JUSTICE. L'association anticorruption Anticor a saisi le Parquet national financier suite à la publication, en janvier dernier, d'un rapport de la Cour des comptes épinglant plusieurs dysfonctionnements et dérives financières de la Société du Grand Paris. Il faut dire que le verdict de la rue Cambon étrille la gestion de l'établissement public.

En date du 12 juin dernier, l'association Anticor, dont le slogan est "Contre la corruption. Pour l'éthique en politique", a publié un communiqué indiquant qu'elle avait saisi le Parquet national financier (PNF), juridiction chargée de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. La raison : la publication d'un rapport de la Cour des comptes en janvier 2018, épinglant plusieurs dysfonctionnements et dérives financières de la Société du Grand Paris (SGP), l'établissement public à caractère industriel et commercial créé par l'Etat en 2010 pour réaliser le projet de supermétro du Grand Paris Express.

 

"Dérapage" des coûts et "risque d'insoutenabilité" de la dette

 

Dans son rapport du 17 janvier, la Cour des comptes alerte sur "le dérapage considérable du coût prévisionnel de ce projet, sur les risques financiers qui en résultent et sur la fragilité de la situation dans laquelle se trouve la SGP". L'institution de la rue Cambon ajoute que "la maîtrise des délais et des coûts semble à ce jour très compromise, rendant inatteignable l'amortissement complet de la dette en 2070". De son côté, Anticor précise dans son communiqué que la Cour a déploré "une rigueur insuffisante dans la gestion des marchés" notifiés par la SGP depuis sa création et jusqu'au 31 décembre 2016, soit 770 marchés. Un certain nombre de pratiques contraires au droit de la concurrence auraient été relevées, et notamment des entorses aux principes de la commande publique.

 

Des dépenses qui sont passées de 25 à 38 milliards d'euros

 

Toujours est-il que c'est sur cette base qu'Anticor a saisi le PNF, arguant que "cette nonchalance dans la gestion des marchés publics est d'autant moins acceptable que le coût du projet du Grand Paris Express ne cesse d'être revu à la hausse". En effet, dans son rapport, la Cour des comptes indique que "les coûts réels d'investissements du projet ne sont toujours pas stabilisés et sont en toute hypothèse déjà largement supérieurs" aux objectifs financiers fixés par le gouvernement en mars 2013, à hauteur de 25,5 milliards d'euros. La dernière réévaluation en date des coûts, effectuée par la SGP elle-même en juillet 2017, estime le total des dépenses à 38,5 milliards.

 

Plusieurs recommandations pour "recadrer" le projet

 

 

Dans son rapport, l'institution de la rue Cambon pointe de nombreux points noirs dans le fonctionnement de la SGP : une gouvernance "trop tournée vers la dimension politique du projet", une "dépendance excessive à l'égard de ses prestataires extérieurs", une dispersion des "moyens vers le financement d'infrastructures ne relevant pas de son périmètre de maîtrise d'ouvrage", des délais de travaux rapprochés et concomitants à d'autres projets tels que le Charles-de-Gaulle Express ou le Lyon-Turin…autant de limites et de contraintes qui seraient de surcroît aggravées par l'échéance des Jeux Olympiques de 2024. Brandissant la menace d'un "emballement" et d'une "perte de contrôle technique et financier du projet", la Cour des comptes avait présenté plusieurs recommandations, dont certaines ont été suivies des faits : un nouveau phasage a été annoncé par Matignon en février 2018, avant qu'un budget rectificatif ne soit adopté par la SGP dans la foulée.

 

Contactée par Batiactu, la SGP n'a pas commenté la décision d'Anticor.

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