Depuis le 18 juin 2010, les salariés victimes d'une faute inexcusable peuvent exiger des indemnisations plus nombreuses et plus étendues. Les assureurs tirent le signal d'alarme et pointent les lourdes conséquences humaines, financières et pénales du dispositif. Explications.
Le BTP a aussi son appel du 18 juin… Un des assureurs du secteur, la SMABTP, pousse même un cri d'alarme, en voulant dès à présent alerter les entrepreneurs des risques et dangers que représente la faute inexcusable de l'employeur (FIE).
Rappel. Un employeur a une obligation générale de sécurité à l'égard de ses salariés. C'est-à-dire qu'il doit mettre à leur disposition des moyens adaptés à leur travail, leur dispenser une formation professionnelle et établir des consignes de sécurité. Si une FIE était reconnue, la charge de la preuve incombait à la victime, qui devait prouver qu'il était en présence d'une « faute de gravité exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devrait avoir son auteur et avoir été la cause déterminante de l'accident ou de la maladie ». En 2002, la Cour de cassation modifie le cadre juridique de la FIE, qui vient alourdir la responsabilité de l'employeur. Désormais, ce dernier est tenu à une obligation de sécurité de résultat, et son manquement constitue une faute inexcusable. De plus, il doit verser une indemnisation complémentaire concernant une liste prédéterminée de postes de préjudices personnels. Tenu pour responsable sur son patrimoine, il doit rembourser aux organismes sociaux ces indemnités supplémentaires allouées aux victimes.
Une décision qui coûte cher
Mais, au printemps 2010, un cas fait jurisprudence, et le Conseil constitutionnel prend alors la décision d'étendre les postes indemnisables à tous les préjudices subis par la victime d'une FIE. Ainsi, depuis le 18 juin 2010, la victime d'une FIE peut obtenir de l'employeur l'indemnisation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code la Sécurité Sociale comme les frais de tierce personne ou les aménagements du domicile et/ou d'un véhicule. Si ce dispositif bénéficie aux salariés, employeurs et assureurs semblent en payer les pots cassés. En effet, la SMABTP a chiffré l'impact économique dû à cette décision : il en ressort que le nombre de FIE déclarée a doublé en 4 ans, et que le coût moyen d'un dossier a été multiplié par 3. Ainsi, avant juin 2010, il s'établissait à 50.000 € ; après juin 2010, il s'élève à environ 147.000 €. Prenant l'exemple d'une entreprise de 50 salariés, cela représente une augmentation du risque Responsabilité Civile (RC) sur 30 ans de l'ordre de 3.300 € [sachant que l'on compte une FIE tous les 30 ans environ, précise la SMABTP].
Aujourd'hui, l'assureur souhaite informer les entrepreneurs des dangers de cette décision du 18 juin 2010. D'une part, par le biais de la prévention, en association avec l'Office professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) ; d'autre part, en informant les employeurs sur le champ que couvrent leurs assurances. L'organisme a donc pris plusieurs mesures comme, entre autres, l'élargissement rétroactif des garanties au nouveau périmètre de la décision [la révision complète des dossiers représente un coût de 60 M€ pour l'assureur, a souligné Pierre Esparbès, directeur général adjoint et directeur des marchés et des risques IARD de la SMABTP]. Le risque FIE est donc désormais inclus dans tous les contrats que propose la SMABTP, même si aujourd'hui il n'a pas légalement un caractère obligatoire.