Le moteur de calcul de la RT2012 ne donnant pas entière satisfaction, certains experts proposent de créer un label intégrant les émissions de CO2 et d'autres aspects environnementaux depuis la construction d'un bâtiment comme lors de son usage. L'association EdEn a organisé un atelier-débat autour de cette thématique, rassemblant notamment deux sénateurs membres de l'OPECST.
Jean Bergougnoux, président de l'association Equilibre des Energies (EdEn) s'étonne que la dernière réglementation thermique ne fasse aucune référence aux émissions de gaz carbonique dans ses critères alors que l'objectif prioritaire, rappelé par François Hollande en septembre 2013, est bien de réduire d'un tiers la consommation de combustibles d'ici à 2030.
Electricité et gaz naturel sur un pied d'égalité
Une caractéristique qui interpelle de nombreux spécialistes dont Marcel Deneux, sénateur de la Somme et président de l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) : "L'intégration du critère CO2 permettrait de renouer avec l'objectif essentiel de réduction des émissions mais aussi avec le principe de neutralité technique vis-à-vis des différentes énergies. La meilleure doit rencontrer le succès. Or il existe un biais technologique et une différence de traitement entre l'électricité et le gaz". Véhément, le sénateur, qui s'insurge contre la démesure documentaire de la RT2012, poursuit : "Le refus de mettre en place une norme CO2 n'émane nullement d'une réglementation européenne, contrairement à ce que prétend le gouvernement". Le président de l'OPECST estime que cette norme d'émission ne devrait pas juste être un coefficient pondéré parmi d'autres mais qu'elle devrait jouer un rôle prépondérant d'équilibrage entre les énergies primaires.
Son collègue de l'Office parlementaire, le sénateur de l'Orne, Jean-Claude Lenoir, soutient également cette idée et voit dans ce nouveau label, plus équilibré entre l'électricité et le gaz, une prime à l'innovation. "Aller vers le BBC était une priorité. La France a choisi la voie d'une norme extrêmement sévère avec une consommation de 50 kWh/m²/an. Mais le rapport Bataille-Birraux préconise un renforcement des contraintes pour le gaz", précise-t-il. "Il ne s'agit pas de contester l'importance du gaz en France, qui dessert aujourd'hui 11 millions de clients. Car il présente par exemple l'avantage de se stocker et que l'on peut contrôler l'origine des approvisionnements. Mais l'électricité possède d'autres avantages : c'est elle qui alimente les pompes à chaleur notamment", déclare le sénateur de l'Orne. Egalement membre de l'OPECST, il estime important de pousser tout l'appareil technologique français vers des solutions avancées et de se mobiliser pour l'innovation. "Il faut que la concurrence ne soit pas faussée", plaide-t-il.
Quelle méthode de calcul adopter ?
Philippe Haim, de l'Association française du gaz, révèle que la filière n'est pas opposée à la mise en place d'un critère CO2. Mais il insiste sur la méthodologie à employer afin de calculer les émissions. "Les méthodes moyennes ne sont pas adaptées pour éclairer un choix d'avenir", déplore-t-il, défendant plutôt l'idée d'approche "marginale", multicritères, permettant de mettre au point une réglementation thermique encore plus environnementale. Pour lui, le sujet des consommations mobilières d'énergie n'est pas suffisamment évoqué, alors que ce poste est au premier plan dans le logement, dépassant aujourd'hui les cinq usages réglementaires. Philippe Haim souligne également l'importance du comportement des usagers, susceptible d'avoir un impact extrêmement important. Enfin, il insiste sur une vérité reconnue : "L'enjeu de réduction des émissions de CO2 n'est pas sur la construction neuve mais bien sur la rénovation du parc existant".
Serge Lepeltier, qui a été ministre de l'Environnement entre 2004 et 2005, rappelle, pour sa part, qu'un label n'était pas une norme, et qu'il ne revêtait aucun caractère obligatoire. "Il s'agit d'un moyen d'avancer mais qui reste marginal", soutient-il. "Les normes doivent pousser vers l'équilibre dans le respect du mix énergétique, or l'équilibre électricité-gaz n'est pas respecté", conclut l'ancien ministre. Marcel Deneux, le sénateur de la Somme, pense qu'une mesure de la performance globale mettrait mieux en valeur le pilotage des consommations qu'un label. Une solution qu'il n'entrevoit qu'à moyen terme.
Le sénateur Lenoir formule deux propositions de modulation. La première enrichirait le "coefficient d'adaptation climatique" d'une notion de la réalité d'accès à la ressource gaz, pour les communes non raccordées au réseau de distribution notamment. Cette souplesse accrue du plafond en énergie primaire atténuerait le surcoût subi dans un marché moins concurrentiel et inciterait le gazier à étendre son réseau.
La seconde concerne la prise en compte de l'investissement dans un système de gestion des pointes de consommation électrique. Une prime serait alors accordée aux chauffages d'appoint bois, gaz ou aux systèmes électriques pilotés permettant d'alléger la demande lors des périodes de pointe.
Il s'agirait d'une incitation au développement de stockages locaux d'énergie de type batterie ou pile à combustible et à l'instauration d'offres incitant à l'effacement journalier. La modulation entraînerait une baisse des prix de ces solutions pour l'heure encore chères.