Avec cette opération de rénovation d'envergure, le Xe arrondissement de Paris retrouve un bâtiment qui a toujours marqué son histoire. Les nouvelles menuiseries en lamellé-collé témoignent encore du riche passé de ce lieu.
Ce bâtiment a échappé belle ! Plusieurs fois voué à la démolition et soumis aux désirs voraces des investisseurs privés, il doit sa réhabilitation à la ténacité des associations du quartier qui ont fait pression pour sa conservation. Restait à en trouver une destination et un projet qui puissent harmoniser plus de quatre siècles d'histoire.
Un bâtiment vieux de quatre siècles
Construit vers 1605 par Henri IV pour abriter un couvent de moines capucins de l'ordre de Saint-François (en témoignent la façade sur la gare de l'Est et les deux faces du cloître), il devient hospice vers la fin du XVIIIe, puis hôpital militaire vers 1860. En 1926, la construction de l'avenue de Verdun, devenue rue du faubourg Saint-Martin, ampute le bâtiment de sa moitié. De 1973 à 1990, le bâtiment abrita l'école d'architecture de Paris Villemin qui déménagera aux Beaux-Arts en raison de la vétusté des lieux. Laissé à l'abandon, le bâtiment se retrouve, pour deux ans, squatté par un collectif d'artistes, "les anges des Récollets", qui inventeront une nouvelle décoration intérieure faite de tags colorés. L'incendie de décembre 1992 fait fermer définitivement le lieu qui devient une véritable forteresse vide, gardée jour et nuit, menaçant ruine. Pendant 8 années, l'eau aura raison des charpentes vieilles de 4 siècles, des vieilles pierres emprisonnées derrière les crépis et des planchers en chêne.
À partir de l'an 2000, l'état décide de transformer ce bâtiment en petite villa Médicis (à Rome) en choisissant d'implanter là un centre international d'accueil à vocation culturelle et associative. Artistes, intellectuels, chercheurs et universitaires seront reçus dans l'un des 85 logements et ateliers (de 30 à 150 m2) prévus à cet effet pour une durée allant de 2 mois à 2 ans. La Régie Immobilière de la Ville de Paris (RIVP) prend en charge la maîtrise d'ouvrage sous le patronage des Architectes des Bâtiments de France.
De multiples strates historiques
Au milieu d'un cloître, entre un jardin et une place urbaine, avec chapelle, bibliothèque et crypte, le bâtiment, sans être une architecture majeure, n'en demeure pas moins "un témoignage d'une architecture mineure faite de plusieurs époques", explique Bernard Reichen de l'agence Reichen et Robert. À tel point que de ce constat est né un parti architectural : laisser apparaître les différentes strates historiques jusqu'à conserver en l'état certains tags (pour la petite histoire, un graffito de Toroni, l'artiste italien, a même été déplacé avec l'objectif d'être conservé). Ainsi le bâtiment est entièrement réhabilité, seules quelques menuiseries remarquables, au nombre de 6, sont simplement restaurées (3 datant de l'origine et 3 autres datant d'un ancien remplacement devenu aujourd'hui historique). "Pratiquement, explique Daniel Font, conducteur de travaux, 300 fenêtres sont remplacées pour reconstituer le clos du bâtiment. En une dizaine de types de fenêtre, l'ensemble du bâtiment retrouve son visage initial : côté jardin, une façade XVIIIe siècle avec ses petits carreaux et ses baies cintrées ; côté gare de l'Est, une façade XVIIe siècle avec ses percements épars, plus petits, incluant aussi les petits carreaux."
300 menuiseries en lamellé-collé de Méranti
Les nouvelles menuiseries répondent aux contraintes modernes en matière d'aération, d'acoustique et de thermique. Même si l'Architecte des Bâtiments de France prescrit un retour à l'origine, les fenêtres neuves sont tout de même à recouvrement (et non plus à mouton et gueule de loup), à double-vitrage (sécurit, pare-flamme et thermique), en applique intérieure (au lieu d'une prise en feuillure), en lamellé-collé (et non en bois massif). "Le lamellé-collé est l'avenir de la menuiserie, souligne le menuisier Alain Daubigney.Avec ce matériau stable, nous évitons les inconvénients des fenêtres massives tout en ayant un souci de rentabilité industrielle. Nous avons retenu le Méranti (essence asiatique) pour ses charges en Silice qui le rendent plus stable au feu. Nous lui appliquons ensuite une couche d'impression et deux couches de lasure. Ce type de revêtement offre le mérite de ne plus s'écailler mais de simplement s'user progressivement. Dans 10 ans, les peintures seront à refaire sans être passées par une étape de pelage qui fragilise fortement le bois."
Des fenêtres hautes de 5 mètres
Autre avantage du lamellé-collé : il épouse parfaitement les contraintes ponctuelles à partir d'un même modèle de fenêtre. Ainsi, certaines fenêtres, hautes de plus de 5 mètres, intègrent aujourd'hui un plancher en leur milieu à la suite du découpage intérieur. Ici, une seule fenêtre intègre dorénavant des impostes intermédiaires cachant les nez de plancher et des allèges vitrées avec du verre sécurit pour assurer la fonction de garde-corps. Le dessin d'origine de la menuiserie se trouve respecté en incluant les évolutions modernes.
Grâce aux capacités techniques des vitrages, les baies, qui avaient reçu des barreaux au cours du temps, retrouvent leur expression d'origine sans protection apparente. Le seul endroit où les barreaux ont été conservés est la partie sud, en pignon sur rue, afin de lui conserver son caractère. Finalement, à l'oeil, quel que soit l'angle de vue, les façades retrouvent une unité qu'elles n'ont certainement jamais eue. L'ambiance entre le neuf et l'usé, le patiné et le poli forme un contraste qui permet de lire aisément les différentes strates historiques.
Emmanuel Vicarini
Des mezzanines en kerto de 40 mm
Pour découper les logements, les architectes ont prévu un aménagement de plain-pied avec la salle à manger, la cuisine et la salle de bains. Pour la chambre et le bureau, ils ont conçu des mezzanines en kerto. L'utilisation de ce matériau offre plusieurs avantages. Premièrement, il est autoporteur, ce qui permet de ne pas épaissir le plancher en ajoutant des solives. Les architectes ont eu l'idée de suspendre le plancher au plafond par une structure métallique. Ce dispositif élimine toute trace de poteau porteur au sol. Avantage non négligeable lorsqu'on sait que, dans les logements, les poteaux porteurs du bâtiment sont conservés. Au rez-de-chaussée, on évite la forêt de poteaux et on gagne de la place. La finesse des dalles de kerto permet, enfin, d'avoir une hauteur suffisante en mezzanine. Dernier avantage, le kerto, simplement verni, ajoute un nouveau type de contraste entre les murs blancs et les poteaux porteurs colorés. La trace de l'intervention est clairement définie d'une manière relativement fine et abstraite.
Fiche technique
Ancien couvent des Récollets, Paris
Lieu : 24/30, rue des Récollets, 75010 Paris
Maîtrise d'ouvrage : Etat, RIVP, Le Richemont
Maîtrise d'oeuvre : Reichen et Robert ; F. Vincendon avec M. Humblet
Programme : 85 logements et ateliers de 30 à 150 m2 sur 4 niveaux ; locaux associatifs
Calendrier : ouverture, 09/01 ; réception, 03/03
Coût : construction, 9,15 ME HT ; menuiserie, 0,35 ME HT
Entreprises : entreprise générale : Bouygues Bâtiment ; menuisier : Daubigney SA ; charpente : Freyssinet
Un bâtiment vieux de quatre siècles
Construit vers 1605 par Henri IV pour abriter un couvent de moines capucins de l'ordre de Saint-François (en témoignent la façade sur la gare de l'Est et les deux faces du cloître), il devient hospice vers la fin du XVIIIe, puis hôpital militaire vers 1860. En 1926, la construction de l'avenue de Verdun, devenue rue du faubourg Saint-Martin, ampute le bâtiment de sa moitié. De 1973 à 1990, le bâtiment abrita l'école d'architecture de Paris Villemin qui déménagera aux Beaux-Arts en raison de la vétusté des lieux. Laissé à l'abandon, le bâtiment se retrouve, pour deux ans, squatté par un collectif d'artistes, "les anges des Récollets", qui inventeront une nouvelle décoration intérieure faite de tags colorés. L'incendie de décembre 1992 fait fermer définitivement le lieu qui devient une véritable forteresse vide, gardée jour et nuit, menaçant ruine. Pendant 8 années, l'eau aura raison des charpentes vieilles de 4 siècles, des vieilles pierres emprisonnées derrière les crépis et des planchers en chêne.
À partir de l'an 2000, l'état décide de transformer ce bâtiment en petite villa Médicis (à Rome) en choisissant d'implanter là un centre international d'accueil à vocation culturelle et associative. Artistes, intellectuels, chercheurs et universitaires seront reçus dans l'un des 85 logements et ateliers (de 30 à 150 m2) prévus à cet effet pour une durée allant de 2 mois à 2 ans. La Régie Immobilière de la Ville de Paris (RIVP) prend en charge la maîtrise d'ouvrage sous le patronage des Architectes des Bâtiments de France.
De multiples strates historiques
Au milieu d'un cloître, entre un jardin et une place urbaine, avec chapelle, bibliothèque et crypte, le bâtiment, sans être une architecture majeure, n'en demeure pas moins "un témoignage d'une architecture mineure faite de plusieurs époques", explique Bernard Reichen de l'agence Reichen et Robert. À tel point que de ce constat est né un parti architectural : laisser apparaître les différentes strates historiques jusqu'à conserver en l'état certains tags (pour la petite histoire, un graffito de Toroni, l'artiste italien, a même été déplacé avec l'objectif d'être conservé). Ainsi le bâtiment est entièrement réhabilité, seules quelques menuiseries remarquables, au nombre de 6, sont simplement restaurées (3 datant de l'origine et 3 autres datant d'un ancien remplacement devenu aujourd'hui historique). "Pratiquement, explique Daniel Font, conducteur de travaux, 300 fenêtres sont remplacées pour reconstituer le clos du bâtiment. En une dizaine de types de fenêtre, l'ensemble du bâtiment retrouve son visage initial : côté jardin, une façade XVIIIe siècle avec ses petits carreaux et ses baies cintrées ; côté gare de l'Est, une façade XVIIe siècle avec ses percements épars, plus petits, incluant aussi les petits carreaux."
300 menuiseries en lamellé-collé de Méranti
Les nouvelles menuiseries répondent aux contraintes modernes en matière d'aération, d'acoustique et de thermique. Même si l'Architecte des Bâtiments de France prescrit un retour à l'origine, les fenêtres neuves sont tout de même à recouvrement (et non plus à mouton et gueule de loup), à double-vitrage (sécurit, pare-flamme et thermique), en applique intérieure (au lieu d'une prise en feuillure), en lamellé-collé (et non en bois massif). "Le lamellé-collé est l'avenir de la menuiserie, souligne le menuisier Alain Daubigney.Avec ce matériau stable, nous évitons les inconvénients des fenêtres massives tout en ayant un souci de rentabilité industrielle. Nous avons retenu le Méranti (essence asiatique) pour ses charges en Silice qui le rendent plus stable au feu. Nous lui appliquons ensuite une couche d'impression et deux couches de lasure. Ce type de revêtement offre le mérite de ne plus s'écailler mais de simplement s'user progressivement. Dans 10 ans, les peintures seront à refaire sans être passées par une étape de pelage qui fragilise fortement le bois."
Des fenêtres hautes de 5 mètres
Autre avantage du lamellé-collé : il épouse parfaitement les contraintes ponctuelles à partir d'un même modèle de fenêtre. Ainsi, certaines fenêtres, hautes de plus de 5 mètres, intègrent aujourd'hui un plancher en leur milieu à la suite du découpage intérieur. Ici, une seule fenêtre intègre dorénavant des impostes intermédiaires cachant les nez de plancher et des allèges vitrées avec du verre sécurit pour assurer la fonction de garde-corps. Le dessin d'origine de la menuiserie se trouve respecté en incluant les évolutions modernes.
Grâce aux capacités techniques des vitrages, les baies, qui avaient reçu des barreaux au cours du temps, retrouvent leur expression d'origine sans protection apparente. Le seul endroit où les barreaux ont été conservés est la partie sud, en pignon sur rue, afin de lui conserver son caractère. Finalement, à l'oeil, quel que soit l'angle de vue, les façades retrouvent une unité qu'elles n'ont certainement jamais eue. L'ambiance entre le neuf et l'usé, le patiné et le poli forme un contraste qui permet de lire aisément les différentes strates historiques.
Emmanuel Vicarini
Des mezzanines en kerto de 40 mm
Pour découper les logements, les architectes ont prévu un aménagement de plain-pied avec la salle à manger, la cuisine et la salle de bains. Pour la chambre et le bureau, ils ont conçu des mezzanines en kerto. L'utilisation de ce matériau offre plusieurs avantages. Premièrement, il est autoporteur, ce qui permet de ne pas épaissir le plancher en ajoutant des solives. Les architectes ont eu l'idée de suspendre le plancher au plafond par une structure métallique. Ce dispositif élimine toute trace de poteau porteur au sol. Avantage non négligeable lorsqu'on sait que, dans les logements, les poteaux porteurs du bâtiment sont conservés. Au rez-de-chaussée, on évite la forêt de poteaux et on gagne de la place. La finesse des dalles de kerto permet, enfin, d'avoir une hauteur suffisante en mezzanine. Dernier avantage, le kerto, simplement verni, ajoute un nouveau type de contraste entre les murs blancs et les poteaux porteurs colorés. La trace de l'intervention est clairement définie d'une manière relativement fine et abstraite.
Fiche technique
Ancien couvent des Récollets, Paris
Lieu : 24/30, rue des Récollets, 75010 Paris
Maîtrise d'ouvrage : Etat, RIVP, Le Richemont
Maîtrise d'oeuvre : Reichen et Robert ; F. Vincendon avec M. Humblet
Programme : 85 logements et ateliers de 30 à 150 m2 sur 4 niveaux ; locaux associatifs
Calendrier : ouverture, 09/01 ; réception, 03/03
Coût : construction, 9,15 ME HT ; menuiserie, 0,35 ME HT
Entreprises : entreprise générale : Bouygues Bâtiment ; menuisier : Daubigney SA ; charpente : Freyssinet