JUSTICE. Le Syndicat des professionnels du solaire se rebiffe : Enerplan assigne en justice l'AQC pour la mise sous observation, depuis mars 2017, du photovoltaïque intégré au bâti. Une décision qui n'aurait toujours pas reçu de justification objective, selon Richard Loyen, le délégué général d'Enerplan.
Au mois de mars 2017, l'AQC décidait de mettre sous observation le photovoltaïque intégré au bâti. Un coup dur pour la filière qui a eu pour conséquence de rendre difficilement assurables de telles installations. Ce jeudi 14 décembre, le syndicat Enerplan contre-attaque, en assignant en référé l'Agence qualité construction devant le tribunal de grande instance pour que des justifications soient apportées à cette décision unilatérale.
Mise en observation du #BIPV sans justification objectivée, @AQC_FR n'ayant pas répondu à la mise en demeure envoyée / @ENERPLAN , une assignation en référé devant le Tribunal de Grande Instance de Paris a été délivrée ce matin par huissier à l'AQC. pic.twitter.com/X6jJCSYJsN
- Richard Loyen (@Richard_Loyen) 14 décembre 2017
Richard Loyen, le délégué général d'Enerplan, nous explique : "Aucune justification objectivée n'a été apportée. Nous avons adressé un courrier avec accusé de réception qui n'a reçu aucune réponse et nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure en envoyant une assignation par huissier aujourd'hui". La date n'a pas été choisie au hasard puisque la Commission prévention produit (C2P) se réunit ce vendredi 15 décembre pour décider de la suite à donner à ce dossier.
Des produits qui ont désormais du mal à être assurés
Le syndicat des professionnels du solaire poursuit : "Les assureurs ont mal souscrit en ne se renseignant pas sur la qualité des installateurs ou celle des produits utilisés et trouvent qu'ils décaissent trop aujourd'hui. Mais il s'agit du portefeuille remontant aux années 2007-2010. Depuis les choses ont évolué et les produits qui restent n'ont pas de sinistres avérés. Ils font donc payer l'addition à ceux qui restent". Richard Loyen admet que des désordres ont été enregistrés par le passé, mais il attend que l'AQC révèle ses données statistiques. "Quels sont les produits incriminés ? On ne sait pas. Les prescriptions ont-elles été respectées ? On ne sait pas. Mettre sous observation tout cette famille de produits ça ne va pas", poursuit-il. Le délégué général évoque même une entente entre les assureurs pour rendre inassurables - ou excessivement plus chères à assurer - ces solutions techniques.
"C'est une situation ubuesque, puisque selon l'article 792 du code civil, la décennale est obligatoire", renchérit-il. Enerplan réclame donc que l'AQC pointe clairement les systèmes qui poseraient problème, en dévoilant le nombre de désordres constatés et les procédés utilisés. Le syndicat estime que l'absence de données statistiques oblige, pour l'heure, à ne croire que la parole des assureurs comme la SMA ou Axa. "C'est un problème pour notre filière qui est pourtant en train de progresser. C'est un peu comme nous retirer le tapis sous les pieds alors que certains de nos industriels ont des attestations de sinistralité vierges !", conclut-il.
Contacté par Batiactu, le directeur général de l'AQC, Philippe Estingoy n'a pas souhaité commenter une affaire qui relève désormais de la justice.
"Certaines choses que dit Enerplan sont fausses", un expert de l'assurance
Du côté des assureurs, un expert nous confie : "Certaines choses que dit Enerplan sont fausses. Le photovoltaïque s'est développé très rapidement et le choix de l'intégration au bâti a été imposée en France, ce qui a été générateur d'un certain nombre de pathologies. Plusieurs milliers d'installations ont été sinistrées et beaucoup de problèmes sont liés aux produits". Le spécialiste estime que 50 % des cas portent sur l'étanchéité, 25 % sur le non fonctionnement de modules et 25 % sur des dysfonctionnements électriques susceptibles de générer un incendie de toiture. Il argumente : "Mis à part le non fonctionnement des modules, plutôt lié à leur qualité, le reste des problèmes vient du procédé d'intégration lui-même. Les normes pour l'installation électrique sont prévues pour des centrales au sol et la température acceptée est de 85 °C. Or, en intégration au bâti, l'installation est moins ventilée et la température peut monter à plus de 120 °C, ce qui entraîne un vieillissement prématuré des composants". Statistiquement, l'intégré serait donc plus problématique que le surimposé, en France, comme en Allemagne.
Une sinistralité particulière pour l'intégré
L'expert nous précise : "La mise sous observation de l'AQC est différée, ce qui signifie que les chantiers en court ne sont pas impactés. Seuls le seront ceux menés à partir de 2018. La C2P réunit l'ensemble des acteurs professionnels, la Capeb, la FFB, le CSTB, l'AIMCC, les assureurs, et la décision qui sera prise demain sera faite sur la base du consensus sur les actions à entreprendre. Il est d'ailleurs probable que certains procédés de la famille soient remis sur la liste verte et demeurent de la technique courante". Pour lui, les industriels, qui ont pour certains d'entre eux travaillé pour résoudre les soucis rencontrés, devraient publier leurs propres données et initier une démarche de normalisation et d'établissement d'un DTU, qui se substituerait aux avis techniques.
Dernière observation formulée par l'expert : "L'intégré au bâti n'est plus différencié du surimposé en termes de tarif d'achat par décision du ministère de l'Environnement en mai 2017. Quant à la forte chute du marché du photovoltaïque, elle n'a rien à voir avec la mise sous observation puisque c'est en 2016 que les installations ont été les moins nombreuses. Elle est plutôt en lien avec les problèmes de qualité constatés auparavant...". Le marché français du solaire devrait donc, en toute logique, s'orienter vers le surimposé à l'avenir.