TRANSITION. Alors que deux chercheurs américains ont publié des articles démontrant l'impact sur climat de fermes éoliennes massives (plusieurs milliers de mâts), les spécialistes français du Syndicat des énergies renouvelables et de France énergie éolienne, sollicités par Batiactu, nous livrent leur sentiment.
Les conclusions de deux chercheurs américains de la très réputée université de Harvard, ont fait grincer des dents. Dans des articles scientifiques publiés dernièrement dans les revues Environmental Research Letter et Joule, relayés par le Harvard Gazette, ils estiment que le déploiement de dizaines voire de centaines de milliers de turbines sur un territoire feraient grimper la température de l'atmosphère environnante. A l'échelle des Etats-Unis, s'il fallait couvrir à 100 % la demande électrique par de l'éolien, la différence serait notable, avec des hausses de +0,24 °C en journée mais surtout de +1,5 °C la nuit. Mais ce postulat de départ ne convainc pas les spécialistes français de la question. Marion Lettry, déléguée générale adjointe du Syndicat des énergies renouvelables (SER), nous explique : "C'est une étude très théorique, où l'ensemble de la consommation électrique des Etats-Unis serait assurée par des éoliennes, ce qui n'arrivera jamais. Est-ce qu'ils ont comparé avec le nombre de centrales à charbon qu'il faudrait déployer pour produire la même quantité d'électricité par exemple ? Toutes les énergies ont un impact, il faut donc les comparer". Même son de cloche du côté de France Energie Eolienne (FEE), où Matthias Vandenbulcke, le directeur de la communication, nous confie : "C'est une hypothèse extrême, scientifiquement intéressante mais très éloignée de la pratique".
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Une étude qui a l'intérêt de faire parler
Les deux acteurs évoquent, sans s'être concertés, une autre étude publiée récemment dans Science, qui part d'un postulat encore plus extrême, assez proche de l'initiative Desertec - finalement abandonnée - celui de recouvrir le Sahara de panneaux solaires et d'éoliennes. Et là aussi, les effets théoriques sur l'atmosphère ont été modélisés. Matthias Vandenbulcke nous explique : "Cet article, qui imagine un mix photovoltaïque et éolien avec des chiffres délirants comme 3 millions d'éoliennes, était à la limite plus intéressant. D'autant qu'il montrait que les éoliennes avaient un effet collatéral bénéfique en ramenant de l'humidité au nord de la zone, sur la bande côtière, ce qui entraînait le retour de la végétation et de la faune". Les membres du SER et de la FEE sont donc d'accord pour reconnaître une certaine vertu à ce type d'étude purement spéculative : "Cela permet de vérifier l'impact de petites choses additionnées", fait valoir Marion Lettry qui ajoute que des études menées par le CNRS et une équipe suisse en 2014 démontrent une faible empreinte environnementale des éoliennes. Les deux experts restent donc formels : "A des échelles raisonnables, il n'y a pas ces impacts. L'énergie d'un pays ne viendra pas d'une seule source, mais d'un mix énergétique". Pour la déléguée générale adjointe du SER : "Les préoccupations sont ailleurs au moment de la publication du rapport du Giec".
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Les Français plutôt favorables au déploiement (raisonnable) des éoliennes
D'autant qu'une enquête, diligentée par FEE et réalisée par Harris Interactive, démontre que les Français sont conscients des enjeux de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et qu'ils sont largement favorables à l'essor de l'énergie éolienne. L'acceptabilité des parcs serait même supérieure chez les riverains : 73 % de la population générale a un avis plutôt positif sur l'installation de turbines, proportion qui grimpe à 80 % lorsque les personnes sondées habitent à moins de 5 km d'une installation. "L'adhésion est augmentée", commente Olivier Pérot, président de FEE. "Sur les 9 % qui étaient initialement défavorables, lors de l'annonce de l'implantation d'un parc, la moitié exactement a changé d'avis après l'entrée en service de celui-ci", assure-t-il. Le choix de l'éolien serait donc soutenu par les Français, ce qui aurait été également observé lors des débats publics de la Programmation pluriannuelle de l'énergie.