NUCLÉAIRE. Face aux déboires rencontrés par EDF dans la construction du réacteur de nouvelle génération à Flamanville, le gouvernement souhaite dissocier la fermeture toujours repoussée de Fessenheim, doyenne des centrales françaises. Un fonds de compensation sera mis en place dès 2019 pour les communes impactées par l'arrêt de l'exploitation de cette installation.
Pour François de Rugy, récent ministre d'Etat à la Transition écologique et solidaire, l'impératif est clair : le mix électrique français doit être diversifié en réduisant la part du nucléaire et en le faisant descendre le plus rapidement possible vers 50 %. La prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie fixera la trajectoire en deux étapes, jusqu'en 2023 d'abord, puis à l'horizon de 2028 ensuite. Jusqu'à présent, EDF conditionnait la fermeture des deux anciens réacteurs de Fessenheim (Haut-Rhin) à l'entrée en service du réacteur de nouvelle génération EPR de Flamanville (Manche). Mais ce blocage pourrait être en passe de sauter.
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Ce jeudi 4 octobre 2018, le ministre a déclaré : "Aujourd'hui, on est obligé d'envisager de ne pas faire les deux opérations en même temps, car tout simplement, nous n'avons pas de date. EDF n'est pas capable de nous donner une date et l'Autorité de sûreté nucléaire non plus". En effet, le gendarme de l'atome a récemment publié une note portant sur les anomalies de soudures des tuyauteries principales d'évacuation de la vapeur du réacteur EPR qui s'intitule : "Un travail technique important reste à faire". Le document note que le maintien en l'état de certains points, dont huit au niveau de l'enceinte de confinement, nécessitait davantage d'études de la part de l'électricien national. L'ASN recommande "la réalisation d'un programme conséquent d'essais visant à mieux caractériser les propriétés mécaniques des soudures". Et comme il n'est pas certain que cette démarche aboutisse à un feu vert, l'autorité engage EDF à lancer sans attendre des actions préalables à la réparation de ces soudures. Un peu plus loin, l'autorité critique "une défaillance de la surveillance réalisée par EDF sur certaines activités du chantier" et demande à l'énergéticien "d'étendre la revue de la qualité des matériels installés sur ce réacteur". Malgré tout, l'électricien national indique que le calendrier des opérations sur l'EPR restait inchangé, avec le chargement du combustible à la fin de 2019 et une mise en service "courant 2020".
Trop tard pour le gouvernement qui, de son côté, annonce que l'arrêt de la centrale de Fessenheim interviendra à la fin de 2019. Le comité de pilotage pour l'avenir du territoire prépare activement la reconversion du territoire sous la houlette de Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès de François de Rugy, s'est réuni ce 4 octobre 2018. Car le site emploie aujourd'hui plus de 800 personnes, ainsi que 350 salariés de prestataires, et la réduction annoncée des effectifs prévoit que seule une soixantaine de postes sera conservée au-delà de 2024. Parmi différentes mesures d'accompagnement, figurent la création d'un dispositif d'intervention territoriale de l'Etat qui sera doté de 10 M€ en 2019 et qui viendra en complément de ceux déjà existants. Il aidera les collectivités impactées par la fin de l'exploitation de la centrale nucléaire en "maintenant les ressources fiscales de l'intercommunalité de Fessenheim au moins jusqu'en 2023". Au-delà de cette date, le montant de cette compensation ira en décroissant pour s'arrêter au bout de 10 ans. En tout, 30 M€ auront alors été investis sur le territoire. Ce dispositif d'aide devrait être mis en place pour d'autres centrales EDF - thermiques celles-là - qui doivent fermer d'ici à la fin de 2022 au Havre (Seine-Maritime), à Saint-Avold (Moselle), Cordemais (Loire-Atlantique) et Gardanne (Bouches-du-Rhône).
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Quid des autres fermetures de réacteurs nucléaires ? Car d'autres centrales françaises vont peu à peu arriver au bout de leur période d'exploitation et la barre des 50 % doit bien être atteinte d'une façon ou d'une autre. RTE, le transporteur d'électricité, prévoit que six unités pourraient être éteintes entre 2024 et 2028. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'établissement en charge des questions les plus techniques, travaillerait d'ailleurs à l'établissement de critères de fermeture pour les différents établissements. Afin de limiter le coût social, les extinctions de tranches pourraient concerner un grand nombre de centrales différentes, conduisant à n'en fermer totalement aucune. Deux réacteurs sur quatre des plus anciennes centrales pourraient ainsi être maintenus en fonctionnement à Bugey (Ain), Dampierre (Loiret) ou Tricastin (Drôme). Cependant, EDF, peu enclin à stopper ses installations, viserait plutôt des fermetures échelonnées entre 2029 et 2035… Le temps de mettre en chantier six autres EPR, comme préconisé par un rapport révélé au moment de la démission de Nicolas Hulot ?