Le promoteur Colonial, figure de l'âge d'or révolu de l'immobilier espagnol, était mercredi dans l'oeil du cyclone: action en capilotade et suspendue, patron démissionnaire et vente d'actifs à tour de bras alimentaient les doutes sur sa situation.

Avec des actifs estimés à plus de 13 milliards d'euros, principalement dans des immeubles de bureaux, dont une partie en France via sa filiale SFL, Colonial est un important acteur de l'immobilier européen, un secteur où les espagnols, portés par le boom de la construction dans leur pays, ont été voraces et flamboyants ces dernières années.

Mais maintenant, avec son importante dette de 8,9 milliards d'euros, avec le ralentissement du secteur en Espagne et la crise financière, Colonial inquiète et a été forcé de rassurer les marchés mercredi.

Lors des deux dernières journées de cotation à la Bourse de Madrid, l'action a perdu 16% jeudi et 25% vendredi. Mercredi, pour la première journée boursière de 2008, l'autorité espagnole des marchés (CNMV) a suspendu sine die la cotation.

Car les nouvelles inquiétantes se sont accumulées au cours du pont du nouvel an. L'emblématique patron du groupe, Luis Portillo, qui est aussi le premier actionnaire avec 40,64% du capital, a annoncé qu'il quittait le navire, suivi par plusieurs membres du conseil d'administration. «Le départ de Portillo est une solution à court-terme pour calmer les investisseurs», selon la banque portugaise Espirito Santo.

M. Portillo, qui chercherait aussi à vendre ses actions Colonial selon la presse (la CNMV lui a demandé des éclaircissements sur ses parts), illustre parfaitement l'audace des conquistadors du béton espagnol de ces dernières années, passant très rapidement du statut de petit patron à celui de magnat. Ainsi, à la tête d'Inmocaral, il a lancé en 2006 une OPA sur le vénérable promoteur Colonial, avec un chiffre d'affaires 178 fois plus petit que celui de sa cible.

Après le départ de Portillo, le groupe a aussi annoncé deux cessions d'actifs, coup sur coup, lundi et mardi, pour un total de 308 millions d'euros. Mercredi, la presse s'interrogeait sur la situation de Colonial. Expansion affirmait qu'il avait un besoin urgent de récupérer des liquidités pour ne pas être asphyxié par sa dette, qui représente plus de 66% de ses actifs. Le groupe a réagi en tentant de rassurer les marchés. «La compagnie a atteint ses prévisions pour 2007, en conséquence, elle suit le cours de ses projets, sans besoin d'adopter des mesures extraordinaires», selon un communiqué transmis par la CNMV.

De plus, les ventes d'actifs de lundi et mardi «correspondent à l'activité habituelle de rotation des actifs de Colonial», affirme le groupe. Enfin, il a déclaré qu'il allait baisser sa part dans SFL de plus de 84% à moins de 60% pour respecter la législation sur les sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC), et qu'il n'avait pris aucune décision sur une éventuelle vente de la part de 15% dans le groupe d'infrastructures FCC, annoncée par la presse.

Pour un analyste espagnol, s'il est vrai que Colonial dispose «d'actifs de grande valeur», son profil s'est détérioré, notamment parce que ses revenus principaux ne «couvrent pas les intérêts de la dette», et parce qu'il va devoir céder des actifs, comme une partie de SFL, et que la situation sur le marché n'est pas favorable au vendeur.

Avant même la crise financière de cet été, restreignant les financements, l'immobilier espagnol était un secteur sensible, comme l'a démontré le «coup de bambou» du 24 avril, quand les difficultés d'un promoteur de deuxième ordre, Astroc, avait plombé toutes les valeurs de la pierre à la Bourse de Madrid.

Mais, mercredi en milieu d'après-midi sur le parquet madrilène, les autres valeurs immobilières ne semblaient pas être affectées par l'effet Colonial.

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