Pierre Berger, p-dg d'Eiffage, a détaillé et commenté les résultats de son groupe pour la première moitié de l'année. Il annonce des comptes solides, avec une progression du chiffre d'affaires, du carnet de commandes et de la marge. La bonne performance des concessions et l'activité à l'international ont compensé une situation toujours compliquée en France pour le BTP.
"Les résultats sont solides, tous en hausse, sauf l'endettement, qui lui, est en baisse", annonce fièrement Pierre Berger, le président-directeur général d'Eiffage. "Tous les voyants sont au vert, malgré une situation très compliquée en France", poursuit-il. La raison ? La bonne performance des concessions, un rebond pour les activités liées à l'énergie, et de bonnes marges sur les travaux, avec une hausse de la productivité conjuguée à une baisse des coûts. Au premier semestre de l'année, le chiffre d'affaires consolidé atteint les 6,6 Mrds € (+1,4 %).
L'essor à l'international dope les comptes
"Le marché français reste très compliqué, nous procédons donc à un redéploiement vers l'étranger où notre chiffre d'affaires devient significatif", souligne le p-dg. Ce chiffre d'affaires à l'export a bondi de +22 % en deux ans, notamment grâce aux économies en expansion, comme la Colombie, le Canada ou certains pays africains, où il reste de nombreuses infrastructures à construire. "La situation est tendue dans nos métiers mais la France reste évidemment un volume important", déclare Pierre Berger, qui détaille : "La concurrence est très forte et les prix se maintiennent à un niveau très bas". Eiffage s'est donc appuyé sur d'autres marchés européens, comme l'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni. "La France reste stabilisée à un niveau bas, même s'il y a un léger frémissement depuis deux-trois mois. Mais il est trop tôt pour en tirer des conclusions", estime le dirigeant."Il y a un effet de base positif sur les commandes des collectivités et l'impact du dispositif Pinel sur le logement. Le marché a donc arrêté de baisser. Nous avons donc une stabilisation pour nos activités de 'contracting' et nous nous maintenons au même niveau que l'année passée", précise-t-il. Rappelons que dans les métiers de travaux, le CA est en baisse de -0,9 % dans l'Hexagone, alors qu'il est en hausse de +8,1 % à l'étranger. La construction proprement dite est en fort repli (-6,8 % en France et -6,6 % à l'international), tandis que les travaux publics connaissent des évolutions différentes sur le marché national (-7,9 %) ou international (+12,8 %).
Du côté de la construction métallique, activité historique du groupe, l'arrêt brutal des commandes dans le secteur pétrolier, lié à la chute des cours du baril et au gel des investissements, Pierre Berger résume : "Le pipeline de commandes s'est tari du jour au lendemain pour ces structures complexes". Eiffage note une intensification de la concurrence des pays à bas coût de production, en Europe du Sud ou en Europe de l'Est, qui s'est traduite par une chute de -50 % du chiffre d'affaires entre 2013 et 2015. Une dégringolade qui entraîne une restructuration du pôle avec trois fermetures de sites en France (Martot, Maizières-les-Metz et Etupes) avec de nombreuses suppressions de postes. "Environ 260 personnes sont concernées, avec des solutions de reclassement ou des départs", précise la direction qui souligne que des investissements de plusieurs millions d'euros sont en cours dans les sept autres sites français afin de les moderniser. "Nous espérons de gros succès à l'export en 2016 qui relanceront l'activité de ces usines", fait valoir Pierre Berger.
Concessions : TP Ferro sera-t-il sauvé ?
Du côté des concessions, elles enregistrent globalement une hausse significative d'activité (+3,9 %), grâce à l'augmentation du trafic autoroutier. Concernant le devenir de sa filiale TP Ferro, co-entreprise détenue à parts égales par Eiffage et l'espagnol ACS, en dépôt de bilan, le p-dg explique : "Elle est actuellement en faillite virtuelle". Max Roche, le directeur général adjoint d'Eiffage, renchérit : "La dette d'origine, pour financer l'investissement de 380 M€ (pour construire la ligne à grande vitesse entre Perpignan et Figueras, Ndlr) devait être refinancée le 31 mars dernier. Mais le trafic est très inférieur aux prévisions. La filiale est donc en cessation de paiement et nous recherchons avec les Etats et toutes les parties prenantes, une solution de refinancement". Selon le groupe de BTP français, concédants, prêteurs et constructeurs devront tous contribuer à cette opération. "Les négociations sont longues et compliquées. Pour l'heure, la société TP Ferro a été mise sous protection judiciaire avec la nomination, au mois de septembre, d'un administrateur. Mais cette situation ne pourra pas durer éternellement", confie Max Roche. La principale difficulté résiderait dans l'obtention d'un accord des créanciers pour qu'ils renoncent à une partie de la dette… Un geste est également attendu de la part des Etats, pour maintenir cette liaison stratégique France-Espagne. "La faillite totale a été envisagée et provisionnée dans les comptes, depuis trois ans, au fur et à mesure", annonce Pierre Berger. "Les cinq ans de retard dans les travaux côté espagnol ont pesé et nous allons demander des dommages et intérêts", estime le p-dg. Interrogé sur l'éventuelle prise de participation d'Eiffage dans des aéroports régionaux français, le dirigeant écarte d'emblée l'hypothèse : "Ce n'est pas dans nos métiers".Une santé financière retrouvée
Concernant l'endettement, Eiffage s'enorgueillit de l'avoir réduit de 400 M€ en douze mois, pour le ramener à 12,2 Mrds €. Fort d'une santé financière retrouvée, le groupe envisage un fort développement par le biais d'opérations de croissance externe. Max Roche, directeur général adjoint, lève un coin du voile : "Nous regardons des projets autoroutiers au Canada, en Afrique ou en Allemagne entre Munich et Passau, avec des partenaires locaux". Le géant du BTP français s'intéresse également à ses activités énergie pour participer à l'électrification du continent africain, un territoire en forte demande. Pierre Berger souhaite que le chiffre d'affaires soit triplé dans les pays où l'entreprise est déjà présente (Sénégal, Togo, Ghana, Côte d'Ivoire, Angola…). Il milite pour que l'Union européenne mette en place des financements destinés à développer ces régions et aider au maintien sur place des populations, évitant ainsi un exode massif.Quant aux perspectives pour l'année 2015, le p-dg conclut : "Nous ambitionnons d'augmenter les résultats net et opérationnel. La marge devrait être la plus élevée du groupe depuis l'arrivée des concessions en 2006. Nous nous sommes beaucoup endettés pour racheter les autoroutes et nous recueillons aujourd'hui les fruits de cet investissement". Eiffage entend également poursuivre sa réduction des frais, engagée en 2014 et prévue jusqu'en 2019, et donc les premiers effets sont déjà sensibles sur ses comptes.