L'efficacité énergétique est un élément primordial de la prochaine loi sur la transition et la croissance verte. Le choix de l'indicateur de cette efficacité, énergie primaire ou énergie finale, aura une grande importance. L'association Energies & Avenir a organisé une table ronde sur ce sujet où un certain consensus s'est dégagé.
Le débat entre énergie primaire et énergie finale n'est pas nouveau. Déjà, les textes réglementaires français mélangent allègrement les deux notions. Hervé Thelinge, le président d'Energies & Avenir, explique : "La loi de transition énergétique mentionne l'énergie finale alors que les objectifs fixés pour 2020 sont en énergie primaire. Il y a donc un besoin de clarification de ces points".
Emmanuelle Bertho, ingénieur et ambassadrice Negawatt, précise : "Au niveau du système énergétique français, le rendement global est de 70 %. Il y a donc un tiers de l'énergie globale qui est perdue sur l'ensemble de la chaîne énergétique. Donc si l'on juge l'efficacité énergétique d'un bâtiment sur l'énergie finale, on néglige un tiers du problème". Maryse Arditi, pilote du réseau énergie de France Nature Environnement, renchérit : "Globalement, le projet de loi sur la transition n'est exprimé qu'en énergie finale. Et la Réglementation thermique est en énergie primaire. L'ensemble des pays d'Europe parlent en énergie primaire pour leurs objectifs. Mais la France reste fidèle à son particularisme…". Or, consommation d'énergie finale et consommation d'énergie primaire ont évolué différemment au cours des dernières décennies : +15 % en énergie finale, mais +47 % en énergie primaire. Le système énergétique français a donc multiplié ses pertes dans d'énormes proportions. "L'électricité dégrade le bilan, notamment à cause du nucléaire, où il y a 75 % de pertes, ou du fioul et du charbon, avec 60 % de pertes", assure-t-elle.
Un débat primaire/finale qui ressurgit
Dès lors, pourquoi se questionner sur le choix d'indicateur de l'efficacité énergétique si l'énergie primaire semble la plus adéquate ? "Cette question est à nouveau posée par les électriciens qui disent ne plus pouvoir installer d'équipements à cause de la réglementation exprimée en énergie primaire", prévient Jean-Paul Ouin, le délégué général d'Uniclima (syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques). Pourtant, les réglementations thermiques antérieures, 2000 et 2005, étaient également exprimées en énergie primaire et les maisons étaient équipées de chauffage électrique à effet Joule. "La différence tient à l'exigence de consommation beaucoup plus faible de la RT2012 : ces équipements ne remplissent pas ces conditions de performances", déclare-t-il. Cependant, le délégué général d'Uniclima estime que l'effet Joule restera utile, notamment dans le neuf, grâce aux nouveaux appareils, beaucoup plus efficaces et disposant de la détection de présence ou de celle de l'ouverture des fenêtres. "Et dans les rénovations, il ne sera évidemment pas possible de tirer des canalisations d'eau chaude partout !", s'exclame-t-il.Un DPE en €/m² au lieu des kWh/m² ?
Le Diagnostic de Performance Energétique, quant à lui, est exprimé en énergie primaire. "C'est un peu complexe pour le client qui récupère le DPE, car le propriétaire, lui, voit sa facture en kWh, donc en énergie finale…", analyse Sylvain Coopman, le délégué général de la chambre des diagnostiqueurs immobiliers, pour qui ses confrères sont en première ligne au moment d'expliquer la nuance entre les deux indicateurs. Selon lui, l'énergie primaire reste bien le critère principal à conserver, afin de pouvoir comparer les différents types d'énergies entre-elles. "Dès lors, pourquoi les compteurs électriques dits 'intelligents' n'afficheraient-ils pas, au choix, la consommation en énergie primaire ou finale ? De la même façon qu'un thermomètre peut afficher une température en degré Celsius ou Fahrenheit, elle reste identique mais juste exprimée de façon différente", s'interroge Jean-Paul Ouin. "Pour autant, un DPE exprimé en €/m² n'aurait pas de sens : un diagnostic est valable 10 ans, or sur cette période comment prédire les variations du prix de l'énergie ?", prévient Sylvain Coopman.Les deux moyens d'exprimer l'énergie consommée, primaire et finale, devraient donc continuer de coexister, chacune ayant une utilité : l'énergie primaire intégrant la notion de ressource naturelle disponible (et donc d'épuisement de celle-ci) tandis que l'énergie finale ayant pour avantage d'être plus aisément compréhensible du grand public.
L'énergie primaire correspond à la somme de l'énergie finale et de celle nécessaire à la production de l'énergie elle-même. Elle intègre donc la notion de rendement et de pertes. L'énergie primaire permet de mesurer le taux d'indépendance énergétique national. Par convention, elle est égale à l'énergie finale pour les énergies combustibles (le facteur de conversion est donc égal à 1), alors que pour obtenir 1 kWh d'électricité finale, il est nécessaire de fournir 2,58 kWh en énergie primaire (le facteur est alors égal à 2,58).
L'énergie finale, en revanche, est la quantité d'énergie réellement disponible pour le consommateur et correspond à celle qui lui est facturée. Elle permet de suivre le taux de pénétration des différentes énergies.