaucoup plus fortes que d'habitude, beaucoup d'urgences à gérer : les gestes barrières passent après, c'est si on a le temps", assure Frédéric Mau.
La bonne application des mesures dépend surtout de l'implication des maîtres d'ouvrage, estime pour sa part Vincent Giraudeaux, de la Fédération des acteurs de la prévention. "Dans plus de 80% des cas, les règles sont bien respectées", assure-t-il à Batiactu. Les mesures seraient même davantage respectées que celles, par exemple, permettant d'éviter les chutes de hauteur, où le risque vital est pourtant, contrairement à l'infection au covid, immédiat et facilement perceptible. Un facteur joue : les ouvriers sont conscients du risque économique qui pèse sur leur employeur. "Les compagnons ont compris que si le secteur ne repartait pas, les chantiers allaient fermer et ils risqueraient de perdre leur emploi", analyse Vincent Giraudeaux. "Chacun s'est ainsi responsabilisé. Nous devons aussi, en tant qu'acteur de la prévention, donner du sens à ces mesures et ne pas imposer pour imposer."
Bouygues construction a profité du retour d'expérience de sa filiale à Hong Kong
Dans les faits, tous ne sont pas partis égaux au moment de la première vague. Bouygues construction a par exemple pu capitaliser avec le retour d'expérience de sa filiale Dragages Hong Kong, aux prises avec le virus dès la fin janvier 2020. La courbe d'apprentissage a pu ainsi être rapide, nous explique Philippe Fornage, directeur prévention santé du groupe Bouygues. "En parallèle du guide de l'OPPBTP, à la rédaction duquel j'ai participé, nous avons établi un guide interne sur le travail en chantier et en agence", précise-t-il auprès de Batiactu. "Nous disposions de protocoles déjà prêts, et nous ne les avons pas tellement touchés depuis avril, dans un souci de lisibilité des mesures par tous les collaborateurs." Eiffage a également eu recours à un document diffusé en complément du guide de l'OPPBTP. "Nous avons notamment créé un protocole spécifique pour les bulles de vente liées à l'activité immobilière du groupe", explique Xavier Julien, directeur prévention d'Eiffage construction, à Batiactu. "Nous avons également, dans ce document, précisé notre interprétation du référent covid, inventé le rôle de 'correspondant covid' au sein des équipes de maîtrise d'ouvrage, ou encore précisé les mesures de contrôle d'accès sur les chantiers, totalement informatisé." Autant de décisions expliquées de la manière la plus simple possible pour "rassurer les équipes", dans un premier temps influencées par le contexte anxiogène de la première vague.
Une "déclinaison du guide OPPBTP en mode chantier"
L'enjeu a également été de revoir l'organisation du travail, ceci passant notamment par la modification d'utilisation des bases-vie (de manière à faire en sorte que le moins possible de monde ne se croise durant le déjeuner), et l'analyse des postes de travail. "Nous avons effectué une déclinaison du guide de l'OPPBTP en mode chantier", résume Hugues Toussaint, directeur prévention de Vinci construction, contacté par Batiactu. "Nous évaluons les situations chantier par chantier, site par site, poste par poste."
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