L'architecte qui dépose une demande de permis de construire n'est ni en charge du diagnostic de pollution, ni tenu d'un devoir de conseil envers son mandant, selon un arrêt de la Cour de cassation en date du 31 janvier 2013. Explications avec Ganaëlle Soussens, avocat au Barreau de Paris.
En 1994, une société d'HLM fait l'acquisition d'une parcelle de terrain qui abritait antérieurement une fonderie constituant une installation classée pour la protection de l'environnement (I.C.P.E.). Avant même d'acquérir ce terrain, la société d'HLM avait missionné des architectes afin qu'ils déposent les demandes de permis de démolir et de permis de construire. En 1997, la démolition des fondations de la fonderie met au jour la présence de plusieurs réservoirs d'hydrocarbures enterrés et non dégazés, à l'origine d'une pollution localisée du sol. Le coût de la dépollution s'est élevé à plus d'1,5 million d'euros.
Qui est responsable ?
N'entendant pas supporter ce coût, la société d'HLM a recherché la responsabilité de ses interlocuteurs, dont les maîtres d'œuvre. Elle leur reprochait d'avoir manqué à leur « devoir général de conseil » qui aurait dû les conduire à attirer l'attention de la société d'HLM sur le risque qu'elle prenait en faisant l'acquisition de ce terrain sans investigation spécifique préalable.
La Cour d'appel de Paris a suivi le raisonnement de la société d'HLM et condamné les maîtres d'œuvre, solidairement avec le vendeur du terrain, à indemniser la société d'HLM à hauteur du coût de la dépollution du terrain.
L'architecte mis hors de cause
La Cour de cassation censure radicalement cette décision en indiquant « qu'il n'appartient pas à l'architecte chargé d'une mission relative à l'obtention des permis de démolir et de construire de réaliser des travaux de reconnaissance des sols pour effectuer un diagnostic de la pollution éventuelle ni d'attirer l'attention de l'acquéreur sur le risque d'acquérir le bien sans procéder à de telles investigations ».
Il n'est pas réellement surprenant de voir la Cour rappeler que l'architecte n'est pas de facto chargé du diagnostic de pollution. Il est en revanche, plus remarquable, que la Cour n'ait retenu, comme suggéré par la société d'HLM, que les architectes ont manqué à leur « devoir de conseil » en n'alertant pas l'acquéreur sur l'imprudence qu'il commettait en achetant ce terrain sans vérifier l'état du sol et/ou le démantèlement de l'I.C.P.E.
Le cas d'un particulier
Pour autant, il paraît audacieux d'en déduire que l'architecte est, dans tous les cas, dispensé de dispenser quelque conseil que ce soit. En effet, dans cette affaire la société d'HLM est un professionnel de l'immobilier, techniquement compétent et à même d'appréhender seul le risque pris. Si l'acquéreur - maître d'ouvrage avait été un particulier, la Cour de cassation aurait peut être tranché différemment le litige.
Il convient donc de demeurer vigilant sur l'accomplissement de ce fameux « devoir de conseil » et surtout, de se ménager la preuve des conseils donnés…