EN IMAGES. Les travaux de la ligne 15 du futur super-métro francilien impliquent la construction d'une gare sur les communes d'Arcueil et de Cachan (Val-de-Marne). Alors que deux tunneliers doivent prochainement se rencontrer sur ce tracé, les défis à relever ne manquent pas : milieu urbain, délais, acheminement des matériaux, techniques innovantes... Reportage.
Rares sont les communes de la région parisienne à ne pas être concernées par les futures lignes de métropolitain du Grand Paris Express, ce réseau ferré inédit qui doit permettre de mieux connecter la capitale à ses départements limitrophes à l'horizon de 2030. Dans le Val-de-Marne, les villes d'Arcueil et de Cachan n'y échappent pas : sur leur territoire se construit actuellement la gare par laquelle transitera la ligne 15 Sud. C'est sur ce lot T3C du projet qu'un tunnelier Herrenknecht est en train d'être assemblé dans l'un des huit puits qui émailleront le tunnel ferroviaire long de 7,9 kilomètres et au diamètre de 8,7 mètres. Au total, ce chantier devrait mobiliser entre 750 à 800 collaborateurs sur 70 mois de travaux, pour un coût estimé à 926 millions d'euros.
Deux tunneliers se relaieront donc pour excaver les galeries reliant les 5 gares du lot T3C, dont celle d'Arcueil-Cachan. Ces plateformes afficheront une longueur de 110 mètres pour accueillir les futures rames du Grand Paris Express, et seront complétées par 8 rameaux de raccordement, autrement dit des puits. Aux commandes du projet, le groupement d'entreprises CAP se compose de Vinci Construction Grands Projets, Dodin Campenon Bernard, Spie Batignolles TPCI, VCF, Spie Fondations et Botte Fondations ; la Société du Grand Paris assurant la maîtrise d'ouvrage, et Setec TPI / Ingérop la maîtrise d'œuvre.
Synchronisation extrême avec la ligne 14
A l'image des autres chantiers du Grand Paris Express, la contrainte majeure et incontournable du projet de ligne 15 réside dans son environnement : les travaux sont réalisés au cœur du tissu urbain, à proximité immédiate des habitations et des commerces. Lena Harikiopoulos-Cordova, directrice technique du chantier du lot T3C de la ligne 15 Sud chez Vinci Construction Grands Projets, reconnaît que ce défi conditionne tout le reste : "L'acceptabilité du projet passe par la bonne gestion des nuisances auprès des riverains. Pour nos équipes, cela n'est pas nécessairement habituel de travailler dans ces conditions."
L'autre impondérable étant évidemment le respect des délais, avec l'objectif que tout soit prêt pour l'échéance des Jeux Olympiques de 2024 : "Le phasage des travaux est extrêmement serré avec les équipes de la ligne 14. D'ici la fin 2020, les deux tunneliers devront être passés par la gare d'Arcueil-Cachan, sachant que la plateforme doit être livrée pour la fin 2019. C'est pourquoi nous envisageons déjà un renforcement des collaborateurs et une accélération du rythme." De plus, les tunneliers des lignes 14 et 15 vont devoir se rencontrer sans se croiser à la gare de Villejuif ; un défi de taille à relever : pour ce faire, un pont y sera construit au sein-même d'un cylindre de 63 mètres de diamètre, laissant ainsi la possibilité aux deux machines de passer l'une au-dessus de l'autre. Une autre difficulté est également à prendre en compte sur le lot T3C : la présence d'un ouvrage d'art de la RATP sur lequel circule actuellement... le RER B.
Le VSM, une technologie innovante
A l'heure actuelle, les parois moulées de la gare d'Arcueil-Cachan sont terminées dans plusieurs puits. Une variante technique est toutefois utilisée pour d'autres ouvrages : le VSM, pour « Vertical Shaft Sinking Machine ». Cette méthodologie innovante recourt à l'automatisation des opérations et permet de réduire les emprises, monopolisant ainsi moins de place par rapport à la technique conventionnelle, qui enchaîne les parois moulées puis les terrassements. Le VSM permet de creuser le puits et d'effectuer simultanément le revêtement périphérique (ici, la pose des voussoirs). Les interventions humaines étant évitées à l'intérieur du puits, les gains de sécurité sont non-négligeables.
Dans le cadre du Grand Paris Express, cette technique constituerait une réponse intéressante aux contraintes de délais et de sécurité, sans compter sa bonne insertion en milieu urbain et ses cadences de réalisation plus élevées. Sur le tronçon T3C de la ligne 15, l'entreprise ISC met à l'œuvre cette méthode sur 4 puits. D'une manière générale, ces derniers font entre 8 et 12 mètres de diamètre, et entre 45 et 50 mètres de profondeur. Il faut entre 2 mois et 2 mois et demi aux équipes pour excaver un puits.
Jusqu'à 50 voussoirs posés par jour
La construction de la dalle de couverture a aussi débuté à la gare d'Arcueil-Cachan, tandis que les terrassements ont maintenant lieu à ciel ouvert pour pouvoir lancer le tunnelier dès que possible. Ce dernier, en cours de montage, a requis l'utilisation d'une grue mobile de 700 tonnes, en renfort d'une grue à tour, pour l'acheminement de ses pièces. "C'est un chantier d'adaptation permanente !", sourit Lena Harikiopoulos-Cordova. Le futur tunnel sera composé d'anneaux ; un anneau étant constitué de 7 voussoirs ; un voussoir faisant 2 mètres de large et pesant environ 8 tonnes. Une trentaine de camions se relaie quotidiennement pour transporter ces voussoirs, fabriqués 24 heures sur 24 sur le site Stradal de Limay, dans les Yvelines. Les équipes du lot T3C ne peuvent compter que sur un stock de 2 jours de voussoirs sur le chantier, ce qui requiert donc une fluidité et une synchronisation optimales entre l'avancement des travaux et la livraison des éléments, sachant que la vitesse maximale de pose est de 50 voussoirs par jour. A noter : les dimensions et les caractéristiques des voussoirs diffèrent suivant les lignes du Grand Paris Express.
Nonobstant les problèmes de flux tendus, cette organisation a un impact indéniable sur l'environnement et sur la circulation. Mais une autre problématique se pose : "Le vrai enjeu de ce projet, c'est la gestion des déblais", reprend la directrice technique du chantier. "Nous étudions des possibilités de terrains-tampons pour entreposer les marins [déblais des sous-sols, ndlr] excavés." Le lot T3C de la ligne 15 ne manque cependant pas d'innovations : des installations de traitement de terrains et de comblement de carrières souterraines ont été mises en place - les sous-sols parisiens étant de vrais gruyères, des vides dangereux peuvent être présents en profondeur, mais invisibles de fait en surface. Dans tous les cas, l'horloge continue de tourner pour les équipes du groupement CAP.