DIAGNOSTIC. Une nouvelle étude des services statistiques de l'Etat donne la répartition du parc de logements selon leur classe énergétique. Typologie, revenus des occupants, situation géographique : ce panorama s'avère riche d'enseignements pour les politiques de soutient à la rénovation thermique, dont l'approfondissement a été annoncée récemment.
Le ministère de la transition écologique a rendu publique une étude du parc de logements français par classe de consommation énergétique. Celle-ci montre que près d'un logement sur cinq, 17% exactement, est une passoire thermique, c'est-à-dire classée en catégorie F ou G. Sur les 29 millions de résidences principales au 1er janvier 2018, environ 1,9 million de logements (6,6% du parc) seraient peu énergivores (étiquettes A et B du diagnostic de performance énergétique - DPE). La classe C regroupe environ 15% du parc. Les étiquettes D et E du DPE sont les plus fréquentes, avec respectivement 34% et 24% du parc. Et donc, environ 4,8 millions de logements seraient classées F et G.
Ces résultats diffèrent sensiblement de ceux tirés de l'enquête similaire réalisée en 2013, qui avait constitué le premier dispositif d'observation statistique des performances énergétiques des logements. La part de passoires énergétiques avait été en effet estimée à 31%, ce qui représente 14 points de plus que la présente estimation. Si les passoires thermiques ont été "surestimées", explique le service des statistiques du gouvernement l'explique, c'est probablement à cause de l'échantillon plus restreint utilisé en 2013. L'exploitation d'un extrait de la base DPE comprenant environ 500.000 diagnostics "apporte l'assurance" d'une estimation plus proche de la réalité.
Ceci étant dit, les services gouvernementaux précisent que la qualité des DPE eux-mêmes est sujette à caution, et constitue une limite importante à l'étude dans son ensemble, notamment car pour les logements construits avant 1948, la réglementation actuelle prescrivant pour ces logements la méthode fondée sur l'examen des factures plutôt que la méthode conventionnelle 3CL, s'appuyant sur les caractéristiques techniques du logement. La refonte réglementaire en cours à "l'ambition d'améliorer" les diagnostics et leur fiabilité.
Répartition très inégale selon la typologie
Premier constat, lorsqu'on rentre dans le détail des chiffres : les logements très énergivores (F et G) sont plus fréquents parmi les maisons individuelles que dans les logements situés dans un habitat collectif (18,4% contre 14,7%). Par ailleurs, les logements les plus petits sont les plus énergivores : près de 36% des logements de moins de 30m² ont une étiquette F ou G, ce qui n'est le cas que de 13% des logements de plus de 100m².
L'analyse est plus complexe en termes de date de construction du logement, en raison des différences de méthodologie pour les logements avant ou après 1948. L'étude montre néanmoins, evidemment, "une évolution générale vers les étiquettes les moins énergivores au fur et à mesure de l'instauration de nouvelles réglementations thermiques de construction des bâtiments". L'immense majorité des passoires datent effectivement d'avant 1948, même si 5% des logements classés F et G ont été construits entre 1949 et 1974, et encore environ 2,5% entre 1975 et 1988.
Un parc social plus vertueux
L'étude des caractéristiques des occupants montre que le parc social est sensiblement moins énergivore que le parc privé (7% d'étiquettes F et G, contre 18,7%), ce qui s'explique par une forte prévalence du chauffage collectif au gaz, ainsi que par un effort de rénovation ciblé. Le parc locatif privé comporte les logements consommant le plus d'énergie, avec près de 23% de logements d'étiquettes F ou G, alors que les logements occupés par leurs propriétaires ne sont que 17% à avoir une telle étiquette. En croisant avec le type de logement occupé, le taux de logements très énergivores est similaire dans le parc locatif privé entre maisons et appartements. En revanche, pour les logements occupés par leur propriétaire, la part de logements d'étiquettes F ou G est bien plus forte pour les maisons (18%) que pour les appartements (12%).
En ce qui concerne les revenus, la part des logements très énergivores décroît légèrement en fonction du revenu des occupants, passant de 19% d'étiquettes F et G pour les occupants du premier quintile à 15% pour les occupants du dernier quintile. Cette variabilité modérée masque toutefois d'importantes disparités selon le statut d'occupation. Les ménages du premier quintile résidant dans le parc privé occupent ainsi plus souvent des logements très énergivores : 28% de logements F-G dans le parc locatif privé et 23% pour les ménages propriétaires contre 20% et 16% respectivement pour les 3e et 4e quintiles. Comme ils sont en revanche plus nombreux à occuper un logement du parc social moins énergivore (35% d'entre eux, contre 14% pour ceux du 3e quintile et moins de 8% au-delà), la part des passoires thermiques au sein de cette classe de revenus est au niveau global assez proche de celle des autres catégories de ménages, révèle l'étude.
Répartition géographique
La part des logements très énergivores varie, enfin, fortement selon les départements. Elle est la plus faible dans les départements proches de l'arc méditerranéen ou du sud de la façade atlantique pour lesquels le climat est plus doux et réduit les besoins de chauffage (6% de logements énergivores dans les Pyrénées-Atlantiques, les Landes et en Gironde). Elle est à l'inverse la plus élevée dans certains départements ruraux et/ou montagneux (plus de 40% dans la Nièvre et la Creuse, et jusqu'à 46% dans le Cantal).
L'électricité, grande perdante du calcul par consommation d'énergie primaire
Le diagnostic de performance énergétique est aujourd'hui fondé sur la consommation d'énergie primaire du logement, rappelle le service d'études statistiques. L'énergie primaire correspond à l'énergie disponible à l'origine du processus de transformation, et comptabilise ainsi des consommations liées à cette transformation, au transport, etc. Pour l'électricité, selon la réglementation régissant le DPE, un coefficient de 2,58 est ainsi appliqué entre l'énergie effectivement consommée, dite énergie finale, et l'énergie primaire servant à élaborer le DPE. Ce coefficient est plus élevé que pour les autres combustibles : il est de 1 pour le gaz et le fioul, et est, par convention, fixé à 0,9 en ce qui concerne le bois. Ces différences "s'expliquent principalement par le fait que la consommation d'énergie primaire inclut la chaleur perdue, pouvant représenter jusqu'à deux tiers de la chaleur produite dans les centrales thermiques (classiques ou nucléaires) lors de la conversion en énergie électrique". Les évolutions réglementaires du DPE "pourraient notamment conduire à introduire certains critères fondés sur la consommation d'énergie finale du logement, à côté d'autres critères en énergie primaire, pour définir les logements à consommation d'énergie excessive", indique les services ministériels.
La distribution du parc de logement selon les classes de consommation énergétique n'est, pas la même selon que l'on mesure la consommation en énergie primaire ou en énergie finale "car le coefficient à appliquer pour passer de l'énergie primaire à l'énergie de chauffage dépend du type de combustible et donc du mode de chauffage du logement". Ainsi, "le mix énergétique des logements très énergivores comporte une part beaucoup moins importante de logements chauffés à l'électricité lorsque l'on raisonne en énergie finale : la part de logements chauffés à l'électricité passe de 54% à 5%, alors que celle de logements chauffés au gaz passe de 16% à 45%". Dans cet exemple, 2,3 millions de logements chauffés à l'électricité ne sont plus considérés comme des passoires thermiques si l'on mesure la consommation excessive en énergie finale, alors que 1,3 million de logements chauffés au gaz et 1,0 million de logements chauffés par d'autres combustibles (fioul principalement) deviennent très énergivores.
Dans l'ensemble du parc, 37% des logements ont recours à l'électricité pour le chauffage, dont 5% par des pompes à chaleur. Le chauffage électrique est donc "sur-représenté parmi les passoires en énergie primaire, en raison des pertes de transformation associées à la production d'électricité (coefficient de 2,58) mais très sous-représenté en énergie finale", explique l'étude. "Deux facteurs peuvent contribuer à ce dernier résultat. D'une part, le rendement des chaudières utilisant des combustibles tels que le gaz, le fioul ou le bois est généralement inférieur à celui des systèmes de chauffage électrique. D'autre part, d'autres énergies de chauffage que l'électricité sont généralement privilégiées dans les logements où les besoins de chauffage sont les plus importants (en raison par exemple de leur localisation dans une zone particulièrement froide ou d'une mauvaise isolation). On peut penser que le coût élevé du kilowattheure électrique comparativement aux autres énergies dissuade en effet l'installation de systèmes de chauffage électriques dans de tels logements".