GRAND PROJET. Un immense projet immobilier autour de la gare d'Austerlitz suscite la polémique. Des groupes du Conseil de Paris ont demandé la révision du projet.
Après l'affaire de la rénovation de la gare du Nord, c'est au tour de celle d'Austerlitz de susciter le débat. Les groupes écologiste, Républicain et Indépendants du Conseil de Paris ont demandé le 15 avril la révision du projet de cette gare parisienne, qui prévoit la construction de 50.000 m2 de bureaux et d'hôtel entre la gare et la Pitié-Salpêtrière. Bien que l'exécutif parisien et des groupes socialiste et communiste ont émis un avis défavorable, les votes des trois groupes (non-contraignants) ont été adoptés à la majorité.
Ce futur ensemble immobilier de 300 mètres de long et 37 mètres de hauteur, tertiaire et commerciale, contrarie les riverains et défenseurs de l'environnement, qui l'appellent "le mur". S'y trouveront plus de 50.000 mètres carrés de bureaux, un hôtel, une résidence étudiante, une part de logements et près de 20.000 mètres carrés de commerces, avec parkings privé et public. Supervisé par cinq maîtres d'ouvrage, dont SNCF Gare&Connexions, ce projet verra la création d'une ferme photovoltaïque de 3.400 m2, afin d'alimenter les bureaux et l'hôtel en électricité. Aussi, l'eau chaude des logements sera issue de capteurs solaires de toiture.
"Au détriment du logement"
Le premier adjoint (PS), Emmanuel Grégoire, a assuré à l'AFP que l'exécutif prendrait "en compte [ces votes, ndlr] sans contrevenir aux engagements juridiquement contraignants pris par le Conseil" dans une délibération datant de septembre 2018. Il a ajouté qu'"on ne peut pas déjuger des décisions exécutoires". Même si la ville est l'actionnaire principal de l'opérateur, la Semapa, "c'est un projet qui est porté par l'Etat, instruit par l'Etat, signé par l'Etat", a indiqué le premier adjoint.
"Le nombre de mètres carrés alloués aux bureaux est considérable, et ce, au détriment du logement", a jugé la maire du Ve arrondissement, Florence Berthout (Indépendants, proches de LREM), dans une interview pour Batiactu. "C'est sept fois plus de surface de bureau que de logement. La ville de Paris n'arrête pas de dire qu'elle veut transformer les bureaux en logement, j'ai du mal à comprendre sa position sur ce projet. C'est également en contradiction avec le plan climat. "
Elle s'inquiète également de la surface réservée aux commerces de la gare, alors que "la convention citoyenne pour le climat a demandé un moratoire sur la création de surfaces commerciales supérieures à 10.000 mètres carrés. Certains commerces vont forcément entrer en concurrence avec ceux de l'arrondissement." Elle regrette également l'absence de services publics et sociaux. "Pas de crèche, d'antenne de police ou de résidence pour seniors, c'est choquant."
"Une aberration"
Pour le groupe Générations, qui a soutenu les vœux écologiste et indépendant, "la création d'un mur urbain de 37 mètres de haut sur 300 mètres de long" écraserait "le patrimoine historique environnant". Contactée par Batiactu, l'élue LFI Danielle Simmonet s'est, de son côté, dit "farouchement opposée à ce projet", qu'elle apparente à celui de la rénovation de la Gare du Nord. Elle le qualifie de nouveau "scandale", qui serait "au profit d'un gigantesque centre d'affaires et commercial" et pour un coût "d'un milliard d'euros". Le projet est en fait estimé à 900 millions d'euros. "C'est anti-écologique et, face aux enjeux écologiques de lutte contre la pollution, cela va attirer encore plus de voitures et de camions", a-t-elle poursuivi. "De plus, la part de logement est estimée à 10% et on ne connaît pas le pourcentage de social et non social."
Selon les écologistes, le projet prévoit "seulement 500 m2 de nature". Ils se sont rassemblés le 13 avril devant l'Hôtel de Ville, en présence du secrétaire national d'EELV Julien Bayou, candidat aux régionales en Ile-de-France, pour dénoncer une "aberration".
Un recours en justice déposé
À cela, Emmanuel Grégoire répond que le futur projet permettra une "extension extrêmement importante des espaces verts" et "une désimperméabilisation des sols". Le chantier de démolition des bâtiments existants est actuellement en cours. L'Agence française du développement (AFD) s'est engagée à occuper l'intégralité des surfaces de bureaux, toujours selon l'adjoint.
Le projet devait être livré à l'horizon 2020 mais a dû être retardé. En effet, son permis de construire a été suspendu en raison d'un recours devant le tribunal administratif de Paris de la part du collectif Austerlitz, qui regroupe riverains et commerçants, citoyens, représentants politiques et associations. Le collectif, qui juge que le projet "perpétue les errements des années 1980", a lancé une pétition en ligne à l'attention de la maire de Paris contre "ce mur abritant un centre commercial grand comme cinq hypermarchés". À l'heure où nous publions, la pétition a réuni plus de 32.000 signatures.