Lexigence légale de diagnostiquer les biens immobiliers lors des transactions ouvre un marché énorme. Linitiative du Conseil Supérieur du Notariat pour certifier les compétences des diagnostiqueurs ne fait pourtant pas lunanimité.
Le marché du diagnostique immobilier est en pleine expansion. Le cadre législatif de plus en plus exigeant pour la détection de plomb, damiante et de termites lors dune transaction immobilière a transformé ce secteur auparavant délaissé en alléchante pièce montée dont les parts sont souvent distribuées gracieusement. " Le diagnostique immobilier représente une manne intarissable, il y a vraiment du travail pour tout le monde, et plus encore" commente un diagnostiqueur en activité depuis une dizaine dannées.
Pour tout le monde, et probablement un peu pour nimporte qui. De lavis général de la profession et du notariat, ce marché mirifique de 15 millions de diagnostiques à effectuer dici 2005 attire des compétences pour le moins inégales. Pour Régis Cortot, dirigeant fondateur dAmiante Diagnostique Conseil (ADC), cabinet spécialisé en diagnostique amiante et plomb, " les trois quarts des diagnostiques déjà faits pourraient être totalement sans valeur et donc à refaire."
Les évolutions réglementaires récentes ont paradoxalement contribué à cette ruée vers lor mal contrôlée. Depuis le 1er septembre 2002, le vendeur d'un logement a l'obligation de rechercher la présence d'amiante pour les bâtiments édifiés avant juillet 1997, de termites dans les zones à risques délimitées par arrêté préfectoral, et de plomb pour les constructions antérieures au 1er janvier 1948. Ces diagnostics permettent au vendeur de se mettre à labri de la garantie des vices cachés. La durée de validité réduite des diagnostics (trois mois pour les termites, un an pour le plomb) pousse en outre le vendeur à obtenir lattestation à la date la plus proche possible de la signature de lacte authentique.
Par ailleurs, la compétence des diagnostiqueurs nest vérifiée que depuis janvier 2003, avec un texte imposant aux contrôleurs du bâtiment « une attestation de compétence » délivré par un organisme de formation certifié.(1) Pour un jeune diagnostiqueur basé dans la Sarthe, qui souhaite garder lanonymat, " il nest pas rare que ces attestations, souvent dérisoires, soient de pure complaisance, certains organismes, mais pas tous, cherchant surtout à facturer un maximum dattestation vu que les demandes sont nombreuses." Il raconte par exemple avoir vu un diagnostiqueur "attesté" vérifier la présence de plomb dans des peintures murales en essayant de détecter "un goût sucré" sur celles-ci en portant à sa bouche un peu de salive quil avait préalablement appliquée sur le mur.
Ce genre de scène surréaliste nest pas rare. Les résultats au moment du compte rendu peuvent aussi être étonnants, comme ce commentaire vu sur un diagnostic à propos dune plaque en fibre de verre : "pourrait contenir de lamiante", sans autre précision.
Les différences dans les niveaux de qualification sont paradoxalement accentuées par la multiplication des "appellations" -certifications ou labels-(Qualicert, Apte, CTBA, OPQIBI, pour ne citer que les plus connus) disponibles sur le marché, qui, même sils témoignent dun effort louable, nuisent à la lisibilité des compétences. Dans le même temps, aucun texte officiel ne donne une définition de ce quest un "technicien du bâtiment ou de la construction", titre dont doivent se réclamer les diagnostiqueurs. La concurrence inévitable que se livrent les organismes certificateurs narrange pas les choses.
Un tel flou nest dans lintérêt ni des diagnostiqueurs, ni des vendeurs ou des notaires, responsables des documents annexés lors dune vente. Le Conseil Supérieur du Notariat, dans un souci affiché de clarification, a donc confié à SGS-ICS Qualicert la mise en place dun référentiel de certification de services relatif aux expertises techniques dimmeubles comprenant les états des risques daccessibilité au plomb et la détection de lamiante.Publié au J.O du 24 août 2002, ce certificat insiste principalement sur les compétences de services à destination des clients que sont les vendeurs et les notaires, mais selon un diagnostiqueur, "est largement inférieur aux qualifications techniques délivrées par d'autres organismes et à ce que la situation de l'immobilier exige ."
Mme Defer, responsable du référentiel Qualicert dans le cadre des expertises techniques dimmeubles, assure pour sa part que la certification délivrée est sérieuse et "adaptée au marché". "Il faut savoir faire la différence entre une qualification professionnelle pour les chantiers et les exigences techniques pour des diagnostics précédant une transaction" rappelle-t-elle. "Pour nous, le label Qualicert est tout à fait valable par lui-même, il est dailleurs très dur à obtenir, et rien nempêche ensuite un cabinet de passer dautres certifications comme celles de lOPQIBI de la CATED ou laccréditation COFRAC" confirme Mme Evelyne Devos, assistante de direction au cabinet ADC.
Depuis la création du label Qualicert, 40 cabinets ont été certifiés, sur 600 demandes de dossiers, selon SGS, lorganisme certificateur. Une sélection qui tendrait à prouver la qualité du label. Pour dautres, la certification est certes difficile à obtenir, mais pour de mauvaises raisons, puisque linsistance sur les aspects administratifs et de services rendrait le rapport avantage/bénéfice peu intéressant pour des diagnostiqueurs expérimentés. "Sil sagit daider des nouveaux venus qui se lancent dans le diagnostic à mettre en place des bonnes structures administratives et de gestion, cest très bien, mais au plan des compétences techniques, Qualicert nest pas pertinent" affirme le responsable technique et juridique dAlizé, réseau de diagnostic technique immobilier, qui réunit 110 agences. "Les notaires ont voulu sassurer de la conformité des rapports qui leur sont remis en créant ce référentiel, ce quil faut saluer, mais ils lont fait sans consulter les professionnels, qui auraient pu les conseiller utilement sur le contenu du référentiel. Il est possible que le certificat ne serve à rien et se retourne contre les notaires lorsquon sapercevra que des diagnostics erronés ont été faits par des cabinets labellisés" ajoute-t-il.
Dautres sont plus sévères à légard des notaires, et les accusent de faire parfois pression sur les experts afin que des transactions ne soient pas manquées ou retardées à cause dun diagnostic trop long ou trop précis. Les notaires sont-ils prêts à jouer le jeu des diagnostics tels quils doivent être compris selon les textes ? Certains notaires ont apparemment mal vécu les évolutions législatives de ces dernières années.
Le site internet dune étude notariale basée dans le Val dOise hésite entre devoir dinformer les clients et dénonciation à demi-mot des règles en vigueur. Sur la page intitulée « Quels diagnostics devez-vous établir avant la mise en vente dun immeuble bâti ? », le texte se fait plaintif : "Après le contrôle technique des véhicules automobiles, les diagnostics immobiliers !" et le notaire ajoute que "si lévolution des règles de protection du consommateur peut paraître légitime, cette protection représente maintenant des contraintes juridiques et financières importantes pour le vendeur". Le site propose en outre un questionnaire qui permet aux vendeurs de faire le point sur leurs obligations légales et précise : "Si vous navez pas de chance, vous aurez jusquà quatre diagnostics à faire établir. Si vous savez de la chance, vous naurez peut-être aucun diagnostic à faire établir ! "
Pour Me Pichon, Notaire (Président de l'Institut Notarial du Droit de l'Immobilier), la certification Qualicert reste un "premier pas nécessaire" dans la mesure où il ny a aucune disposition officielle pour lagrément des experts diagnostiqueurs et que les notaires sont responsables des documents annexés. Pour ce qui est du contenu du label, il reconnait "avoir entendu des plaintes disant que le cahier des charges était trop lourd, et dautres quil était trop léger". Il assure par ailleurs que comme pour tous les certificats de services, il évoluera vers plus dexigences dans les années à venir.
Entre temps, les travaux du ministère du logement pour la création dun document unique sur la manière de garantir le sérieux des expertises et d'harmoniser la durée de validité des différents diagnostics lors des transactions immobilières vers les particuliers auront peut-être porté leurs fruits.
(1) Les principaux organismes fournissant les attestations sont le Centre d'études supérieures industrielles (CESI), le Centre expérimental de recherche et d'études du BTP (CEBTP) et le groupe COTEBA, spécialiste de l'ingénierie de la construction.
Pour tout le monde, et probablement un peu pour nimporte qui. De lavis général de la profession et du notariat, ce marché mirifique de 15 millions de diagnostiques à effectuer dici 2005 attire des compétences pour le moins inégales. Pour Régis Cortot, dirigeant fondateur dAmiante Diagnostique Conseil (ADC), cabinet spécialisé en diagnostique amiante et plomb, " les trois quarts des diagnostiques déjà faits pourraient être totalement sans valeur et donc à refaire."
Les évolutions réglementaires récentes ont paradoxalement contribué à cette ruée vers lor mal contrôlée. Depuis le 1er septembre 2002, le vendeur d'un logement a l'obligation de rechercher la présence d'amiante pour les bâtiments édifiés avant juillet 1997, de termites dans les zones à risques délimitées par arrêté préfectoral, et de plomb pour les constructions antérieures au 1er janvier 1948. Ces diagnostics permettent au vendeur de se mettre à labri de la garantie des vices cachés. La durée de validité réduite des diagnostics (trois mois pour les termites, un an pour le plomb) pousse en outre le vendeur à obtenir lattestation à la date la plus proche possible de la signature de lacte authentique.
Par ailleurs, la compétence des diagnostiqueurs nest vérifiée que depuis janvier 2003, avec un texte imposant aux contrôleurs du bâtiment « une attestation de compétence » délivré par un organisme de formation certifié.(1) Pour un jeune diagnostiqueur basé dans la Sarthe, qui souhaite garder lanonymat, " il nest pas rare que ces attestations, souvent dérisoires, soient de pure complaisance, certains organismes, mais pas tous, cherchant surtout à facturer un maximum dattestation vu que les demandes sont nombreuses." Il raconte par exemple avoir vu un diagnostiqueur "attesté" vérifier la présence de plomb dans des peintures murales en essayant de détecter "un goût sucré" sur celles-ci en portant à sa bouche un peu de salive quil avait préalablement appliquée sur le mur.
Ce genre de scène surréaliste nest pas rare. Les résultats au moment du compte rendu peuvent aussi être étonnants, comme ce commentaire vu sur un diagnostic à propos dune plaque en fibre de verre : "pourrait contenir de lamiante", sans autre précision.
Les différences dans les niveaux de qualification sont paradoxalement accentuées par la multiplication des "appellations" -certifications ou labels-(Qualicert, Apte, CTBA, OPQIBI, pour ne citer que les plus connus) disponibles sur le marché, qui, même sils témoignent dun effort louable, nuisent à la lisibilité des compétences. Dans le même temps, aucun texte officiel ne donne une définition de ce quest un "technicien du bâtiment ou de la construction", titre dont doivent se réclamer les diagnostiqueurs. La concurrence inévitable que se livrent les organismes certificateurs narrange pas les choses.
Un tel flou nest dans lintérêt ni des diagnostiqueurs, ni des vendeurs ou des notaires, responsables des documents annexés lors dune vente. Le Conseil Supérieur du Notariat, dans un souci affiché de clarification, a donc confié à SGS-ICS Qualicert la mise en place dun référentiel de certification de services relatif aux expertises techniques dimmeubles comprenant les états des risques daccessibilité au plomb et la détection de lamiante.Publié au J.O du 24 août 2002, ce certificat insiste principalement sur les compétences de services à destination des clients que sont les vendeurs et les notaires, mais selon un diagnostiqueur, "est largement inférieur aux qualifications techniques délivrées par d'autres organismes et à ce que la situation de l'immobilier exige ."
Mme Defer, responsable du référentiel Qualicert dans le cadre des expertises techniques dimmeubles, assure pour sa part que la certification délivrée est sérieuse et "adaptée au marché". "Il faut savoir faire la différence entre une qualification professionnelle pour les chantiers et les exigences techniques pour des diagnostics précédant une transaction" rappelle-t-elle. "Pour nous, le label Qualicert est tout à fait valable par lui-même, il est dailleurs très dur à obtenir, et rien nempêche ensuite un cabinet de passer dautres certifications comme celles de lOPQIBI de la CATED ou laccréditation COFRAC" confirme Mme Evelyne Devos, assistante de direction au cabinet ADC.
Depuis la création du label Qualicert, 40 cabinets ont été certifiés, sur 600 demandes de dossiers, selon SGS, lorganisme certificateur. Une sélection qui tendrait à prouver la qualité du label. Pour dautres, la certification est certes difficile à obtenir, mais pour de mauvaises raisons, puisque linsistance sur les aspects administratifs et de services rendrait le rapport avantage/bénéfice peu intéressant pour des diagnostiqueurs expérimentés. "Sil sagit daider des nouveaux venus qui se lancent dans le diagnostic à mettre en place des bonnes structures administratives et de gestion, cest très bien, mais au plan des compétences techniques, Qualicert nest pas pertinent" affirme le responsable technique et juridique dAlizé, réseau de diagnostic technique immobilier, qui réunit 110 agences. "Les notaires ont voulu sassurer de la conformité des rapports qui leur sont remis en créant ce référentiel, ce quil faut saluer, mais ils lont fait sans consulter les professionnels, qui auraient pu les conseiller utilement sur le contenu du référentiel. Il est possible que le certificat ne serve à rien et se retourne contre les notaires lorsquon sapercevra que des diagnostics erronés ont été faits par des cabinets labellisés" ajoute-t-il.
Dautres sont plus sévères à légard des notaires, et les accusent de faire parfois pression sur les experts afin que des transactions ne soient pas manquées ou retardées à cause dun diagnostic trop long ou trop précis. Les notaires sont-ils prêts à jouer le jeu des diagnostics tels quils doivent être compris selon les textes ? Certains notaires ont apparemment mal vécu les évolutions législatives de ces dernières années.
Le site internet dune étude notariale basée dans le Val dOise hésite entre devoir dinformer les clients et dénonciation à demi-mot des règles en vigueur. Sur la page intitulée « Quels diagnostics devez-vous établir avant la mise en vente dun immeuble bâti ? », le texte se fait plaintif : "Après le contrôle technique des véhicules automobiles, les diagnostics immobiliers !" et le notaire ajoute que "si lévolution des règles de protection du consommateur peut paraître légitime, cette protection représente maintenant des contraintes juridiques et financières importantes pour le vendeur". Le site propose en outre un questionnaire qui permet aux vendeurs de faire le point sur leurs obligations légales et précise : "Si vous navez pas de chance, vous aurez jusquà quatre diagnostics à faire établir. Si vous savez de la chance, vous naurez peut-être aucun diagnostic à faire établir ! "
Pour Me Pichon, Notaire (Président de l'Institut Notarial du Droit de l'Immobilier), la certification Qualicert reste un "premier pas nécessaire" dans la mesure où il ny a aucune disposition officielle pour lagrément des experts diagnostiqueurs et que les notaires sont responsables des documents annexés. Pour ce qui est du contenu du label, il reconnait "avoir entendu des plaintes disant que le cahier des charges était trop lourd, et dautres quil était trop léger". Il assure par ailleurs que comme pour tous les certificats de services, il évoluera vers plus dexigences dans les années à venir.
Entre temps, les travaux du ministère du logement pour la création dun document unique sur la manière de garantir le sérieux des expertises et d'harmoniser la durée de validité des différents diagnostics lors des transactions immobilières vers les particuliers auront peut-être porté leurs fruits.
(1) Les principaux organismes fournissant les attestations sont le Centre d'études supérieures industrielles (CESI), le Centre expérimental de recherche et d'études du BTP (CEBTP) et le groupe COTEBA, spécialiste de l'ingénierie de la construction.