La société Eurovia, spécialiste des routes et filiale de Vinci, a été reconnue coupable de «faute inexcusable» à l'issue du procès qui l'opposait à la famille d'un ouvrier décédé d'un cancer de la peau. Il s'agit d'une première en France.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Bourg-en-Bresse «a pu trouver que la conjonction de projections, voire d'inhalations, du bitume avec les UV favorisait, soit le risque né des UV, soit le risque né du bitume». La société Eurovia, filiale spécialiste des routes du groupe Vinci, a donc été reconnue coupable de «faute inexcusable» dans le procès qui l'opposait à la famille de José-Fransisco Serrano Andrade, l'ouvrier décédé en 2008 suite à un cancer de la peau qui s'était déclaré sur le visage.
«C'est un soulagement que quelqu'un les oblige à reconnaître leur responsabilité», a déclaré Luis Andrad, le fils de la victime. Si seule la décision d'une cour de cassation pourrait faire jurisprudence, le tribunal a cependant souligné que ce jugement «propose un début de jurisprudence car ce dossier ne peut s'arrêter à un tribunal de premier degré». L'avocat de la famille a invité les pouvoirs publics à «s'emparer immédiatement de ce dossier comme ils l'ont fait pour l'amiante».
La société Eurovia a d'ores et déjà annoncé qu'elle faisait appel. La Fédération nationale des Salariés de la Construction - Bois - Ameublement CGT, qui s'est félicitée du jugement du TASS, a indiqué, suite à la déclaration d'Eurovia qu'elle se constituerait partie intervenante volontaire «afin de faire valoir ce que dit à juste titre la famille de la victime : ce combat est celui de tous les salariés de la profession».
Les avis scientifiques à l'appui dans les deux camps
L'Union des syndicats de l'industrie routière française (Usirf) a, quant à elle, fait part de sa «totale incompréhension», et «dénonce les contre-vérités exprimées sur la santé et la sécurité des travailleurs de la route depuis quelques semaines». Le syndicat argue, entre autres, que «le Centre national de recherche sur le Cancer (Circ), plus haute autorité mondiale compétente en la matière, agence de l'OMS, a conclu en 2009 que l'exposition aux fumées de bitume (par inhalation ou par voie cutanée) ne provoque pas de cancer». Mais les chercheurs de l'INRS rapportent que «ces bitumes, résidus de distillation du pétrole, contiennent des substances toxiques, en particulier des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dont certains sont cancérogènes». Toujours selon l'INRS, la co-exposition aux fumées de bitumes et aux ultraviolets, ainsi que la projection sur la peau de certains bitumes, peuvent provoquer des brûlures toxiques.