NEGOCIATIONS. Suite à l'appel d'offres lancé en juin 2017 par la SNCF pour rénover et agrandir la Gare du Nord à Paris, l'opérateur ferroviaire vient d'annoncer l'ouverture de négociations exclusives avec Ceetrus, société foncière du groupe Auchan. Le projet consiste à tripler les volumes du lieu d'ici les Jeux Olympiques de 2024.
En juin 2017, le groupe SNCF avait lancé, via son entité Gares&Connexions, un appel d'offres pour moderniser et agrandir la Gare du Nord, à Paris. Trois candidatures s'étaient alors dégagées du lot, à savoir Immochan, Altarea Cogedim et un groupement emmené par Apsys. Plus d'un an après, le verdict vient de tomber : la SNCF a annoncé ce lundi 9 juillet 2018 l'ouverture de négociations exclusives avec Ceetrus, foncière du groupe Auchan (anciennement Immochan). Le chantier de rénovation et d'agrandissement de la première gare européenne - plus de 700.000 voyageurs quotidiens, sans compter le métro - devrait coûter 600 millions d'euros et être livré en juin 2023. Objectif : un site prêt pour les Jeux Olympiques de 2024. "La nouvelle Gare du Nord, livrée mi-2023, sera l'égale de St-Pancras [une des principales gares londoniennes, ndlr]. Ce projet fait appel à toutes les expertises du groupe SNCF et représente un progrès majeur pour les 700.000 voyageurs quotidiens […] de la première gare d'Europe", a déclaré à cette occasion Guillaume Pepy, président du directoire de SNCF. "Le projet est de transformer fondamentalement la Gare du Nord, puisqu'on va tripler sa taille", a ajouté Patrick Ropert, directeur général de Gares&Connexions, à l'AFP.
Une Gare du Nord trois fois plus grande
En effet, la superficie du site devrait passer de 36.000 à 110.000 m². "Le principe, c'est qu'on va améliorer la fluidité en séparant les flux arrivées et départs", poursuit Patrick Ropert. Dans les faits, les voyageurs prenant le train seront accueillis au premier étage du bâtiment, avant de rejoindre les quais par des passerelles, ce qui est déjà le cas actuellement pour les Eurostar. Le nouveau terminal de départ ambitionne de réinterpréter le concept du passage parisien du XIXe siècle de Haussmann, en construisant une galerie de 18 mètres de large sur près de 300 mètres de long, qui proposera une large palette de fonctionnalités. Les voyageurs descendant du train, eux, continueront à sortir de plain-pied. De plus, le terminal transmanche va être agrandi, notamment pour répondre au renforcement des contrôles douaniers post-Brexit.
800.000 voyageurs en 2024
D'après les projections de la SNCF, la Gare du Nord devrait voir transiter plus de 800.000 voyageurs en 2024, et jusqu'à 900.000 à l'horizon de 2030. Une situation qui s'expliquera par plusieurs facteurs : d'ici 2023, le prolongement du RER E à l'Ouest de Paris augmentera l'activité de la gare de 50%. La mise en service du Charles De Gaulle Express reliant l'aéroport de Roissy à la Gare de l'Est renforcera également le trafic de la Gare du Nord. Un accroissement de plus de 40% du transport de passagers longue distance sur l'axe du Nord de la France est également attendu d'ici 2030. Enfin, l'activité Eurostar s'apprête à croître de 50% aux heures de pointe.
Un réaménagement qui englobe tout le quartier
Le projet de transformation du bâtiment, qui date du XIXe siècle, a été confié à l'architecte Denis Valode. Le premier embarcadère date de 1846, mais les derniers travaux de réaménagement ont été effectués en 2001, et avaient permis d'agrandir la halle des départs. Au final, la gare modernisée devrait comprendre 2,5 fois plus d'espaces de circulation (passant de 15.000 à 37.000 m²), 2,5 fois plus d'ascenseurs (55 au total) et d'escaliers mécaniques (105), une nouvelle gare routière, un accès facilité au métropolitain, ou encore 1.200 places de stationnement pour vélos. Mais ce projet concerne également le quartier autour de la Gare du Nord : ainsi, les espaces dédiés aux services et commerces vont être quintuplés pour atteindre les 50.000 m², dont 37% de boutiques, 27% liés à la restauration, 8% au sport et 5% à la culture. En outre, 7.700 m² d'espaces verts et 3.200 m² de panneaux photovoltaïques seront intégrés au futur bâtiment, dont les niveaux 4 et 5 seront en construction bois. Anne Hidalgo, la maire de Paris, a souligné à ce propos : "Ce réaménagement ambitieux de la Gare du Nord, porté par le groupe SNCF avec le soutien de la ville de Paris, va permettre de relever un double défi : mieux accueillir les visiteurs tout en améliorant le cadre de vie des Parisiens qui habitent le quartier".
Patrick Ropert a précisé à l'AFP qu'il espérait une finalisation du contrat "d'ici octobre". Pour mener à bien le projet, Ceetrus et SNCF envisagent de créer une coentreprise, détenue à 66% par la foncière d'Auchan et à 34% par Gares&Connexions. Cette structure sera chargée de la conduite des travaux, puis de l'exploitation commerciale pendant 35 à 46 ans.
La CGT et Sud-Rail contestent le projet de transformation de la Gare du Nord
L'annonce des négociations entre la SNCF et Ceetrus n'a pas manqué de faire réagir les syndicats. La CGT Cheminots a promis de son côté d'être "très vigilante sur la suite du dossier et plus particulièrement sur le contrat final qui sera soumis au vote des administrateurs en octobre", précisant qu'elle s'était "opposée" via "des administrateurs salariés CGT au conseil d'administration de SNCF Mobilités" à la "mise en œuvre de cette disposition opaque et complexe", selon l'AFP. Le deuxième syndicat de France regrette notamment que "la SNCF [se soit] positionnée sur le seuil minimal de participation" dans le projet de coentreprise avec Ceetrus, "alors que la loi l'autorise à détenir jusqu'à 85% des parts". Certes, la CGT reconnaît que la Gare du Nord "a besoin d'investissements pour améliorer le confort des voyageurs, la qualité de service et la régularité" des trains, mais elle s'interroge dans le même temps sur le fait que les "surfaces commerciales […] seraient multipliées par 5 alors que celles consacrées à la circulation et à l'accueil des voyageurs ne le seraient que par 2,5".
Chez Sud-Rail, on considère que ce projet de modernisation camoufle une volonté de privatisation de la gare parisienne. Le syndicat s'est simplement fendu d'un tweet : "'Il n'est pas question de privatiser la SNCF' disait Elisabeth Borne [la ministre des Transports]. 15 jours après vente de la Gare du Nord. Aucune parole".