ÉVÈNEMENT. Le 8e Sommet de la construction a eu lieu ce jeudi 18 avril 2019 à Paris, et les professionnels du bâtiment n'ont pas manqué d'interpeller une nouvelle fois les pouvoirs publics sur la suite qu'ils réservent à la fiscalité de l'immobilier et de la rénovation énergétique. En raison du contexte, les ministres présents ont botté en touche.
Le Gouvernement répond présent aux côtés des professionnels du bâtiment… et c'est tout. Quelques jours après l'incendie qui a ravagé une partie de la toiture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le secteur s'est réuni lors du 8e Sommet de la construction, organisé par la Fédération française du bâtiment (FFB) ce jeudi 18 avril 2019 à Paris, et attendait des ministres invités des annonces relatives à la fiscalité immobilière et aux dispositifs d'aides à la rénovation énergétique. Emmanuelle Wargon, la secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire, a été la première personnalité du Gouvernement à ouvrir cette matinale d'échanges.
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La ministre, qui avait été choisie par le président de la République pour superviser le Grand débat national en réponse à la révolte sociale des Gilets jaunes, s'est contentée d'indiquer qu'il fallait désormais attendre les décisions prises au sortir du Grand débat avant de se positionner davantage sur le CITE (Crédit d'impôt pour la transition énergétique) et autres aides à la rénovation énergétique. Insistant sur la nécessaire concertation entre tous les acteurs, Emmanuelle Wargon a également précisé que l'exécutif travaillait sur d'autres pistes fiscales : "On essaye de déverrouiller l'Eco-prêt à taux zéro". Quant à la future réglementation environnementale du bâtiment, la secrétaire d'Etat a assuré que le Gouvernement tiendrait ses délais : "Notre ambition est bien de respecter le calendrier de la RE 2020. Sur le contenu en lui-même, nous sommes encore en phase de concertation. Il y a une volonté d'avancer mais c'est de la discussion que sortira un compromis positif." Un échange avec Jacques Chanut, président de la FFB, qui s'est conclu sans annonce, chaque partie réaffirmant "se mettre à disposition" de l'autre pour travailler sur ces sujets.
"Une gestion malthusienne du foncier en France"
La matinée s'est poursuivie avec différentes interventions, à l'instar de celle de Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du Patrimoine et de Woodeum. Ce dernier a pris la parole pour mobiliser une nouvelle fois - s'il en était encore besoin - les professionnels du bâtiment pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris : "Notre patrimoine, c'est ce qui fait la différence entre la France et les autres pays. Ce patrimoine est absolument magnifique ; alors mettons-le en avant et faisons-en un atout pour le pays."
Mais c'était bel et bien l'immobilier qui constituait le fil rouge de ce 8e Sommet de la construction. Les échanges entre économistes, élus locaux et professionnels du secteur ont mis en avant plusieurs idées-phares : tout d'abord, nombreux sont ceux qui récusent le concept de rente immobilière, même s'il existe bel et bien une rente foncière. Or il semblerait que le prix soit l'obstacle : "On a une gestion malthusienne du foncier en France : aujourd'hui les individus veulent trouver un logement à proximité de leur lieu de travail, mais le travail est localisé dans les grandes villes", là où le logement devient de moins en moins abordable, a rappelé Cécile Philippe, présidente de l'Institut Molinari. "Les aides solvabilisent la demande mais font augmenter les prix plutôt que de rendre le logement accessible."
Xavier Timbeau, directeur principal de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) - Sciences Po, a quant à lui souligné : "L'avantage actuel, c'est que les taux d'intérêt sont très bas. Mais le problème, c'est que la fiscalité du logement locatif a été massacrée et que les acteurs institutionnels ne se sont pas positionnés, pour des raisons historiques, sur le parc locatif privé." Boris Ravignon, le maire de Charleville-Mézières (Ardennes), a confirmé le propos, estimant que "la politique du logement n'est pas cohérente". Et Valérie Fournier, présidente de la Fédération des ESH (Entreprises sociales de l'habitat), de conclure : "La logique économique actuelle voudrait qu'on baisse nos investissements, alors que la demande sociale est très forte".
"Il vous faut de la stabilité et de la visibilité"
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Pour achever ce 8e Sommet de la construction, Jacques Chanut s'est entretenu avec Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement. Le président de la FFB a d'abord interpellé le représentant du Gouvernement sur la quasi-absence de la thématique du logement dans les remontées du Grand débat national : "Le logement est globalement très peu revenu dans le Grand débat, mais les échanges transpiraient le logement, par exemple quand il était question de la durée de trajet pour se rendre de son domicile à son travail", a répondu Julien Denormandie. "L'immobilier est un secteur décisif pour l'économie, et le bâtiment est essentiel pour notre société. Ce que j'ai déjà eu l'occasion de regretter, c'est le manque d'investissements dans le capitalisme industriel français."
Interrogé sur la fiscalité en vigueur dans le secteur, le ministre du Logement a assuré qu'un big-bang n'était pas pour demain : "Je ne crois pas au grand soir de la fiscalité dans l'immobilier. Il vous faut de la stabilité et de la visibilité", a-t-il rétorqué aux professionnels présents dans la salle. Considérant le zonage des aides comme une "folie", Julien Denormandie a rappelé qu'il était favorable à une politique du logement "beaucoup plus territorialisée", allant même jusqu'à envisager une réforme du zonage "après les élections municipales". "J'ai fait de la rénovation un des marqueurs de mon action, ce qui n'empêche pas d'aller à fond sur la construction", a poursuivi le ministre. Sur la réécriture en cours du Code de la construction, Julien Denormandie a souligné qu'une "vision politique ne marche que si elle est accessible" : "Il ne s'agit pas seulement d'élaguer l'arbre mais de le faire repousser, en repoussant la norme et en changeant de paradigme. Le problème, ça va être les normes volontaires, et là pour le coup la balle est dans votre camp. Aidez-moi à vous aider !"