EDF et Areva ne se dépêtrent pas des soucis techniques du futur réacteur nucléaire de nouvelle génération. Les partenaires ont annoncé que les défauts rencontrés sur le couvercle et le fond de cuve étaient plus étendus qu'initialement estimé et que le programme d'essais serait adapté en conséquence. Ils maintiennent cependant le calendrier prévoyant le démarrage du réacteur à la fin de 2018.
EDF annonçait victorieusement avoir atteint un premier jalon-clé dans le chantier de l'EPR de Flamanville à la fin du mois de mars 2016. Mais, une quinzaine de jours plus tard, l'électricien national et son partenaire d'infortune Areva, apportent des précisions sur le programme d'essai demandé par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) afin de s'assurer de la qualité mécanique de la cuve dont la production a connu des soucis. Dans un communiqué commun, ils déclarent : "Les premières analyses effectuées sur deux pièces analogues à celles de Flamanville 3 ont montré, sur l'une d'entre elles, une extension du phénomène de ségrégation carbone au-delà de la mi-épaisseur". En clair : la qualité mécanique de la calotte et du fond de cuve pourrait poser problème car les concentrations élevées de carbone détectées dans le métal (0,3 % au lieu de 0,22 % de valeur cible) sont plus profondes qu'attendu…
Tout est sous contrôle, selon EDF et Areva
"Comme prévu dans la démarche initiale validée par l'ASN, les prélèvements de matière et les essais associés seront étendus aux trois-quarts de l'épaisseur de la pièce concernée", poursuivent EDF et Areva. Ils proposent également d'étendre ce programme d'essais à une troisième pièce sacrificielle "pour renforcer la robustesse de la démonstration". Une demande d'ores et déjà acceptée par l'ASN. Le nombre d'éprouvettes (les parties d'échantillon) à analyser va donc être multiplié par deux. Au total, ce sont 1.200 échantillons de matière qui seront prélevés sur les trois pièces de forge, semblables (ou au moins équivalentes) à celles déjà installées au cœur de la centrale nucléaire. Le programme d'essais va donc se poursuivre jusqu'à la fin de l'année 2016, moment où sera produit un rapport définitif.
Déjà, en avril 2015, au moment où les premiers défauts avaient été constatés, le président de l'ASN parlait "d'anomalie sérieuse, voire très sérieuse, qui touche un composant crucial". L'autorité de sureté souhaitait alors pouvoir se forger "une conviction très forte" sur la capacité de l'installation à garantir un niveau de sécurité requis. De leurs côté, les équipes d'EDF et d'Areva assuraient se mobiliser pour "apporter à l'ASN toutes les informations permettant de démontrer la sûreté et la qualité des équipements concernés". Les essais réalisés depuis démontrent donc le contraire et viennent un peu plus semer le doute sur la viabilité du projet EPR. Ce dernier, dont le coût a explosé, dépassant les 10 Mrds € (trois fois le devis initial), et dont l'entrée en service à plus de cinq ans de retard, pèse de plus en plus sur l'avenir de la filière nucléaire française. D'autant que des pièces de cuve similaires à celles de Flamanville ont été expédiées en Chine pour équiper les réacteurs Taishan 1 et 2 ouvrant la voie à un possible litige.
Démarrer l'EPR pour pouvoir arrêter Fessenheim
Pour autant, EDF et Areva demeurent imperturbables. Les travaux continuent et les partenaires "réaffirment leur confiance en leur capacité à démontrer la qualité et la sûreté de la cuve pour le démarrage du réacteur de Flamanville 3 fixé au quatrième trimestre 2018". Ils soulignent que "sur le chantier, les activités de montage et d'essais se poursuivent conformément au planning annoncé". Car l'entrée en service de l'EPR conditionne un autre événement : l'arrêt définitif de la centrale de Fessenheim dont la perte de production devra être compensée par le nouveau réacteur… La question de la sécurité et de l'exploitation des installations électronucléaires n'a donc pas fini de se poser en France. L'électricien semble toutefois prêt à relever le pari, avec un investissement annoncé de 19 Mrds € en Grande-Bretagne afin de construire deux réacteurs de nouvelle génération à Hinkley Point. Un montant jugé déraisonnable par les syndicats et par le directeur financier de l'énergéticien qui a donné sa démission au mois de mars dernier. L'avenir dira si ce combat était celui de trop pour EDF.
Ségolène Royal, qui travaille actuellement sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie, précise que la feuille de route sur le nucléaire sera publiée au plus tard le 1er juillet 2016. Elle devrait valider la baisse de la part relative de l'atome dans le mix énergétique français, qui doit passer de 75 % de l'électricité produite à 50 % dans les dix ans. Le document précisera "une fourchette du nombre de réacteurs à fermer" suivant "différents scénarios". Y compris l'impossibilité de démarrer l'EPR en toute sécurité ?