Les inondations du 9 septembre ont submergé plus de 1 000 entreprises artisanales du bâtiment, essentiellement dans le Gard mais aussi dans l'Hérault, le Vaucluse et l'Ardèche. Plus de 400 d'entre elles ont tout perdu et 500 entreprises n'ont pas pu accéder à leurs chantiers. Un bilan que personne ne se risque encore à chiffrer.

Depuis que l'eau a envahi leur maison jusqu'à la dernière marche de la cave, dernier bastion avant le salon et les chambres, Christian et Graziella Martinerie n'arrivent plus à dormir. Depuis cette nuit maudite de dimanche 8 à lundi 9 septembre, au cours de laquelle ils ont perdu beaucoup ; des biens matériels, des recettes à venir, mais surtout, des illusions. Et ce sont elles qui font le plus mal. Une semaine après les inondations, ce maçon de Lézan et son épouse en ont gros sur le coeur. " La solidarité dans le Gard, elle est inexistante. Nous sommes restés 4 jours sans eau et sans électricité sans que personne de la commune ne vienne nous voir. "
Au rez-de-chaussée, sous l'eau, il y avait le bureau de Christian, totalement ravagé aujourd'hui, ainsi que l'ordinateur, l'imprimante, la photocopieuse, les devis établis pour un an et les factures de tous ses achats. Au rez-de-chaussée, il y avait aussi son atelier et son matériel. L'eau est montée jusqu'au plafond. " Il ne me reste plus qu'un camion, un compresseur, une sableuse et une bétonnière " annonce-t-il hagard, épuisé, à bout. L'expert lui a accordé un mois de pertes d'exploitation. " Si je trouve un véhicule, je pourrai reprendre ", soupire Christian, qui trouve malgré tout, la force d'aller de l'avant. Il estime ses pertes entre 53 000 et 76 000 euros (350 000 à 500 000 F).

Garder le sourire, et l'espoir

" Reprendre ", tel est bien l'énorme challenge auquel les quelque 1 000 entreprises artisanales sinistrées dans le Gard sont confrontées. Au Comptoir Cévenol du Bois, à Alès, Michel André et son fils Stéphane, espèrent redémarrer rapidement leur activité de négoce de bois et dérivés, et de scierie, qui emploie 8 salariés. " Mais l'atelier restera fermé au moins un mois ", précise Michel. Eux aussi attendent le verdict des assurances. Plus d'1,50 m d'eau a envahi le magasin et l'atelier de ce négoce de bois et dérivés. " Nous avons perdu tout le matériel de l'atelier et tout le stock, une centaine de tonnes de produits à évacuer ", témoigne Michel. Mais, pour lui, la solidarité a joué a plein. " Tout le monde s'est remonté les manches pour que nous puissions repartir très vite. Des fournisseurs de Carcassonne sont même venus nous aider à nettoyer. "
Le père et le fils ont le sourire, malgré le montant de l'ardoise : leurs pertes se montent entre 750 000 et 910 000 euros (5 à 6 millions de F), auxquels s'ajoutent 30 500 euros (200 000 F) de pertes d'exploitation chaque jour. " Je ne pense pas que l'entreprise soit en péril, reprend Michel, mais on va reculer certains investissements. C'est difficile de nous projeter dans l'avenir. Tout va dépendre de la manière dont nous allons être indemnisés. J'ai confiance en mon assurance ", conclut-il, non sans préciser qu'il espère être indemnisé rapidement car les traites tombent dans 60 jours.

Certains ont tout perdu !

Quelques kilomètres plus loin, Jean-Marc Provenzale et son épouse Lydia, spécialisés dans le monument funéraire, n'ont pas un centime de trésorerie devant eux. Pour redémarrer leur activité au plus vite, ils sont près à tout, même au pire. " Je suis assuré pour 30 500 euros (200 000 F), témoigne Jean-Marc. J'ai dit au directeur de la Maaf  : "Lâchez-moi cette somme et je vous signe une décharge comme quoi je ne veux plus rien après". " Exactement ce que craignent les organisations professionnelles : " Les entreprises ne doivent pas s'engager trop vite ", insiste Roland Pinot, président de la Capeb du Gard. Qu'importe... " Il faut y aller ", martèle Jean-Marc Provenzale. Jean-Marc et Lydia ont perdu leurs machines, les outils et les véhicules. En colère, ils racontent la situation ubuesque dans laquelle ils se trouvent : " Nous avons 30 500 euros (200 000 F) de commandes. Mais tous nos engins sont noyés. On ne peut pas redémarrer l' activité. Personne ne veut les réparer de peur qu'ils retombent en panne ensuite, et qu'on se retourne contre eux. " Le couple regarde les échéances de fin d'année avec angoisse. " Si nous perdons nos clients maintenant, nous ne pourrons pas assurer toutes nos charges. " Désabusés, Jean-Marc et Lydia n'ont aucune illusion sur les aides d'urgence qu'ils pourraient obtenir. " On servira les gros en premier. Il va falloir qu'on se débrouille seuls. On doit tourner autour de 61 000 euros (400 000 F) de pertes. C'est énorme pour nous. Je ne sais plus quoi faire." Désabusés, isolés dans leur détresse, les artisans sinistrés du Gard trouvent encore la force de relativiser leur situation. Tous disent : " Moi, j'ai tout perdu, mais j'ai eu de la chance. Certains ont perdu la vie "...

Diane Valranges

Indemnisation : gare à la franchise !

L'état de catastrophe naturelle, déclaré le 18 septembre, permet aux personnes qui possèdent une assurance "dommages" pour leur habitation, leur entreprise, leurs véhicules, etc., d'être indemnisées. Mais attention : une franchise reste toujours à la charge des assurés. Pour les biens à usage privé, elle s'élève à 380 euros (2 493 F) ; pour les biens à usage professionnel, elle est de 10 % du montant des dommages avec un minimum de 1 140 euros (7 478 F). Mais une mauvaise surprise attend certains sinistrés : en cas d'absence de plans de prévention des risques (PPR) dans la commune, ou si un autre arrêté de catastrophe naturelle y a déjà été pris pour le même motif, ces franchises peuvent être jusqu'à 5 fois plus élevées.


Les mesures d'aide du gouvernement

- Délais de paiement ou allègements d'impôts et de redevance télé.

- Remboursement des taxes foncière et d'habitation 2002 si les locaux ont été détruits ou doivent être démolis.

- Dégrèvements de taxe professionnelle.

- Délai de deux mois pour les déclarations venant a échéance le 31/12/2002, pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et pour celles assujetties à la taxe sur le chiffre d'affaires selon le régime réel.

- Délivrance gratuite de certains documents administratifs en remplacement de ceux perdus ou détruits (passeport, permis de conduire, etc.).

- Versement d'une aide d'urgence pour faire face aux besoins essentiels les plus urgents, tels que la nourriture et l'habillement.

- Pour les entreprises qui réalisent moins de 800 000 euros de chiffre d'affaires, déblocage des fonds du FISAC (montant à déterminer) pour prendre en charge les dépenses d'investissement liées à la restauration des locaux et des outils de travail et l'indemnisation des pertes d'exploitation et des frais de reconstitution de stock, le tout pour un montant plafonné.

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