ENERGIE MARINE. L'exploitation de la puissance des courants de marée prend diverses formes. Celle choisie par Eel Energy est biomimétique : il s'agit de tirer de l'énergie de l'ondulation d'une membrane immergée dans un flux sous-marin. En pleine phase d'expérimentation, la startup a été choisie pour rejoindre le 3Dexperience Lab de Dassault Systèmes. Grégoire de Laval, le directeur du Développement, nous en dit plus.
Toutes les hydroliennes ne sont pas de grandes hélices immergées sous la surface. La startup française Eel Energy a imaginé une autre solution reposant sur les mouvements ondulants d'une membrane hi-tech. "L'aventure a démarré à la fin de 2011, née des travaux de Jean-Baptiste Drevet qui est spécialisé dans les interactions fluide-structure", nous dévoile Grégoire de Laval, le directeur du Développement. La machine se présente donc sous la forme d'une succession de lames en fibre de carbone et fibre de verre, à la fois robustes et souples, recouvertes d'un élastomère, et qui forment cette membrane attachée à un trépied qui lui permet de s'orienter seule, face au courant. Les mouvements verticaux des différents éléments sous pression du fluide en mouvement sont ensuite exploités pour produire de l'électricité. "L'énergie mécanique est récupérée en trois dimensions, tout au long de la membrane", poursuit-il.
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Efficacité et légèreté
Beaucoup de temps a d'abord été passé en calculs théoriques et simulations. "Mais assez tôt, il y a eu des prototypes de petites dimensions testés dans une baignoire !", s'amuse le directeur développement. "Les avancées ont été faites par logique d'itération : entre 2013 et 2014, le travail était fait à l'échelle 1/20e, puis en 2015-2016 sur un prototype au 1/6e, ce qui fait tout de même 2,5 mètres de côté et 10 kW de puissance", nous révèle le spécialiste. Cette version de l'hydrolienne ondulante est actuellement testée à l'Ifremer, partenaire d'Eel Energy, dans son bassin de Boulogne-sur-Mer. "Nous sommes en phase d'expérimentation sur ce prototype avec une équipe sur place. Les tests ont lieu tous les deux mois environ, puis il y a des opérations d'amélioration sur le design, les matériaux, le contrôle de commande ou la chaîne de convertisseur", poursuit Grégoire de Laval. "Les performances sont intéressantes mais, pour l'instant, nous sommes limités à des courants faibles, de l'ordre de 1,5 mètre par seconde. Or la puissance dépend de la vitesse de l'eau". Les mesures actuelles portent donc sur le bas de la courbe de puissance. Et les ingénieurs sont satisfaits de constater que l'hydrolienne fournit des watts dès les premiers mouvements, à 0,4 m/sec. "Les résultats sont encourageants", se félicite sobrement le directeur du Développement.
La machine à l'échelle 1 atteindra les 15 mètres de long et de large, pour une puissance espérée de 1 MW au moyen d'un courant marin de 3 m/sec (un peu moins de 11 km/h). La membrane et le convertisseur accuseront un poids de 34 tonnes sur la balance, auquel il faudra ajouter les 200 tonnes du support qui servira de fondation gravitaire, empêchant que la force du courant n'entraîne l'engin. "L'équipement reste plus léger que les autres hydroliennes testées", note le directeur du Développement d'Eel Energy. Les modèles de Sabella ou DCNS pèsent en effet entre 450 et 900 tonnes, ce qui complique leur manipulation. Mais la startup française n'en est pas encore à cette phase de son développement : "La prochaine étape sera de faire sortir la technologie du laboratoire, d'ici à la fin de l'année. Elle sera testée en mer. Mais il n'y aura pas de machine à taille réelle avant 2020". L'hydrolienne pourrait alors être déployée, probablement en Ecosse, sur un site expérimental dédié aux énergies marines renouvelables qui rassemble des infrastructures dédiées, des plongeurs aux compétences spécifiques et des bateaux spécialisés de manutention. Le site français SEM-REV ne présenterait pas le courant marin adéquat au fonctionnement de la machine.
Encore beaucoup de travail de simulation numérique à mener
D'ici là, les travaux de modélisation 3D et simulation se poursuivront, avec l'aide de Dassault Systèmes, qui va accueillir Eel Energy dans son 3Dexperience Lab. Une reconnaissance qui va "accélérer les phases de conception et de tests de nos prototypes" et qui permettra à la société de "partager ses expériences en modélisation avec d'autres startups", déclare Grégoire de Laval. Annulaires, hélicoïdales, planantes ou ondulantes, les hydroliennes n'ont pas fini de faire plancher les ingénieurs. Le potentiel estimé de production d'énergie à partir des courants de marées s'élève à 450 TWh/an dans le monde, dont 10 TWh/an en France. Leur avantage est d'être prédictibles, localisés et réguliers, contrairement aux ressources de vent, permettant d'atteindre un facteur de charge de 50 % contre 25 % pour les éoliennes.
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