Alors que la ville de Nanterre a signé une charte relative à la qualité des constructions neuves avec 35 promoteurs immobiliers, la FPI dénonce des dispositifs illégaux et des pratiques "non démocratiques". Décryptage.
Construire des logements de qualité, tel est l'objectif que se fixent aussi bien les municipalités que les promoteurs immobiliers. Pourtant, de plus en plus de mairies souhaitent faire signer une charte qualité supplémentaire aux promoteurs immobiliers qui désirent réaliser des projets sur leurs terres. C'est ainsi, que le 6 avril dernier, la ville de Nanterre (Hauts-de-Seine) a signé avec 35 promoteurs immobiliers une "Charte qualité des constructions neuves". Ville bâtisseuse, la municipalité ambitionne en effet de construire près de 1.000 logements par an et qu'ils soient de "qualité, diversifiés et accessibles au plus grand nombre", nous informe un membre du cabinet du maire.
Jusque-là, rien d'anormal. Sauf que la Fédération des Promoteurs Immobiliers, sollicitée pour signer la charte, a refusé. Dans un courrier envoyé au maire, Patrick Jarry, l'organisation alerte sur certaines dispositions inscrites. La présidente de la FPI, Alexandra François-Cuxac, nous rappelle qu'un des rôles de la FPI est d'analyser ce genre de charte et d'en apprécier le cadre légal ou illégal. "Quand un texte me paraît sortir du cadre légal, alors je le fais analyser par un cabinet d'avocats spécialisés", nous confie-t-elle. Et c'est ce qu'il s'est passé pour Nanterre.
Que reproche la FPI ?
Sur le fond, la FPI considère que le texte comporte "de nombreuses dispositions illégales de nature à exposer les signataires" et craint que cela n'aboutisse également à "une hausse du coût de production, incompatible avec l'objectif affiché de proposer une offre de logements abordables". Elle souligne également les dispositions trop contraignantes, donnant comme exemple des exigences thermiques plus fortes que celles prévues par la législation.
Alexandra François-Cuxac estime ainsi que "cette charte contrevient à la fois aux dispositions de l'urbanisme, du code de la consommation et des règles de marchés publics". Concernant le caractère illégal de certains points, la présidente de la FPI cite la typologie des logements imposée, "qui n'a rien à faire dans une charte". Alexandra François-Cuxac précise : "Quand une telle disposition est inscrite dans une charte, elle échappe à la concertation, or elle devrait l'être dans le cadre du PLU".
"Il y a également des atteintes à la liberté contractuelle", note-t-elle, lorsqu'on impose une architecture, la nature de la mission ou les caractéristiques des logements. Cela "revient en fait à faire de la co-maîtrise d'ouvrage", s'insurge Alexandra François-Cuxac.
Incompréhension de la mairie
Interrogé par Batiactu, le cabinet du maire s'étonne de recevoir un tel courrier, nous expliquant que "la rédaction de cette charte est l'aboutissement d'un travail collectif de plus d'un an avec les promoteurs immobiliers". Et rappelle "tout de même" que 35 promoteurs ont signé le texte dont de grands groupes immobiliers tels que Bouygues, Vinci, Eiffage, BNP, etc. "On ne les a pas forcés," insiste un membre du cabinet du maire. Concernant, le risque de sanctions, la mairie souligne qu'elle a impliqué son service juridique dans cette démarche et pose la question : "Est-ce que les promoteurs auraient signé quelque chose d'illégal ?"
Des promoteurs pieds et poings liés ?
A cette question, la FPI préfère rappeler que la municipalité a le pouvoir de délivrer les permis de construire. Sa présidente se dit tout à fait consciente "qu'il est délicat pour un promoteur de refuser de signer une telle charte", même si la fédération les alerte sur ce point. Les promoteurs craignent en effet de se voir refuser leur permis.
Enfin, Alexandra François-Cuxac regrette que ce genre de démarche aboutisse de cette manière. "On ne peut pas se laisser imposer n'importe quoi, n'importe quand", et dénonce même "des méthodes qui ne sont pas dignes d'une démocratie comme la France". Elle souhaiterait que ce type de charte "ville-promoteurs" soit la réalisation d'un processus collaboratif et non d'un rapport de force, comme cela se passe dans certaines villes, conclut-elle.
Cette charte, signée pour 5 ans, doit "s'appliquer à l'ensemble des opérations neuves du territoire de bureaux et de logements neufs à partir de 5 logements collectifs" annonce le document, qui précise aussi : " Sur chaque opération, des échanges entre la Ville de Nanterre et le maître d'ouvrage du bâtiment devront permettre de s'assurer de la bonne mise en oeuvre des engagements et principes de la Charte, la Ville se réservant le droit d'opérer un suivi des projets au niveau du permis de construire et au-delà (y compris visites de chantier).
- Le premier concerne la qualité d'usage, environnementale et maîtrise des prix. La ville demande aux opérateurs de travailler sur l'ergonomie et l'habitabilité des locaux, et impose des surfaces minimum des pièces à vivre et un nombre de rangement selon la typologie du logement. Il est également mentionné que les prix de sortie des bâtiments sont fixés par la ville.
- Deuxième axe : la sobriété énergétique et carbone et développement des énergies renouvelables. "L'objectif de la municipalité est d'aller au-delà des exigences de la réglementation" indique la charte.
- Troisième point : "Évolutivité, vivre-ensemble et gestion dans le temps". "Cela impose de permettre le changement d'occupation des locaux" indique notamment le document. Cela concerne aussi les espaces en rez-de-chaussée et les espaces de stationnement.
- Le quatrième axe traite des matériaux durables, du confort et de la santé au quotidien. Il est demandé aux promoteurs de s'assurer de la pérennité de matériaux afin de garantir la qualité et la tenue dans le temps des bâtiments.
- Enfin, le dernier axe traite de la responsabilité et de la prévention des malfaçons, "enjeu central pour la ville, qui souhaite mettre en place sur son territoire des démarches systématiques pour garantir la qualité des opérations livrées aux usagers".