DIFFICULTÉS. Le ministère de l'Économie avance dans la mise en place de son fonds de solidarité pour les travailleurs indépendants. Mais des questions se posent encore sur son efficacité compte tenu des conditions d'éligibilité.

Sur le terrain, les acteurs "craignent un décalage entre les annonces faites à Paris et la concrétisation". C'est le député LR Daniel Fasquelle qui l'a assuré, le 24 mars, lors de la séance des questions au gouvernement. Il a évoqué le cas du fonds de solidarité qui sera monté pour les indépendants, durement frappés par la crise. Pour en bénéficier, les travailleurs non-salariés (ou toute entreprise de moins de dix salariés) doivent notamment répondre à l'une des deux conditions suivantes : soit leur activité fait partie de la liste publiée le 15 mars dernier des établissements fermés du fait du confinement (ce n'est pas le cas des entreprises artisanales du bâtiment) ; soit il faut prouver que l'on a connu une perte de chiffre d'affaires de 70% entre mars 2019 et mars 2020 (ou, si l'entreprise a été créée après mars 2019, en comparant le CA de mars 2020 au CA moyen des mois précédents, depuis la création). Or, "comment exiger une chute de 70% de chiffre d'affaires alors que le confinement s'est appliqué au 17 mars ?", s'emporte Daniel Fasquelle. Du côté de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), contactée par Batiactu, on explique être en train d'étudier la pertinence de ce critère de 70%.

 

Opérationnel "début avril"

 

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État à l'Économie et aux Finances, a quoi qu'il en soit révélé que les premiers versements de 1.500 euros seraient versés "début avril", et que le fonds allait être mis en place "dans les prochains jours". "Début avril, toutes les entreprises concernées pourront faire une simple déclaration sur le site des impôts - impots.gouv.fr - pour recevoir le versement automatique de 1.500 euros", indique Bercy. La somme sera défiscalisée. Pour les entreprises en situation excessivement difficile, une aide complémentaire de 2.000 euros pourra être allouée par les Régions, au cas par cas, à compter du 15 avril, pour les entreprises embauchant au moins un salarié.

 

 

La question de la quantité d'entreprises du bâtiment qui seront éligibles à ce fonds reste donc, pour l'instant, en suspens. Combien d'entre elles pourront faire état d'une chute aussi drastique de leur activité en quatorze jours (du 17 au 31 mars) ? Car le ministère de l'Économie, contacté par Batiactu, confirme que le calcul sera fait sur l'ensemble du mois de mars, et non sur les deux dernières semaines. Pour la Capeb, il serait plus logique de comparer à compter du 15 mars 2019.

 

Pour rappel, cette aide cible les entreprises réalisant moins de 1 million d'euros de chiffre d'affaires, et dont le bénéfice annuel imposable est inférieur à 60.000 euros. Le fonds ciblera uniquement les sociétés créées avant février 2020.

 

Un fonds "nettement insuffisant"

 

Le Syndicat des indépendants (SDI) tire de son côté la sonnette d'alarme dans un communiqué de presse daté du 25 mars 2020. Pour l'organisation, le fonds va être "nettement insuffisant à couvrir l'intégralité des situations concrètes vécues par les milliers de professionnels". Plutôt qu'une condition de 70% de baisse de CA, le SDI souhaiterait 50% "en raison d'une activité normale sur un demi-mois". Reste aussi à pouvoir justifier d'une baisse de chiffre d'affaires, avec des justificatifs "bien souvent impossibles à apporter". Pour éviter que ces dépenses pèsent trop sur le budget de l'État, l'organisation en appelle aussi à une mise à contribution des assureurs à hauteur de 1 milliard d'euros (plutôt que les 200 millions d'euros d'abondement annoncé). "Une telle mesure doit rapidement être mise en œuvre afin d'éviter des situations entrepreneuriales et familiales dramatiques avec les effets dominos en chaîne en cas de cessation d'activité", peut-on lire dans le communiqué de presse.

 

Du côté de Bercy, on insiste sur le fait que dans des activités de service, telles que le bâtiment, l'activité n'a pas été stoppée du jour au lendemain comme cela a été le cas dans certains commerces. Toutefois, il y a fort à parier au vu du probable rallongement du confinement que de plus nombreuses entreprises seront éligibles au fonds en avril.

 

La question épineuse des reports de loyers

 

Le report des loyers, durant la crise, a été annoncé par le président de la République. Mais, si les gros bailleurs institutionnels devraient jouer le jeu, ce n'est pas toujours le cas des bailleurs privés. Dans ce cas, si l'indépendant a tout essayé pour obtenir ce report, sans succès, ou si son bailleur ne donne pas signe de vie, le mieux est de se tourner vers le médiateur des entreprises, accessible ici. La difficulté majeure étant que le bailleur privé peut lui aussi être en situation précaire et avoir besoin de son loyer...

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