Un village de Provence se prend à rêver de devenir la «vallée du silicium» où se développerait une filière française de l'énergie solaire, avec le projet d'un consortium européen d'implanter une usine de production à Château-Arnoux-Saint-Auban.

Cette bourgade de 5.000 habitants, surplombant la Durance, est le «site préféré» mais pas encore définitif du consortium constitué par la société française Photon Power technologies (PPT), le groupe néerlandais (fourniture d'énergie) Econcern et la start-up norvégienne Norsun. Deux sites concurrents sont aussi à l'étude en Allemagne et en Norvège.

«Cette usine sera la première au monde exclusivement dédiée à la production de silicium polycristallin pour l'industrie de l'énergie photovoltaïque» qui fabrique des panneaux solaires, explique Franck Wouters, directeur du développement d'Econcern.

Elle se positionnerait dans un marché «qui connaît une progression de plus de 30% par an depuis 1994 et qui n'est freiné que par un manque d'approvisionnement en silicium», fait valoir Philippe Veyan, PDG de PPT. Le projet, présenté cette semaine à Digne, représente un investissement de 250 millions d'euros et pourrait créer 250 emplois d'ici 2008, une aubaine pour ce site industriel où Arkema, ex-filiale de Total, a justement supprimé 350 postes sur les 713 de son usine chimique en 2005.

Le site de Saint-Auban possède des atouts comme la proximité d'Arkema qui pourrait fournir du chlorure d'hydrogène purifié nécessaire pour la production du silicium. Mais la décision finale dépendra «du niveau de subventions publiques, du prix de l'électricité - un poste qui pèse à hauteur de 20% dans les coûts de production - et de la rapidité d'obtention des autorisations» pour les permis de construire et d'exploiter, a précisé le PDG d'Econcern, Ad Van Wijk.

Aides et subventions font l'objet d'intenses discussions entre le ministère de l'Industrie et les collectivités locales sachant que le consortium aimerait qu'elles représentent près d'un tiers de l'investissement.

Les travaux de construction de l'usine pourraient débuter au printemps 2007 pour une mise en service en 2008 avec une production d'environ 2.500 tonnes par an. La deuxième phase (2009-10) verrait une montée à 5.000-10.000 tonnes et la création de 200 à 500 emplois supplémentaires, a estimé le consortium. «L'idée serait de créer la filière aval afin que la production de silicium ne parte pas loin mais soit utilisée sur place. Elle pourrait générer un millier d'emplois», avance Grégoire Calleja, de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe, établissement public).

La vallée de la Durance, où se situe Saint-Auban, a inscrit dans sa charte l'idée d'une «vallée des énergies renouvelables», rappellent des élus locaux. «On est en pole position mais on n'a pas encore gagné cette usine», estime Jean-Louis Bianco, président socialiste du conseil général. «Ce serait une très bonne chose qui viendrait compenser les 350 licenciements», se réjouit José Escanez, maire de Château-Arnoux-Saint-Auban. La commune s'est développée autour de l'usine chimique AFC implantée en 1916, reprise par Pechiney, devenu Pechiney-Saint-Gobain, Atokem, Elf, puis Atofina et enfin Arkema au gré des ventes et des fusions-acquisitions. L'ex-filiale de Total reste le premier employeur et la principale source de taxe professionnelle (83,5%). Dans les locaux syndicaux d'Arkema, les commentaires restaient prudents. «Ca serait une belle opportunité mais il faut éviter de s'enflammer», déclare Jean-Marie Grataroli, délégué CGT. «On ne veut pas mettre la charrue avant les b?ufs», renchérit Jean-Marc Manzoni, 49 ans dont 30 passés à l'usine.

actionclactionfp