CONJONCTURE. Si les sociétés françaises sont davantage optimistes sur la croissance de leur activité, elles sont en revanche de plus en plus nombreuses à penser que la conjoncture économique ne s'améliorera pas durant le prochain semestre, d'après le dernier baromètre du Cabinet Arc. Détails.
Les entreprises françaises estiment que leur activité devrait continuer à croître, mais pour encore combien de temps ? C'est le principal enseignement du dernier baromètre du Cabinet Arc, groupe de juristes d'affaires spécialisés dans la gestion du poste client et le recouvrement de créances, mené en collaboration avec l'institut de sondage Ifop.
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L'enquête d'opinion a été réalisée entre fin août et mi-septembre auprès de 500 sociétés comptant 50 salariés et plus, et s'est penchée sur leur perception de la conjoncture économique, le financement de leur trésorerie, l'impact des retards de paiements et leurs attentes en la matière.
Il en ressort que la moitié des entreprises interrogées table sur un maintien à l'équilibre de leur activité, et que 33% prévoient même une croissance de leur chiffre d'affaires au cours du prochain semestre - elles n'étaient que 23% en 2022. Et ce, en dépit d'un climat des affaires pour le moins instable.
Pour autant, le pessimisme l'emporte dans la mesure où 88% des sociétés sondées jugent que la situation économique de la France ne s'améliorera pas durant le même laps de temps. En outre, quasiment une entreprise sur deux (47%) prévoit un délai d'un à deux ans pour effacer les conséquences des différentes crises de ces dernières années sur leur santé financière.
Ce chiffre grimpe à 50% s'agissant des professionnels qui n'envisagent pas un retour à la normale de leur trésorerie avant trois à cinq ans, voire plus. Parmi les principales difficultés rencontrées par les acteurs économiques, arrivent en tête le coût de l'énergie (64%), l'inflation (63%) et le recrutement (59%). De plus, 7 entreprises sur 10 estiment que le contexte actuel va freiner leurs investissements.
Désengagement des banques et des assureurs-crédit
Cette instabilité se retrouve aussi sur le plan juridique. En effet, 60% des dirigeants de TPE-PME considèrent qu'ils ne sont pas suffisamment accompagnés pour prévenir et gérer les difficultés financières de leur société, qu'il s'agisse de procédures de mandat ad hoc, de conciliation ou encore de redressement judiciaire simplifié.
Là encore, près de 70% des entreprises interrogées s'attendent à ce que le contexte économique engendre une hausse des dépôts de bilans parmi leurs clients. Et plus de 40% d'entre elles considèrent que ces derniers ne seront pas en mesure de faire face au remboursement de leurs créances : PGE, dettes sociales, investissements, factures...
"Les entreprises sont bien plus nombreuses à avoir confiance en la capacité de croissance de leur activité et c'est une excellente nouvelle. Mais alors que le financement reste la préoccupation majeure et quotidienne des entreprises, et tout particulièrement des TPE-PME, le désengagement des banques et des assureurs-crédit a aussi très nettement été soulevé par les sociétés interrogées", analyse Denis Le Bossé, le président du Cabinet Arc.
Selon lui, l'inquiétude des entreprises sur l'attitude des assureurs-crédit "est même revenue à son niveau de 2014, période compliquée et peu porteuse pour l'économie française. Or, les sociétés qui aujourd'hui déposent le bilan ont, certes, réussi à surmonter la crise mais doivent maintenant faire face au remboursement cumulé de leurs PGE, factures et autres créances".
"Les délais de paiement sont pleinement considérés comme un moyen de financement à part entière"
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Dans ces conditions, les délais de paiement restent perçus comme la variable d'ajustement des besoins en trésorerie. Le Cabinet Arc a constaté que les retards avaient augmenté de 12 à 15 jours en moyenne, ce qui vient "logiquement" confirmer cette crainte déjà ressentie en 2022. Les entreprises sont d'ailleurs 50% à déclarer recourir à l'allongement du délai de paiement de leurs fournisseurs alors qu'elles ne sont que 13% à utiliser leur découvert bancaire.
"Les délais de paiement sont donc pleinement considérés comme un moyen de financement à part entière", résume l'étude. Sauf que l'expansion de ce phénomène s'avère négatif pour l'ensemble du tissu économique : 93% des sociétés sondées indiquent que le non-respect des délais de paiement "met en danger" la santé financière des entreprises.
Nouvelles pistes
À 40%, le prêt bancaire demeure le moyen de financement jugé le plus efficace pour les professionnels rencontrant des besoins de trésorerie, creusant un énorme écart avec les aides d'État (6%). L'affacturage est pour sa part considéré, à 84%, comme une solution trop coûteuse et donc peu, voire pas rentable.
En revanche, les moyens plébiscités sont la dématérialisation des factures (56%), les amendes administratives plafonnées à 2 millions d'euros avec publication systématique (43%), ainsi que la transmission des attestations de délais de paiement par le commissaire aux comptes à Bercy pour tous les exercices ouverts depuis 2016 en cas de manquements significatifs (31%).
Les entreprises interrogées planchent également sur de nouvelles pistes. Elles se disent ainsi en faveur de la prise en compte des délais de paiement dans les notations financières des agences (81%), de la création d'une notation des délais de paiement permettant de connaître les habitudes de règlement d'un éventuel futur partenaire (80%), ou encore de leur intégration comme donnée obligatoire du rapport RSE (66%).
D'autres solutions sont encore avancées : la réduction du délai maximal de paiement de 60 à 30 jours (56%), la publication des amendes sur les bases d'annonces légales type Infogreffe (55%) et l'obligation de déclarer les retards de paiements sur une plateforme mise à disposition par le ministère de l'Économie (55%).
Diviser par deux le délai maximal de paiement
Denis Le Bossé confirme que l'engouement pour la réduction du délai maximal de paiement de 60 à 30 jours, également souhaitée par la Commission européenne, va crescendo. "Il s'agit d'une excellente mesure qui permettrait, à terme, d'apporter de la trésorerie aux entreprises", précise le président du Cabinet Arc.
"Cette réduction devra se faire de façon progressive et selon une harmonisation à l'échelle européenne. L'instauration de la facturation électronique facilitera sa mise en place. Néanmoins, elle constituera nécessairement un choc pour les pays pratiquant aujourd'hui des délais de paiement de plus de 100 jours."
Dans tous les cas, il y a urgence à agir : d'après l'étude, 55% des PME disent refuser de répondre aux appels d'offres émis par le secteur public par crainte de ne pas être payées, ou du moins de subir des délais de paiement trop longs.