Les risques psychosociaux constituent des risques opérationnels et économiques pour l'entreprise dès lors qu'ils affectent sa performance et sa compétitivité. Si la prévention de ces risques en progression constante semble de prime abord bien encadrée, des failles importantes existent pourtant dans leur gestion. Explications de Guillaume Pertinant.
Guillaume Pertinant est un consultant en management social chez Havasu Consulting, cabinet de conseil spécialisé dans la gestion du capital humain, en entreprise.
Quelle analyse a-t-on aujourd'hui des risques psychosociaux ?
Guillaume Pertinant : Les nombreuses études qui ont été menées sur le sujet attestent de liens étroits entre le stress chronique au travail et la détérioration de la santé physique ou mentale des salariés qui y sont exposés. Ceci explique sans doute le fait que le stress au travail soit considéré avant tout comme un risque psychosocial. Cette vision limitative concourt probablement à sa persistance, en ce sens qu'elle n'engage que faiblement les dirigeants, contraints à des objectifs de rentabilité, à investir dans sa prévention. La réalité est que les risques psychosociaux sont également des risques opérationnels qui fragilisent la bonne exécution des projets mais aussi, des risques économiques qui affectent entre autres la qualité de service.
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Comment cela se traduit-il ?
G.P : Les risques opérationnels sont d'abord relatifs à la bonne exécution des projets. Les conséquences du stress chronique s'inscrivent sur quatre tableaux (troubles, cognitifs, physiologiques, comportementaux et émotionnels) qui tous ont en commun de pouvoir pénaliser directement ou indirectement la productivité de l'entreprise. En fonction de la tâche à accomplir et des moyens éventuellement utilisés pour masquer ces troubles, le salarié souffrant de stress pourra plus ou moins bien, remplir sa mission.Par ailleurs, il est simple par exemple de comprendre l'incidence probable d'un fort taux d'absentéisme sur le déroulement d'un projet à flux tendu ou, d'imaginer les conséquences de troubles du comportement sur la bonne exécution d'un projet d'équipe. Pour les mêmes raisons, le stress professionnel chronique pénalise la qualité de service des entreprises. Le risque économique engendre enfin des conséquences fâcheuses de deux ordres pour l'entreprise qui est engagée dans une guerre de compétitivité.
De quel ordre ?
G.P : Le stress chronique en situation de travail concerne tout autant l'argent que l'entreprise perd que celui qu'elle aurait pu gagner. Le risque économique qu'il engendre se traduit d'abord par la perte de capitaux, sous forme de coûts directs ou indirects résultant de la perte de production due à l'absentéisme et à la démotivation des salariés, de la dégradation de l'image de marque, de comportements conflictuels, de la rotation du personnel, etc.Mais aussi, par la perte des bénéfices qui auraient pu être générés. Il ne s'agit donc pas uniquement pour l'employeur de réfléchir à la manière de limiter les coûts associés au faible rendement de salariés ayant perdu la motivation, mais également d'imaginer les revenus qui pourraient ou auraient pu être produits grâce à l'innovation et à l'excellence générées par un personnel motivé. C'est pourquoi, les entreprises doivent se protéger des conséquences opérationnelles et économiques de ces risques en favorisant l'émergence de conditions de travail adéquates.
La prévention des risques psychosociaux est-elle encadrée ?
G.P : Au premier abord, elle semble sous contrôle et bien formalisée. Le Code du travail impose en effet aux entreprises une obligation de résultat en matière de gestion des risques psychosociaux, comme pour n'importe quel autre risque professionnel. L'employeur qui doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité physique et mentale de ses salariés, est donc tenu d'organiser des actions de prévention. Les risques psychosociaux associés à l'organisation du travail et aux conditions de travail doivent ainsi être mesurés, quantifiés, analysés, gérés et enfin répertoriés dans le document unique. Une lecture plus précise laisse cependant révéler des failles importantes dans le système de gestion de ces risques.De quelle nature ?
G.P : Elles sont de deux ordres. D'abord, de nouvelles techniques d'organisation du travail et de management voient régulièrement le jour : nouvelles façons d'évaluer les salariés, de repenser l'organisation et les rythmes de travail, etc. Des millions de salariés dans le monde sont concernés par ces techniques le plus souvent expérimentées in situ par les entreprises. Il ne s'agit pas de dénigrer ces nouvelles idées, mais d'observer, toutes proportions gardées, la rigueur à laquelle certaines sont assujetties et la légèreté avec laquelle d'autres sont validées.