ANNONCE. Le ministère du travail a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement. Au menu, notamment, la publication systématique des noms des entreprises condamnées à ce sujet.

La méthode du name and shame (en français : "nommer sur la place publique pour faire honte") est aujourd'hui utilisée en matière de retards de paiement : et elle devrait se systématiser également dans le domaine de la lutte contre la fraude au travail illégal. C'est l'une des annonces effectuées ce 8 juillet 2019 par la ministère du Travail, Muriel Pénicaud, qui a présenté les mesures du plan national de lutte contre le travail illégal 2019-2021.

 

De premiers noms attendus pour le second semestre 2019

 

La loi avenir professionnel, votée fin 2018, avait ouvert la possibilité pour la justice de rendre publique une condamnation pour condamnation au travail illégal. Le ministère à décidé de renforcer ce plan en systématisant la publication des noms des sociétés concernées, lorsqu'il s'agit de cas les plus graves (par exemple, conditions de travail indigne, traite d'êtres humains...). "Les greffes des tribunaux transmettront les informations à la direction générale du travail qui publiera la liste sr le site du ministère du Travail", détaille l'administration. De premières sociétés devraient ainsi être clouées au pilori d'ici à la fin de l'année 2019.

 

 

Parmi les autres mesures évoquées par la ministre, le ciblage en matière de contrôle sur les secteurs les plus "fraudogènes", à commencer par le BTP ; mais aussi sur des chantiers emblématiques, liés aux Jeux olympiques 2024, au Grand Paris ou encore à la coupe du monde de rugby. Autre objectif : maintenir le nombre de verbalisations et sanctions à 7.200 par an, en faisant en sorte que 50% des actions impliquent plusieurs organismes de contrôles pour une meilleure efficacité (notamment les Urssaf).

 

Maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordres dans le viseur du ministère

 

En 2018, d'après la ministre, 20.300 intervention ont eu lieu sur le travail illégal ; 583 fermetures administratives ont été notifiées par les préfets (368 en 2017) et 641 millions d'euros de redressements ont été effectués (540 en 2017).

 

Pour les années à venir, les priorités seront notamment mises sur la sensibilisation autour du noyau dur de droits des travailleurs à respecter dans le cadre du détachement de salariés en France ; l'État compte aussi s'appuyer sur la nouvelle autorité européenne du travail pour mieux traquer les sociétés boîte-aux-lettres, et sur les partenaires sociaux des filières les plus touchées (dont le bâtiment). "Il y a un sujet sur le partage des données entre organismes de contrôles, de retours d'expérience", explique la ministre.

 

En 2020, les pouvoirs publics lanceront également un plan afin de mieux responsabiliser les maîtres d'ouvrage. "Les donneurs d'ordres doivent être normalement solidaires ; mais cela n'est pas effectif aujourd'hui", a expliqué Muriel Pénicaud. "Or, c'est souvent au niveau des sous-traitants de niveau 2 ou 3 que les cas de fraude ont lieu, rarement au niveau des donneurs d'ordres. Nous ferons des propositions pour plus d'efficacité en la matière."

 

123.000 salariés détachés dans le BTP

 

Ce plan est annoncé alors que les effectifs de travailleurs détachés ont continué d'augmenter en 2018, avec 228.324 salariés intervenus tous secteurs confondus (200.565 en 2017). Parmi eux, 123.167 travaillaient dans le BTP - il ne s'agit là que des travailleurs détachés déclarés sur la plateforme Sipsi, les salariés détachés non déclarés n'y sont par définition pas inclus. Les régions les plus touchées par le détachement sont le Grand-Est (104.213) et l'Île-de-France (92.107). Les pays d'origine des travailleurs sont l'Allemagne (54.087 déclarations), l'Espagne (27.015) et la Belgique (24.095).

 

La carte BTP, un modèle destiné à être dupliqué ?
"Une manière simple et puissante d'aider les contrôles" : c'est ainsi que la ministre du Travail Muriel Pénicaud qualifie l'expansion de la carte BTP dans le secteur. Plus d'1,7 million de carte ont été demandées, dont 122.363 pour des travailleurs détachés. Certaines professions, comme les agriculteurs ou les entreprises de paysage, envisagent d'adopter eux aussi cette solution. "C'est une très bonne idée, c'est efficace sans pour autant apporter de complexité administrative", commente Muriel Pénicaud.

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