Le groupe industriel Alstom est au centre de toutes les convoitises : l'américain General Electric serait intéressé par la reprise des activités Energie et réseau électrique, un ensemble valorisé à plus de 10 Mrds €. Non consulté sur le dossier, le gouvernement a choisi de temporiser afin de laisser le temps à une autre solution, des échanges d'actifs avec l'allemand Siemens, d'émerger. Explications.

"Nous refusons la politique du fait accompli, nous refusons qu'Alstom vende ce fleuron national dans le dos de ses actionnaires, de ses salariés, du gouvernement français", déclare Arnaud Montebourg, ministre de l'Economie et du Redressement productif. Car la proposition surprise de l'américain General Electric (GE) de reprendre les activités énergies (Thermal Power et Renewable Power) et de transmission d'électricité (Grid), ne laissant à la France que l'activité transport ferroviaire, semble faire peser une menace : "L'offre (…) pose problème : 75 % d'Alstom vont être dirigés depuis le Connecticut. Même si GE se comporte très bien en France, cela pose un problème", a souligné le ministre sur l'antenne de RTL. Ce à quoi Clara Gaymard, représentante du groupe américain en France, répond : "GE est en France depuis quarante ans, dans huit sites de production qui emploient 11.000 salariés".

 

Pousser la proposition de Siemens
Le gouvernement a donc réagi en intervenant dans le dossier et en tentant de gagner du temps pour qu'une autre offre se concrétise : celle de Siemens, autre géant industriel, également intéressé par les activités énergétiques d'Alstom. Joe Kaeser, le dirigeant du groupe allemand, écrit dans un courrier destiné à son homologue français, Patrick Kron : "Nous sommes convaincus que cette proposition est une opportunité unique de créer deux champions européens forts, visant un leadership mondial dans les domaines de l'énergie et des transports". Car, au lieu d'une reprise pure et simple, Siemens se déclare prêt à échanger ses propres activités de transport à Alstom, contre les divisions énergie et grid d'Alstom, plus un montant à définir. Une idée qui préexistait mais qui peinait à prendre forme. Car des divergences de vue existent : toutes les activités de transport ne seraient pas concernées, la construction de métro de l'allemand étant par exemple exclue de la transaction.

 

L'offre n'a pas encore été formalisée et le courrier adressé à Alstom par son alter-ego d'outre-Rhin constituerait "une proposition autour d'une transaction potentielle". Suffisant pour Arnaud Montebourg qui souhaite d'abord défendre les intérêts nationaux : "Soit on se fait racheter par Boeing, soit on décide de construire un Airbus de l'énergie et des transports. Je préfère les géants made in France. Nous pouvons créer un leader mondial, un champion made in France", justifiant ainsi l'interventionnisme du gouvernement auprès des dirigeants et de l'actionnaire principal, Bouygues, qui détient 30 % du capital d'Alstom. Les rendez-vous se multiplient donc au plus haut niveau, puisque c'est à l'Elysée qu'étaient attendus les responsables ce lundi 28 avril. Les équipes gouvernementales travailleraient à l'amélioration des offres. Siemens a d'ores et déjà annoncé que le double rapprochement évoqué "pourrait avoir lieu sans conséquence sociale pour les deux groupes. Nous nous engageons à ne procéder à aucun licenciement en France, pour une période d'au moins trois ans, et prévoyons plutôt d'étendre l'activité", précise Joe Kaeser. De nombreuses synergies seraient attendues dans le domaine des centrales thermiques ou des réseaux électriques notamment.

 

Une entreprise largement bénéficiaire
Concernant l'activité liée au secteur nucléaire, là aussi le dirigeant de Siemens se déclare prêt "à discuter avec le groupe et ses actionnaires de solutions appropriées (…) qui pourraient passer par une cotation distincte". De quoi rassurer les syndicats et le gouvernement ? Reste que GE estime que son offre est plus complémentaire que celle de son rival allemand et meilleure en termes d'emplois. Rappelons qu'Alstom est une société anonyme largement excédentaire depuis 2007, qui emploie plus de 93.000 personnes dans le monde. Elle a généré en 2013 un chiffre d'affaires de près de 20 Mrds € (dont seulement 10 % en France) pour un bénéfice de 800 M€.

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