CONTESTATION. La dissolution prochaine du Crédit Foncier au sein des activités du groupe BPCE - Banque Populaire-Caisse d'Epargne - suscite de nombreuses protestations, tant chez les professionnels du bâtiment que chez les salariés de l'institution. Motifs invoqués : un manque de justifications sérieuses et la perte d'un savoir-faire.
Le Crédit Foncier, acteur incontournable du secteur de l'immobilier depuis le milieu du XIXe siècle, va bientôt mettre la clé sous la porte. Le groupe BPCE, maison-mère de l'institution, a effectivement annoncé l'absorption de l'établissement spécialisé, invoquant un modèle économique qui ne serait plus en phase avec les enjeux actuels. Lors de son point conjoncture du mercredi 11 juillet, la Fédération française du bâtiment a estimé, par la voix de Patrick Vandromme, président de LCA-FFB, que cette décision n'était "pas une bonne nouvelle". Bien que BPCE se soit engagé à sauvegarder "les compétences et les expertises du Crédit Foncier" en les redistribuant à ses différentes entités (les Banques populaires et les Caisses d'épargne), les professionnels ne sont pas pour autant rassurés. "On a à peu près 20% de nos clients (qui) ont un prêt au Crédit Foncier", a souligné Patrick Vandromme auprès de l'AFP. "Pour des montages un peu complexes, c'était très intéressant de travailler avec eux."
Des spécialistes inquiets
Vousfinancer, réseau de courtage en crédits immobiliers, avait déjà tiré la sonnette d'alarme à la fin du mois de juin à propos de cette dissolution du Crédit Foncier. Jérôme Robin, directeur général de la structure, expliquait alors : "Le Crédit Foncier est leader du prêt à l'accession sociale avec une part de marché d'environ 40%. […] (Il) offre des solutions de financement sur durées longues et sans apport à des profils d'emprunteurs qu'aucun autre établissement n'accepterait… Dans le contexte actuel de réduction du PTZ, de suppression des APL accession et de hausse des prix de l'immobilier, la disparition de cet acteur du financement risque de pénaliser encore une fois les ménages les plus modestes". Un constat partagé par Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, qui avait pour sa part rappelé l'importance de l'institution dans le paysage immobilier français : "En résumé, le Crédit Foncier a été ces dernières années un acteur majeur du financement en France, soutenant à la fois l'accession à la propriété et l'investissement locatif, deux pans du marché immobilier particulièrement sensibles à la conjoncture et aux évolutions réglementaires, qui pourraient être affectés par la disparition de ce spécialiste…".
Des syndicats qui saisissent la justice
Mais la mobilisation est également très forte au sein-même du Crédit Foncier : ce 11 juillet, des agences sont restées fermées un peu partout dans le pays, et plus de 200 salariés ont manifesté devant le principal site de l'institution, à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), à la suite d'un conseil d'entreprise extraordinaire. Parallèlement, l'intersyndicale a saisi la justice "pour que la direction respecte ses obligations légales", à savoir "consulter les représentants syndicaux sur les grandes orientations stratégiques, car des alternatives au démantèlement existent", selon un communiqué commun des organisations syndicales. La décision en référé, "pour demander au juge de trancher concernant le calendrier à marche forcée voulu par la direction", serait attendue sous une dizaine de jours.
Inquiète pour l'avenir des 2.200 emplois du Crédit Foncier, l'intersyndicale parle d'une "mise à mort" et d'un "démantèlement rapide". Les représentants craignent a fortiori que la disparition du savoir-faire et des en-cours stratégiques de l'établissement n'impactent le secteur immobilier. "Nous sommes face à une décision totalement incompréhensible car nous ne sommes pas déficitaires. On nous applique des critères de performances inappropriés et cela ne justifie pas de précipiter un tel démantèlement ! Nous voulons légitimement comprendre les raisons d'un tel choix", affirment les organisations syndicales.