CULTURE. Une nouvelle exposition sur l'agence de Simon Teyssou réaffirme les liens entre urbanisme, paysage et architecture, pour dépeindre les enjeux constructifs, sociaux, économiques et culturels des territoires ruraux.
Renouer avec les territoires et la ruralité. Le message porté par Simon Teyssou, Grand Prix de l'Urbanisme 2023, transparaît dans une nouvelle exposition sur le travail de son agence, l'Atelier du Rouget. Jusqu'au 18 avril 2024, la galerie d'Architecture, à Paris, présente les principes, démarches et enjeux de la conception en milieux rural et périurbain. "L'exposition, confiée à Stéphane Bonzani [architecte, philosophe et enseignant chercheur à l'École nationale supérieure d'architecture de Clermont-Ferrand (ENSACF)], se structure autour de trois thématiques : les possibles (déclencher des projets), la durée (mettre en évidence des projets longs et l'accompagnement des élus) et les attachements (au territoire)", indique à Batiactu Simon Teyssou.
"Nous avons imaginé des projets très longs dans certaines communes, lorsqu'il n'y a pas ou peu d'alternance politique. Notre travail est d'accompagner les élus dans leurs démarches. À la campagne, l'architecte a plusieurs casquettes, et peut occuper de nombreux rôles, dont celui d'assistance à la maîtrise d'ouvrage. Cela pose des questions économiques car ces activités ne sont pas toujours rémunérées mais elles permettent de proposer des programmes plus pertinents."
Fabrique d'un territoire
Concevoir des opérations dans un territoire, c'est réfléchir à l'attachement qu'ont ses habitants pour leur région, interagir avec "des acteurs engagés", et retrouver des continuités spatiales "pour fabriquer un territoire public intéressant", explique le Grand Prix de l'Urbanisme 2023, également directeur de ENSACF. "A l'agence, nous réfléchissons à rétablir des liens, à réparer les milieux naturels en les renaturant ou encore à imaginer des logiques différenciées des sols." "Voire même, à corriger les erreurs du passé", glisse Arthur Bel, architecte au sein de l'Atelier du Rouget.
Expérimentation de matériaux biosourcés, devenir des centres-bourgs, densification… De nombreuses thématiques sont abordées dans cette installation. Pour l'agence, le travail d'architecte est de transformer le "déjà-là", de réparer et métamorphoser le bâti et les espaces publics existants, à l'image d'une réhabilitation du groupe scolaire de Marmiers, à Aurillac, qui abritera un centre social, des services municipaux et un pôle associatif. Mais aussi, de proposer un espace public apaisé, en poursuivant, par exemple, le projet de piétonnisation de cette même commune lancé dans les années 1990.
Dialoguer avec les élus
Des dizaines de croquis, mais aussi des maquettes et photographies montrent la production de l'Atelier du Rouget, qui imagine une grande variété de projets (logements individuels et collectifs, équipements culturels et sportifs, infrastructures, etc). Sur l'un des murs de la galerie, une multitude de dessins de conception, en phase chantier et de mobilier, réalisés entre 2005 et 2024, témoignent d'un long projet, celui d'un immeuble mixte rassemblant les bureaux de l'agence en rez-de-chaussée, l'appartement de Simon Teyssou et deux autres logements à l'étage. "Il est possible de vivre de manière collective en ruralité", assure le fondateur du cabinet d'architecture.
À quelques mètres, une maquette à l'échelle 1/500 de la commune Le Rouget-Pers (Cantal), où est installée l'agence, a été fabriquée pour l'exposition. Elle illustre le territoire de la ville et ses bâtiments, dont certains, peints en noir, pour représenter ceux conçus ou réhabilités par l'Atelier du Rouget. "L'idée de cette maquette est aussi de proposer un nouvel outil de dialogue avec les élus, qui ont parfois des difficultés à visualiser la commune à partir de plans", continue Simon Teyssou.
En outre, le documentaire "Architectes en campagne", réalisé par Karine Dana, relate la démarche de l'architecte et de ses équipes dans les cœurs de villages, et l'implication des élus et des habitants. Depuis 20 ans, le cabinet "ne trace pas de ligne de partage nette entre les interventions urbaines, architecturales et paysagères, entre les enjeux constructifs et les enjeux territoriaux, sociaux, économiques mais cherche au contraire à dépasser ces clivages et ces divisions qui, sans doute plus encore dans les milieux ruraux, conduisent à faire disparaître les liens vitaux et les continuités essentielles à l'habiter", raconte la galerie d'Architecture.
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Jusqu'au 18 avril 2024, entrée libre
11 rue des blancs manteaux, 75004 Paris