ÉNERGIE. Auditionné ce 13 novembre 2019 par la commission des affaires économiques du Sénat, le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, a estimé que l'énergie nucléaire avait "toute sa place" dans le mix énergétique français, "aux côtés des énergies renouvelables". Dans le même temps, un document interne à l'énergéticien et rendu public table sur une facture de 46 milliards d'euros pour les 6 réacteurs EPR en projet.

Deux semaines après avoir reçu le rapport de Jean-Martin Folz sur la construction de l'EPR de Flamanville, le président-directeur général d'EDF, Jean-Bernard Lévy, était auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat ce 13 novembre 2019 pour revenir sur la stratégie du groupe dans la politique énergétique de la France. Les déclarations des responsables politiques et des spécialistes se sont succédé en l'espace de quelques jours sur les décisions que la filière nucléaire devait prendre, à l'heure où le chantier du réacteur à eau pressurisée de nouvelle génération a vu son calendrier décalé de 10 ans, et sa facture finale multipliée par 4. Bien que le dirigeant du groupe a admis "un constat d'échec" devant les locataires de Bercy, il a insisté sur le rôle et la place de l'énergie atomique devant les sénateurs : "Le premier objectif stratégique d'EDF est d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six", a affirmé Jean-Bernard Lévy. "Nous continuons de penser que le nucléaire, qui n'émet pratiquement pas de CO2 et qui est pilotable, a toute sa place à l'horizon 2050 dans le mix français et aux côtés des énergies renouvelables."

 

 

A l'heure où celles-ci montent en puissance et où certains appellent à redéfinir la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), l'énergéticien prend sa part de responsabilité : "J'ai l'intention de présenter un plan d'action pour retrouver le niveau de qualité industrielle que nous aurions toujours dû conserver, mais aussi pour retrouver le niveau de compétences de la filière nucléaire française en matière de constructions neuves", a poursuivi le patron d'EDF. "Nous savons que la régulation du nucléaire, aujourd'hui, est asymétrique et injuste. C'est un système dans lequel EDF n'est jamais gagnant et prend tous les risques." Si l'énergie atomique semble de fait incontournable pour que les populations parviennent à subvenir à leurs besoins énergétiques, le groupe entend bien développer les autres sources d'énergie : "Le transport est à l'origine de 30% des gaz à effet de serre, il est urgent de décarboner ce secteur. Nous avons donc défini un plan 'mobilité électrique' qui vise, à l'horizon 2022, le déploiement de 75.000 bornes de recharge sur la voie publique. [...] Nous avons lancé un plan solaire qui prévoit une part de marché pour EDF de 30% des installations solaires en France. Nous visons aussi bien les installations en toiture que les fermes solaires au sol. [...] Notre conviction est que nous pouvons aussi remplacer les combustibles fossiles pour la mobilité lourde et nous avons créé une filiale, Hynamics, dédiée à l'hydrogène sans carbone pour l'industrie et la mobilité lourde."

 

Entre 7,5 à 7,8 milliards par nouveau réacteur EPR

 

 

Ces déclarations devant les parlementaires du Palais du Luxembourg interviennent quelques jours après la publication, par nos confrères du Monde, d'un document interne à EDF, présenté durant l'été au conseil d'administration du groupe et portant sur l'hypothèse d'une construction de 6 nouveaux EPR dans les années qui viennent. Dans cette présentation, le groupe a calculé que 3 paires de 2 réacteurs EPR représenteraient une enveloppe minimale de 46 milliards d'euros, soit entre 7,5 à 7,8 milliards par réacteur. Le quotidien précise que des provisions pour démantèlement de 400 millions d'euros, et des provisions pour "incertitudes" de 500 millions d'euros sont intégrées dans les estimations de chaque réacteur. Le document interne à EDF mentionne par ailleurs des critères jugés indispensables pour garantir le financement de ces chantiers, notamment "l'impact sur la maîtrise industrielle du programme" ou encore la "compatibilité avec la trajectoire financière d'EDF". Pour rappel, l'énergéticien affiche à l'heure actuelle une dette supérieure à 33 milliards d'euros.

 

Que décidera donc le Gouvernement dans ce dossier ? Pour l'heure, il a demandé à EDF de lui fournir l'ensemble des informations nécessaires d'ici la mi-2021 pour trancher si oui ou non, le lancement des travaux de nouveaux réacteurs est envisageable. Quoi qu'il en soit, la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, a réaffirmé au micro de France Inter que l'exécutif ne voulait pas céder à la précipitation : "On a dit qu'on ne prendrait pas de décision sur de nouvelles centrales nucléaires avant la mise en service de Flamanville [qui ne devrait pas intervenir avant 2023, ndlr]. L'objectif est de réduire la part du nucléaire à 50% d'ici à 2035. Au-delà, on doit avoir tous les scénarios sur la table." La loi Energie Climat, ratifiée en septembre dernier par le Parlement, prévoit effectivement de faire tomber la part de l'atome dans le mix énergétique français de 75% actuellement à 50% à cette échéance. Ce qui impliquerait d'arrêter 14 des 58 réacteurs en fonctionnement aujourd'hui, et d'accroître fortement le solaire photovoltaïque et l'éolien. Le Gouvernement avance donc prudemment sur ce terrain miné : "On étudie à la fois un scénario dans lequel on continue à faire de nouvelles centrales nucléaires, et aussi un scénario 100% renouvelables". A la fin, c'est de toute façon le président de la République Emmanuel Macron qui prendra la décision.

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