INNOVATION. Les éoliennes urbaines n'ont jamais réussi à percer pour des raisons de manque d'intégration ou de nuisances. Mais cette période est peut-être révolue grâce aux concepteurs de Wind my Roof, une éolienne de toiture (ou d'acrotère précisément) qui vient exploiter le courant d'air remontant le long des façades d'immeubles. Antoine Brichot, l'un des trois co-fondateurs, nous dit tout.
Exploiter toutes les énergies renouvelables sur un bâtiment est une martingale. Les vitrages et toitures peuvent se barder de photovoltaïque transparent ou souple. Les fondations peuvent participer à la géothermie. Mais comment exploiter le vent de façon élégante ? Trois élèves ingénieurs de l'Ecole des Ponts se sont attelés à développer une solution discrète et efficace, comme nous le raconte Antoine Brichot : "Le projet a débuté à l'école dans le cours sur les interactions structures-fluides en nous faisant travailler sur la récupération d'énergie sur un bâtiment. Des solutions existaient mais elles étaient décriées". Les petites éoliennes classiques, mal fixées, généraient parfois des fissures ou des sifflements désagréables. L'ingénieur reprend : "Nous avons développé une simulation d'écoulement du vent autour d'un bâtiment et il est apparu que l'acrotère était exploitable, car le vent remonte le long de la façade. C'est une solution simple, car le vent n'y est pas turbulent mais plutôt laminaire". Le souffle continu peut ainsi faire tourner une éolienne horizontale, posée au bord de la toiture plate.
Le co-fondateur de Wind my Roof poursuit : "Nous avons travaillé dessus pendant 1 an, puis nous avons réalisé une première maquette à échelle réduite, qui a été testée en soufflerie, afin de confirmer le modèle physique. Puis nous avons assemblé une maquette en polycarbonate et aluminium, cette fois à l'échelle 1 pour vérifier les rendements attendus". Et les résultats sont bons : en carénant un rotor type Savonius (du nom de l'ingénieur finlandais qui les inventa dans les années 1920), le rendement atteint les 20 % environ contre 10-12 % pour des petites éoliennes équivalentes. Un profil d'hélice qui a l'avantage supplémentaire d'être simple à fabriquer. L'éolienne démarre à des vitesses de vent de 3 mètres par seconde mais elle ne produit vraiment qu'à partir de 5 m/s. A partir de 7-8 m/s, sa puissance s'établit à 60 ou 70 watts, pour atteindre les 150 à 200 W lorsque le vent dépasse les 10 m/s. La productivité globale d'un module de 2 mètres de large sera comprise entre 500 et 1.000 kWh/an.
Quels matériaux choisir pour assurer robustesse, légèreté et compétitivité ?
Confortés dans leur idée, les trois compères mettent sur pied l'entreprise afin de continuer le projet, cette fois avec l'industrialisation en ligne de mire. Recherche de fournisseurs, étude des modes de fixation, impact des vibrations sur la construction, tests des matériaux, le programme est chargé. La solution n'est donc pas encore totalement figée. "On travaille sur la recyclabilité des matériaux et sur la réduction du poids", nous explique Antoine Brichot. Les 150 kilogrammes du prototype devront être ramenés à 130 kg afin que la machine soit manipulable par deux hommes. La startup est accompagnée notamment par Vinci, dans le cadre de la pépinière Léonard, pour tous les aspects business, entrepreneuriat et recherche de financements. La région Ile-de-France et BPI France soutiennent le projet et Wind my Roof a obtenu une bourse d'amorçage de 30 k€. La jeune pousse recherche néanmoins davantage de fonds auprès d'hypothétiques business angels. "Notre plan de R&D est détaillé, pour tester l'éolienne dans des conditions réelles sur un bâtiment ou dans la soufflerie climatique du CSTB à Nantes". Toute une démarche expérimentale devra être développée puisque aucune norme ne régit actuellement ce type de produit. Le but sera de lever toutes les inquiétudes sur la tolérance des machines aux contraintes, même en conditions de vent extrême, tout en étudiant le bruit et les vibrations générées.
à lire aussi
Quels seront les bâtiments ciblés prioritairement ? "Le tertiaire, le retail, les plateformes logistiques et les bâtiments publics", répond le co-fondateur. "C'est la forme qui est impactante : une tour étroite ne sera pas intéressante, contrairement à un bâtiment large, avec un périmètre plus important". L'inconvénient de la technologie est que la turbine, fixée à la façade, n'est pas orientable. Elle ne récupèrera les vents que sur 120° maximum, contre 360° pour une éolienne à axe vertical. D'où la recherche d'une exposition privilégiée face à des vents dominants, tels que ceux qui soufflent dans les régions côtières, dans la vallée du Rhône ou dans certaines zones du nord de la France. Antoine Bichot nous révèle : "Nous travaillons sur différents projets au niveau national, dès la phase des études d'un nouveau bâtiment, avec un horizon de déploiement de 1,5 à 2 ans, pour une bonne intégration. La collaboration avec Vinci nous ouvre des portes". L'ingénieur imagine que le passage à des matériaux composites sera envisageable, d'ici 2 à 3 ans, à condition toutefois que les résines qui rentrent dans leur formulation deviennent plus aisément recyclables. Même en métal et polycarbonate, les éoliennes pourront fleurir sur le bord des toitures, notamment celles des supermarchés dont les linéaires sont très importants, afin de collecter une énergie gratuite et décarbonée.