Sur certains sites où les terres sont particulièrement acides, les escargots trouvent dans les peintures de façades le calcium nécessaire à la fabrication de leur coquille. Les dégâts - qui peuvent être importants - ont contraint les industriels à prendre des dispositions.

L'histoire remonte en novembre 1998, lorsqu'un couple de particuliers de Miniac-Morvan (Ille-et-Vilaine) porte plainte contre un artisan, André Couacault, pour malfaçon. Ils lui reprochent l'apparition de trous dans la peinture juste après la fin de travaux de ravalement sur la façade de leur maison.
Le professionnel tente alors de ce disculper et explique au tribunal que le problème vient de la peinture. Sa seule argumentation est d'affirmer que la peinture est mangée par les escargots.
Dans un premier temps, il n'est pas pris au sérieux, surtout que les experts désignés constatent des malfaçons. Il est alors condamné à payer aux plaignants une somme de 14.000 euros.

L'artisan fait appel, sans trop y croire. Or, dans le même temps une spécialiste des gastéropodes à l'université Rennes 1, Maryvonne Charrier, s'intéresse à l'affaire. Elle mène alors une étude de quatre mois sur les petit-gris, l'escargot de la région bretonne, qu'elle place en présence de 14 marques de peintures de composition similaire et de persil, une herbe particulièrement prisée des gastéropodes.
L'étude confirme le goût des escargots pour 12 peintures (2 marques de peinture contenant du plomb !), malgré la disponibilité en végétal. Cent escargots sauvages consomment ainsi 4,78 kg par an de la marque la plus appréciée.

Selon l'étude, le principal critère de choix du petit-gris semble être la forte teneur des peintures en calcium, minéral dont l'escargot se sert pour fabriquer sa coquille et synthétiser ses tissus et dont les sols bretons sont avares.

L'artisan assigne alors en justice son fournisseur de peinture, la société SA la Seigneurie devenue par la suite SA Euridep, et en juin 2001, la cour d'appel se prononce en sa faveur, estimant que l'appétence des escargots pour certaines peintures de façade constitue un "défaut caché" connu du fournisseur.

La société Euridep s'est pourvue en cassation, mais le 8 juin dernier, la Cour de cassation a mis un terme à ce feuilleton en rendant un jugement de "non admission", estimant que le moyen invoqué pour la cassation n'était pas justifié et confirmant le jugement d'appel qui condamnait Euridep à prendre en charge les travaux de ravalement de la façade et les frais de justice.

Mais André Couacault n'a pas gagné pour autant. Aujourd'hui, il n'est plus en activité et affirme avoir perdu beaucoup d'argent ainsi que sa santé dans ses démêlés judiciaires. "C'est vrai qu'au début personne ne l'a pris au sérieux. Certains ont mis en doute ce qu'il disait, car d'autres artisans qui utilisaient les mêmes peintures n'avaient pas de problèmes", reconnaît Marie Morantin, de la CAPEB d'Ille-et-Vilaine.

De leur côté, les fabricants de peinture se sont mobilisés pour éviter tout nouveau cas de ce type. Ainsi, dés 2001, Sigmakalon Euridep a créé, pour ces zones très limitées, un produit spécifique, non appétant pour les escargots, le Monovelours. L'industriel indique avoir également pris toutes les mesures nécessaires pour informer le réseau des applicateurs locaux.

actionclactionfp